© Pit Buehler
La Franco-suisse de 28 ans, déjà lauréate de plusieurs Swiss Music Awards, a dernièrement été nominée par la célèbre chaîne MTV pour le prix de la Meilleure artiste helvétique en 2023. Son évolution musicale, son rapport à la mode ou encore à la réussite : entretien avec une chanteuse qui annonce avoir « enfin » trouvé sa voie.
Danitsa se souviendra longtemps de son année 2023. Nominée aux MTV European Music Awards (EMA), gagnante du Red Bull SoundClash, égérie de Jean Paul Gaultier, Shanna, de sa réelle identité, a aligné les coups de maître, sans pour autant perdre pied. Ce « couteau suisse de la musique », comme elle aime à se dépeindre, le doit très certainement à une maturité exemplaire puisée dans une carrière qui se compte en une décennie.
Mais dix ans de chansons, de studios et de concerts peuvent aussi devenir dix années de doutes, d’essais et de remises en question. Cela a été le cas pour la chanteuse au grain groovy, qui – elle le révèle – désormais âgée de 28 ans, n’a jamais semblé aussi convaincue de ses choix. Elle a accepté d’en partager quelques uns avec ELLE, dans un entretien aussi touchant qu’inspirant.
ELLE : Quand avez-vous appris que vous étiez sélectionnée aux MTV EMA 2023 ?
Danitsa : J’ai reçu l’annonce de ma nomination le 1er octobre 2023. J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’une blague, car bien que je connaissais la cérémonie des EMA, je ne savais pas qu’il y avait une catégorie suisse. Lorsque j’ai compris que c’était sérieux, j’ai ressenti énormément de fierté.
Pourquoi de la fierté ?
Parce que MTV, c’est toute mon enfance. Au-delà des programmes de télé-réalité qui y étaient diffusés, les clips vidéo me passionnaient et m’ont inspirée durant mon adolescence. Ils m’ont très certainement aussi influencée dans ma carrière.
Qu’est-ce qui fait votre force par rapport à vos concurrents du prix de Meilleur artiste suisse ?
Je suis un couteau suisse. Je le dis peut-être trop souvent, mais je ne peux pas mieux caractériser ma musique, car elle est aussi diverse que les nombreuses facettes liées à mon métissage (ndlr: Danitsa est Française, Serbe, Tchadienne, Congolaise et Espagnole). Ma force, du coup, c’est que:
Il y a une large palette de personnalités qui peuvent m’écouter, et je le vois durant mes concerts : mon public est pluriel et c’est une chance énorme.
Avez-vous déjà eu l’impression, comme Erykah Badu que vous avez récemment citée parmi vos plus importantes inspirations, de proposer une musique qui n’existait pas au sein du pays dans lequel vous avez grandi ?
Bien qu’on ne fasse pas la même musique, c’est vrai que, comme elle, je dois avouer que je n’ai jamais connu d’artistes auxquels je pouvais entièrement m’identifier en Suisse. Ce qui n’est pas plus mal, car je propose quelque chose qui peut être considéré comme réellement unique.
Pourtant, depuis quelques années, on vous associe régulièrement à la chanteuse Lauryn Hill en vous dépeignant comme son « héritière suisse »…
C’est une comparaison qui a commencé dès le début de ma carrière. A l’époque, j’en étais extrêmement flattée. Mais il est vrai que, plus je grandis, plus j’avoue avoir du mal avec ce genre d’association. Parce que je suis une artiste à part entière et que l’on propose des choses différentes. Après, je ne peux blâmer ceux qui me comparent à Lauryn Hill, car on a tous des inspirations diverses qui nous rappellent à chacun nos propres références. Je sais que tout cela part toujours d’une bienveillance.
Danitsa, ce n’est pas juste de la musique. C’est aussi un style vestimentaire affirmé. Quel est votre rapport à la mode ?
Je me suis intéressée à la mode très tardivement. Au départ, j’estimais que ma musique serait plus authentique si je la partageais sans penser à l’apparence que je renvoyais. Puis est arrivé 2019. J’ai travaillé avec une directrice artistique passionnée de mode, qui m’a fait découvrir un univers génial.
Aujourd’hui, mon make-up, ma coiffure et mon style vestimentaire font partie intégrante de mon personnage. Que ce soit en concert ou dans mes clips, j’aspire à partager à mon public la version la plus sublimée de Danitsa.
En parlant de mode, vous avez d’ailleurs récemment posé en tant que muse pour le nouveau parfum Divine de Jean Paul Gaultier…
Oui, j’ai été contactée à peu près un an avant le lancement de la campagne. J’ai appris que j’étais la seule égérie suisse. Ce qu’il y a d’encore plus fou c’est que, dans la couverture de mon album Sycle (2021), je porte la marque suisse Ottolinger qui, pour cette création, avait collaboré avec la Maison Jean Paul Gaultier. C’est incroyable de me dire que, quelques années plus tard, j’en suis devenue l’égérie.
Il y a un autre défi que vous avez relevé, cette fois-ci en groupe : depuis son intégration aux MTV EMA, en 2019, la catégorie suisse a toujours sélectionné davantage de Suisses allemands que romands. C’est la première fois, cette année, que quatre artistes sur cinq viennent de la partie francophone du pays. Qu’est-ce que cela évoque pour vous ?
C’est une très bonne nouvelle. La musique romande est pendant longtemps restée dans l’ombre. Depuis quelques années, grâce à la nouvelle génération d’artistes, il y a progressivement des choses qui changent. Ça montre que chez nous aussi, il y a du talent.
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Mais il y a encore des progrès à faire, non ?
Oui, on n’est qu’au début. Bien que les auditeurs de la musique romande se diversifie, reste que pour les cérémonies musicales du pays, cela demeure encore très liée à la Suisse alémanique. C’est le cas des Swiss Music Awards (SMA), par exemple, qui intègrent le « Best Act Romandie », unique prix décerné aux artistes de chez nous. Or, il y a plein de confrères et consœurs romands qui mériteraient d’être intégrés aux autres catégories de cette cérémonie.
Vous avez d’ailleurs remporté en 2018 et en 2022 des Swiss Music Awards. Qu’est-ce que ça représenterait de gagner un MTV EMA ?
Oui, et j’en suis très reconnaissante. Mais il y a clairement des différences entre ces deux cérémonies: les SMA, c’est une cérémonie présentée en allemand. Les Romands et d’autres pays ne parlant pas cette langue n’ont donc pas toujours le réflexe ou l’envie de s’y intéresser. Ce qui n’est pas du tout le cas des MTV Awards. Il y a là l’ opportunité de toucher une audience à l’échelle internationale.
Qu’avez-vous ressenti lors de l’annulation de la cérémonie des MTV EMA 2023 à Paris ?
J’aurais bien évidemment adoré pouvoir monter sur la scène des MTV EMA, mais je comprends totalement la décision de la cérémonie. Puis, j’ai confiance en l’avenir : je sais que rien n’arrive par hasard et qu’il fallait que cela se passe comme ça. Mais la cérémonie a toujours lieu en ligne. Donc je me réjouis tout de même d’être le 5 novembre pour connaître les résultats.
Quand on parle de ce genre de concours, il y a ce que ça représente pour soi, mais intrinsèquement aussi ce que ça représente pour les autres. J’imagine que plein de gens ont dû vous dire que « c’est bon ! Vous avez réussi »… Ca veut dire quoi « réussir sa vie » pour Danitsa ?
C’est vrai que j’ai reçu plein de messages de soutien et de félicitation. Personnellement, je n’ai pas encore atteint l’objectif que je me suis fixée. En revanche, je pense en effet avoir déjà réussi ma vie, puisque je vis de ma passion, la musique. C’est incroyable de me dire que tout ce que j’avais écrit s’est concrétisé. Et je compte continuer de mettre les efforts nécessaires pour poursuivre ce merveilleux storytelling.
Que nous réservez-vous pour la suite ?
Je travaille actuellement sur mon troisième album. C’est un projet qui ne me permettra plus de me cacher derrière l’apparence du « couteau suisse ». Aujourd’hui, j’ai 28 ans, et je pense enfin m’être trouvée musicalement. Je ne peux pas encore dire trop de détails, mais ce qui est sûr, c’est que mon prochain album sera définitivement celui de la maturité. Il sera grandiose.
