Lorsqu’il avait huit ans. Antoine de Caunes a vu son père partir sur une île déserte des Marquises et expérimenter la vie d’un Robinson. Un souvenir intime restitué avec émotion et humour à travers un roman graphique tout à la fois éblouissant et poignant réalisé avec Xavier Coste.

Georges de Caunes, pionnier de la télévision française, journaliste tous terrains excellant tant pour présenter le JT de 20h, que pour les commentaires sportifs ou du Festival de Cannes, décide de se lancer dans une nouvelle aventure après avoir exploré l’Amazonie et le si convoité Groenland : à l’image de Robinson Crusoë, il décide de s’échouer volontairement sur une île déserte des Marquises et y demeurer une année en autonomie complète. Il laisse à Paris son petit garçon de 8 ans, à la fois terriblement attristé par ce départ aux allures d’abandon et en totale admiration de son père, « ce héros ». 60 ans plus tard, Antoine de Caunes se plonge dans le journal de bord de son père tenu sur l’île d’Eiao et y découvre une version bien éloignée de celle que Georges réservait à ses bulletins radiophoniques quotidiens où, sans occulter les conditions de vie difficiles, taisait le véritable enfer dans lequel il s’était volontairement plongé.
De cet épisode, Antoine de Caunes en tire un formidable roman graphique, fruit d’une collaboration particulièrement réussie avec l’auteur de bande dessinée Xavier Coste (à qui l’on doit notamment L’enfant et la Rivière adapté du roman d’Henri Bosco, les albums 1984 et 1985…). Tous deux reconnaissent à quel point leur création s’est réalisée naturellement, les idées de l’un stimulant celles de l’autre et inversement, dans un véritable ping-pong, loin des méthodes traditionnelles généralement de mise pour de tels ouvrages à quatre mains.


Ainsi, ils retracent l’aventure de Georges de Caunes sur cette île largement hostile où rien ne pousse, écrasée de chaleur et en proie aux moustiques et aux requins. On retrouve le quotidien de cet homme dont la préoccupation principale consistait à assurer sa survie. Quatre mois plus tard et près de vingt kilos en mois, il dut être rapatrié sur la terre ferme.
Inventivité graphique et scénaristique
Sur la forme, on découvre un ouvrage original, flamboyant où foisonnent les couleurs, sauf pour marquer la tristesse d’Antoine enfant, grisé. Pas de cases, des dessins « jetés » en plus ou moins grand format. L’inventivité qui marque ainsi le graphisme se retrouve également au scénario avec, par exemple, l’idée de faire parler les animaux et, en particulier, Eder, le fidèle compagnon à quatre pattes de Georges qui apporte un peu de légèreté à l’ensemble de l’histoire. A noter aussi l’épisode croustillant où le seul homme susceptible de venir soulager Georges durant son séjour se révèle être l’écrivain des Choses de la vie et de L’ironie du sort… Paul Guimard, ex ami de Georges qui s’en était éloigné après s’être considérablement rapproché de sa femme Benoite Groult !


On est surtout touchés par la restitution de cette relation si particulière entre un fils et son père qu’il voit s’éloigner sans en comprendre la motivation et où de nombreux lecteurs se retrouveront. Une incompréhension douloureuse, probablement soulagée soixante plus tard après la lecture d’un journal de bord.
