Les thématiques des Indociles (2023), ô combien sensibles et ornées de facétieuses saillies, ont conquis le public du GIFF 2023 venu à l’avant-première samedi. Dans l’attente de la diffusion de la série belgo-suisse ce mercredi, sur la RTS, ELLE s’est entretenu avec Fotinì Peluso. Entre injustices et idéaux, l’actrice principale revient sur les défis que partagent les personnages avec la société d’aujourd’hui.
Les ovations ont inondé le Geneva International Film Festival (GIFF) à l’issue de la diffusion des deux premiers épisodes des Indociles (2023), samedi 4 novembre. Et à raison. La série réalisée par Delphine Lehericey est une adaptation poignante de la bande dessinée homonyme de Camille Rebetez et Pitch Comment co-écrite une dizaine d’années plus tôt.
C’est plus précisément l’histoire d’un lieu – une ferme jurassienne se voulant être un refuge pour les âmes en quête d’un sens à leur vie. L’histoire d’une époque – le début des années 1970 marqué par la vague hippie et son lot d’émancipation éventré par les drames de la toxicomanie. Les Indociles retrace alors, entre rire et larmes, le parcours d’une jeunesse – puis d’une communauté – désireuse de construire un monde plus égal, plus sain et véritablement libre. Une ambition principalement portée par trois personnages que l’on voit mûrir dès leur 17 ans, pendant 40 ans : Lulu, Joe, et Chiara. La version jeune de cette dernière étant interprétée par Fotinì Peluso, laquelle confie à ELLE Suisse avoir, pour ce rôle, fait face à plusieurs défis.
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Incarner le paradoxe
Cela faisait deux ans que Delphine Lehericey recherchait « le trio parfait ». Puis, en 2022, Fotinì Peluso apprend avoir obtenu l’un des rôles. Début d’automne, elle se rend pour la première fois en Suisse. Bien que « absolument réjouissante », poursuit-elle, l’expérience s’est très rapidement accompagnée d’une composante « effrayante » : incarner Chiara.
Son personnage est une fille d’immigrés du Sud de l’Italie tout juste arrivée dans la froideur d’une Suisse galvanisée par la montée du racisme. Une fois déracinée, elle devient tant la bonne amie créant le lien entre les membres du groupe d’adolescents que le détonateur invitant pour la première fois les prémices des drogues dures en leur sein. C’est un doux mélange d’espoir et de fragilités. Bien que l’actrice de 24 ans ait brillé dans de précédents rôles tragiques, celle-ci reconnaît avoir, cette fois, peiné à composer avec ces moult complexités :
Il y a quelque chose qui m’attire dans le drame. Incarner cette figure était donc un honneur, qui nécessitait cependant un gros travail de documentation. Je devais comprendre ce que l’on ressent lorsque l’on est dépendant et que l’on se sent incompris.
Fractures intemporelles
Chiara et ses compères font face à une multitude d’autres fêlures sociales : la marginalisation, les agressions sexuelles, la solitude, les tumultes de l’amitié ou de la parentalité, les difficultés liées à l’urgence révolutionnaire. Tant de thèmes qui, du point de vue de Fotinì Peluso, font des Indociles une fiction non pas seulement historique, mais intemporelle : « Les problèmes auxquels cette communauté est confrontée du fin fond de son Jura des années 1970 sont en réalité encore présents à notre époque à l’échelle mondiale. » Dans les luttes qui la touchent plus particulièrement, l’artiste qui se dit « de plus en plus engagée » cite notamment l’émancipation féminine:
Depuis quelques années, je réalise qu’il est crucial d’être engagé dans une ou plusieurs causes. Parce qu’on ne vit pas tous seuls. Nous sommes des êtres qui existons en collectivité: ce qui me touche impactera forcément mon voisin et vice-versa.
Greco-italienne vivant depuis quelques années à Paris, Fotinì Peluso confie s’être en outre aidé de sa propre expérience pour interpréter Chiara. A l’instar de son personnage – toute proportion gardée insiste-t-elle – Fotinì Peluso a, elle aussi, dû gérer la difficulté de faire sienne une culture qui lui était étrangère : « Je pense que c’est pour cela que je me suis sentie si proche de mon personnage. Car malgré les obstacles, elle comprend que sa différence est une force lui permettant de s’adapter au changement et d’aimer la diversité. »
L’art, écu contre l’ignorance
Alors, face à des fractures sociales et politiques encore si présentes, de quelles armes la jeunesse d’aujourd’hui dispose-t-elle pour lutter? Du côté de Fotinì, on ne parle pas d’un militantisme porté par les graffitis ou les slogans. Son écu à elle, c’est le domaine dans lequel elle excelle, le cinéma :
L’art est l’une des choses essentielles qui peut nous sauver de l’ignorance humaine. Il nous permet de rêver et d’espérer, jusqu’à se sentir assez inspiré pour vouloir changer notre propre réalité.
Et Fotinì Peluso en est convaincue: la série de Delphine Lehericey peut prétendre à cette ambition: « Les Indociles parlera à tout le monde car, outre les thématiques toujours actuelles, on y suit des personnages sur plusieurs décennies avec des parcours complètement diversifiés. Adolescents comme adultes peuvent ainsi y trouver une résonance, même la plus infime, qui renverra forcément à un moment de leur propre vie. »
Les Indociles sera diffusé au public sur RTS 1 et Play Suisse. L’épisode 1 sera dévoilé le mercredi 8 novembre, suivi d’un débat sur les addictions durant l’émission Infrarouge. S’en suivront le jeudi 9 novembre les épisodes 2 et 3, et le jeudi 16 novembre les épisodes 4 et 5. Dimanche 12 novembre, le documentaire de Jacques Matthey sur la toxicomanie passera quant à lui sur RTS 2.