Joël Dicker: « Il faudrait parvenir à s’ouvrir avec ceux que l’on aime »

27 février · Julie Vasa

Ainsi s’exprime l’auteur genevois à propos des personnages de son nouveau roman. Il publie mardi 27 février avec sa maison d’édition Rosie & Wolfe « Un animal sauvage » (2024) et sera également l’un des invités d’honneur du Salon du livre de Genève qui se tiendra du 6 au 10 mars. L’occasion d’échanger avec lui sur les coulisses de l’écriture de son livre et sur sa vision de la littérature et de la lecture.

ELLE: Dans quel état d’esprit êtes-vous au moment de la publication de ce septième roman?
Joël Dicker: J’ai le trac, et heureusement! L’appréhension éprouvée vis-à-vis de l’accueil d’un nouveau livre par les lecteurs est tout à fait normale. Si elle n’existe pas, c’est qu’il y a un problème. J’attends impatiemment de les retrouver. J’ai tissé avec eux une relation qui commence à se solidifier. Cela fait maintenant douze ans qu’ils me suivent. J’ai mis tellement de cœur et d’énergie dans ce livre! J’espère sincèrement qu’il leur plaira.

Après L’Enigme de la chambre 622 (2020), vous nous entraînez à nouveau dans Genève. Pourquoi y revenir après les Etats-Unis?
C’est une évidence. Je suis Genevois, j’aime cette ville et ne m’en cache pas. Je suis très heureux de pouvoir raconter quelque chose qui s’y passe et l’utiliser comme terreau de polar. J’ai le sentiment que dans L’Enigme de la chambre 622, Genève était le décor de l’histoire. Ici, c’est différent: j’ai essayé d’en faire presque un personnage à travers plusieurs endroits un peu iconiques.

Après L’Enigme de la chambre 622, j’ai éprouvé le besoin d’aller au bout de ma trilogie

Joël Dicker, écrivain (ELLE)

Vous souvenez-vous de l’élément déclencheur de cette nouvelle intrigue?
Il n’y en a pas vraiment: je cogite, je m’énerve, je recommence… toutes mes histoires ne me viennent pas d’un coup, cela prend du temps. En revanche, une chose était certaine: revenir à Genève. Après L’Enigme de la chambre 622, j’ai éprouvé le besoin d’aller au bout de ma trilogie et il fallait donc repartir aux Etats-Unis pour terminer ce que j’avais commencé. Une fois que c’était fait, je pouvais revenir.

Est-il envisageable que vous écriviez une suite à votre trilogie?
Je n’en ai aucune idée. Pourquoi pas mais je ne promets rien, ni dans un sens, ni dans l’autre.

Un Animal sauvage met en scène une famille assez idéale mais qu’on découvre très rapidement menacée: elle est épiée. Vous est-il arrivé d’éprouver une certaine angoisse à être ainsi traqué?
Pas spécialement, mais, si c’était le cas, ce ne serait pas très agréable. Imaginer ce type de situations appelle plein de questions: qui épie? qui suit? pour quelles raisons? Être traqué, observé, suivi… c’est un état de fait, comme un meurtre d’ailleurs. La vraie question c’est « pourquoi? », celle qui ouvre une boîte de Pandore et qui me nourrit dans la narration. Il me semble que c’est aussi ce qui nourrit l’intérêt des lecteurs: on découvre petit à petit tout ce qui préside à cette traque.

Vous décrivez notamment le travail de policiers d’élite qui sont l’équivalent du raid en France. En avez-vous rencontré certains avant d’écrire sur leur mode opératoire?
Surtout pas! Peut-être que tout est faux mais vérifier l’exactitude des procédures mises en œuvre me briderait trop. En réalité, je n’ai pas écrit un livre sur la police ou les groupes d’intervention mais un roman dans lequel ce type de personnages évolue. Ensuite, j’invente ce qui m’arrange pour faire progresser l’histoire. Autre exemple: à un moment donné, dans le livre, j’indique une date précise en mentionnant tel jour de juin 2022, il faisait beau et chaud, ils vont à la piscine. Je ne suis en aucun cas allé vérifier s’il avait effectivement fait chaud ce jour-là. Peut-être qu’il pleuvait des cordes, peut-être que ça a été en réalité le jour le plus froid du mois de juin jamais enregistré depuis 1712. Ca m’est totalement égal! Mon livre est une fiction. J’ai besoin, pour l’histoire, qu’il fasse beau ce jour-là. C’est tout à fait cohérent pour un mois de juin à Genève et cela me convient ainsi.

La tendance qui voudrait que l’on ait recours à des « sensitivity readers » avant toute publication m’est insupportable!

Joël Dicker, écrivain (ELLE)

Les « sensitivity readers » ne sont donc pas d’actualité chez Rosie&Wolfe?
Ah non, certainement pas. La tendance qui voudrait que l’on ait recours à des « sensitivity readers » avant toute publication m’est insupportable! Un auteur doit pouvoir raconter ce qu’il veut pour susciter chez le lecteur des émotions, de l’empathie. A partir du moment où l’on commence à brider cette possibilité, on s’inscrit dans un déclin et la démocratie est en danger. La lecture nous permet d’avoir du sens critique. C’est comme ça qu’on comprend les enjeux d’un vote par exemple, parce que notre cerveau se construit à force de lire. Si l’on commence à avoir une lecture de livres épurés, écrits, formatés, on se prive d’une certaine liberté.

Dans ce roman, tous les personnages jouent un jeu et certains cachent des secrets importants. Pensez-vous que toute vérité ne soit pas bonne à dire?
La première question est de savoir s’il faudrait-il toujours dire la vérité. A mon sens, non car certaines vérités sont blessantes et donc inutiles. La vérité, c’est le rapport à l’autre mais aussi à soi. Si l’on pouvait être plus vrai, il me semble qu’on se porterait mieux. On éprouve souvent de la peine à exprimer ce que l’on est, ce que l’on ressent… Dans ce livre, j’ai inventé des personnages qui au fond, sont marqués par des envies, des pulsions, des états d’âme, par des situations. Ils n’y peuvent rien. Il faudrait aussi parvenir à s’ouvrir avec ceux que l’on aime et ne pas toujours être dans un rôle de représentation ou dans l’interdit.

Et peut-on mentir par amour, selon vous?
On peut tout faire par amour! Alors, oui, il est possible de mentir par amour. Mais. un mensonge par amour consolide-t-il pour autant le lien amoureux avec celui qu’on aime? Non, bien au contraire…

Comme souvent dans vos romans, vous mettez en œuvre des temporalités différentes alors même que vous affirmez travailler sans plan. En a-t-il été de même pour celui-ci?
Tout à fait. J’ai des idées que je développe « à l’aveugle » au départ. Puis je les assemble. Ensuite, je réécris bien sûr, je reprends, et ainsi de suite. Au final, tout est évidemment construit. J’aime la page blanche parce que c’est une vraie liberté.

La couverture de ce nouveau roman n’est pas un tableau d’Hopper. Comment avez-vous choisi cet artiste?
David de Las Heras est un artiste barcelonais que j’apprécie énormément. C’est un peintre génial! Il avait réalisé une série de dessins pour illustrer ma nouvelle Le Tigre (2019) dans sa version espagnole. J’avais beaucoup aimé et l’ai donc contacté pour réaliser la couverture de Un Animal sauvage en le laissant libre du format. Il a peint une toile de deux mètres sur deux, c’est énorme! Je lui avais simplement donné quelques lignes directrices, le pitch, mais de façon très simple. C’était sans filet et là aussi, j’avais un peu le trac. Mais quand j’ai vu le résultat, j’ai été très satisfait. Comme chez Hopper, il y a quelque chose de très évocateur dans ce dessin, surtout dans ce qu’on voit pas.

Le fait d’être éditeur aujourd’hui a-t-il joué sur votre manière d’écrire?
Je ne suis pas éditeur mais patron d’une maison d’édition, la différence est très importante. En anglais, on distingue d’ailleurs « editor » et « publisher« . J’ai créé une maison d’édition dans laquelle je participe activement, entre autres, au choix des auteurs qui paraissent. Mais pour le reste, ce n’est pas moi qui corrige mon texte, je ne fais pas de travail éditorial. C’est un vrai métier et je me suis entouré de gens dont c’est le métier, surtout pour mes textes.

Nicolas Feuz, dont vous avez publié le dernier polar Le philatéliste (2023) disait dans nos colonnes qu’il avait été touché par votre relecture de son manuscrit et de vos suggestions très précises. Pour le coup, c’est un vrai travail d’éditeur!
C’est vrai, je le fais aussi… C’est d’ailleurs un plaisir de travailler avec Nicolas Feuz, il est très réceptif. Mais à la suite de ma lecture, une éditrice a elle aussi travaillé sur les textes, comme dans toute maison d’édition.

Comment avez-tu vécu l’expérience de publier deux autres auteurs chez Rosie&Wolfe ces derniers mois?
De façon très heureuse! Cela me permet de mettre encore davantage le livre en général en avant et c’est ce que j’aime.

J’adore parler des livres, de lecture et c’est encore plus agréable de le faire quand ce n’est pas ton livre. J’y prends beaucoup de plaisir.

Joël Dicker, écrivain (ELLE)

Quel bilan tirez-vous après ces deux années d’existence de l’entreprise?
C’est encore un peu tôt pour le dire, mais beaucoup de satisfaction personnelle d’avoir osé sauter le pas, ce qui n’était pas simple bien sûr.

Etes-vous souvent sollicité en tant qu’éditeur par des gens qui voudraient être publiés par votre maison?
Je reçois en effet de nombreux de manuscrits, mais comme je le dis sur le site de la maison, nous ne sommes pas en mesure de tous les lire. On n’aurait pas le temps de le faire bien. Et en tout état de cause, je fais paraître au maximum deux titres par année. Cela ne changera pas. J’ai déjà plusieurs titres en tête qui couvrent les deux ou trois prochaines années!

Quel est le prochain à paraître?
En mai, celui d’un historien sur les services secrets anglais et leurs liens entre Londres et la Résistance en France, notamment au moment du débarquement. C’est un essai fascinant qui se lit comme un polar et sa traduction est vraiment superbe!

Vous participez assez peu en général aux salons littéraires, mais serez l’un des invités d’honneur de celui de Genève la semaine prochaine. Quelles raisons vous ont décidé?
D’abord, parce que je ne l’ai pas fait depuis très longtemps et puis parce que le salon coïncide avec la sortie de mon livre. C’est l’opportunité d’aller rencontrer les lecteurs genevois. Je suis heureux d’y venir également pour parler de littérature et donner aux gens envie de lire, surtout à ceux qui n’en ont pas l’habitude. Cela implique de commencer dans les écoles, dans un monde d’écrans, de téléphones Instagram, Tiktok… C’est notre mission et il est important de le faire.

Le privilège des invités d’honneur est de pouvoir inviter à leur tour d’autres auteurs. Parmi eux, vous avez fait signe à David Foenkinos et Douglas Kennedy. Quels sont vos liens?
Douglas Kennedy a ce souffle de conteur américain que l’on perçoit très fortement, même quand ses livres ne se passent pas aux Etats-Unis. C’est un auteur que je lis avec énormément de plaisir! Il m’avait notamment emporté avec Piège nuptial (1994). C’était extraordinaire! C’est d’ailleurs l’un des auteurs que j’ai rencontré quand je suis moi-même devenu auteur. J’ai le souvenir d’un moment un peu irréel. Quant à David Foenkinos , que je lisais aussi avec plaisir, la rencontre a eu lieu un peu plus tard et il a été tout de suite été de bon conseil et prévenant avec moi. Je l’aime beaucoup et apprécie ses romans.

Vous modérerez une rencontre consacrée à la lecture avec Claire Audhuy et Anne Hitpold. Une première?
Le sujet me tient particulièrement à cœur et j’avais envie d’un échange avec elles, ni en tant qu’auteur ni en tant qu’éditeur. Nous allons parler de livres, de la nécessité de faire lire et je souhaitais instaurer une discussion plus intime que si un modérateur avait été présent. J’appréhende un peu l’exercice mais me réjouis de la perspective de ces échanges !

Tags : Livre · Genève · Littérature

Ainsi s’exprime l’auteur genevois à propos des personnages de son nouveau roman. Il publie mardi 27 février avec sa maison d’édition Rosie & Wolfe « Un animal sauvage » (2024) et sera également l’un des invités d’honneur du Salon du livre de Genève qui se tiendra du 6 au 10 mars. L’occasion d’échanger avec lui sur les coulisses de l’écriture de son livre et sur sa vision de la littérature et de la lecture.

ELLE: Dans quel état d’esprit êtes-vous au moment de la publication de ce septième roman?
Joël Dicker: J’ai le trac, et heureusement! L’appréhension éprouvée vis-à-vis de l’accueil d’un nouveau livre par les lecteurs est tout à fait normale. Si elle n’existe pas, c’est qu’il y a un problème. J’attends impatiemment de les retrouver. J’ai tissé avec eux une relation qui commence à se solidifier. Cela fait maintenant douze ans qu’ils me suivent. J’ai mis tellement de cœur et d’énergie dans ce livre! J’espère sincèrement qu’il leur plaira.

Après L’Enigme de la chambre 622 (2020), vous nous entraînez à nouveau dans Genève. Pourquoi y revenir après les Etats-Unis?
C’est une évidence. Je suis Genevois, j’aime cette ville et ne m’en cache pas. Je suis très heureux de pouvoir raconter quelque chose qui s’y passe et l’utiliser comme terreau de polar. J’ai le sentiment que dans L’Enigme de la chambre 622, Genève était le décor de l’histoire. Ici, c’est différent: j’ai essayé d’en faire presque un personnage à travers plusieurs endroits un peu iconiques.

Après L’Enigme de la chambre 622, j’ai éprouvé le besoin d’aller au bout de ma trilogie

Joël Dicker, écrivain (ELLE)

Vous souvenez-vous de l’élément déclencheur de cette nouvelle intrigue?
Il n’y en a pas vraiment: je cogite, je m’énerve, je recommence… toutes mes histoires ne me viennent pas d’un coup, cela prend du temps. En revanche, une chose était certaine: revenir à Genève. Après L’Enigme de la chambre 622, j’ai éprouvé le besoin d’aller au bout de ma trilogie et il fallait donc repartir aux Etats-Unis pour terminer ce que j’avais commencé. Une fois que c’était fait, je pouvais revenir.

Est-il envisageable que vous écriviez une suite à votre trilogie?
Je n’en ai aucune idée. Pourquoi pas mais je ne promets rien, ni dans un sens, ni dans l’autre.

Un Animal sauvage met en scène une famille assez idéale mais qu’on découvre très rapidement menacée: elle est épiée. Vous est-il arrivé d’éprouver une certaine angoisse à être ainsi traqué?
Pas spécialement, mais, si c’était le cas, ce ne serait pas très agréable. Imaginer ce type de situations appelle plein de questions: qui épie? qui suit? pour quelles raisons? Être traqué, observé, suivi… c’est un état de fait, comme un meurtre d’ailleurs. La vraie question c’est « pourquoi? », celle qui ouvre une boîte de Pandore et qui me nourrit dans la narration. Il me semble que c’est aussi ce qui nourrit l’intérêt des lecteurs: on découvre petit à petit tout ce qui préside à cette traque.

Vous décrivez notamment le travail de policiers d’élite qui sont l’équivalent du raid en France. En avez-vous rencontré certains avant d’écrire sur leur mode opératoire?
Surtout pas! Peut-être que tout est faux mais vérifier l’exactitude des procédures mises en œuvre me briderait trop. En réalité, je n’ai pas écrit un livre sur la police ou les groupes d’intervention mais un roman dans lequel ce type de personnages évolue. Ensuite, j’invente ce qui m’arrange pour faire progresser l’histoire. Autre exemple: à un moment donné, dans le livre, j’indique une date précise en mentionnant tel jour de juin 2022, il faisait beau et chaud, ils vont à la piscine. Je ne suis en aucun cas allé vérifier s’il avait effectivement fait chaud ce jour-là. Peut-être qu’il pleuvait des cordes, peut-être que ça a été en réalité le jour le plus froid du mois de juin jamais enregistré depuis 1712. Ca m’est totalement égal! Mon livre est une fiction. J’ai besoin, pour l’histoire, qu’il fasse beau ce jour-là. C’est tout à fait cohérent pour un mois de juin à Genève et cela me convient ainsi.

La tendance qui voudrait que l’on ait recours à des « sensitivity readers » avant toute publication m’est insupportable!

Joël Dicker, écrivain (ELLE)

Les « sensitivity readers » ne sont donc pas d’actualité chez Rosie&Wolfe?
Ah non, certainement pas. La tendance qui voudrait que l’on ait recours à des « sensitivity readers » avant toute publication m’est insupportable! Un auteur doit pouvoir raconter ce qu’il veut pour susciter chez le lecteur des émotions, de l’empathie. A partir du moment où l’on commence à brider cette possibilité, on s’inscrit dans un déclin et la démocratie est en danger. La lecture nous permet d’avoir du sens critique. C’est comme ça qu’on comprend les enjeux d’un vote par exemple, parce que notre cerveau se construit à force de lire. Si l’on commence à avoir une lecture de livres épurés, écrits, formatés, on se prive d’une certaine liberté.

Dans ce roman, tous les personnages jouent un jeu et certains cachent des secrets importants. Pensez-vous que toute vérité ne soit pas bonne à dire?
La première question est de savoir s’il faudrait-il toujours dire la vérité. A mon sens, non car certaines vérités sont blessantes et donc inutiles. La vérité, c’est le rapport à l’autre mais aussi à soi. Si l’on pouvait être plus vrai, il me semble qu’on se porterait mieux. On éprouve souvent de la peine à exprimer ce que l’on est, ce que l’on ressent… Dans ce livre, j’ai inventé des personnages qui au fond, sont marqués par des envies, des pulsions, des états d’âme, par des situations. Ils n’y peuvent rien. Il faudrait aussi parvenir à s’ouvrir avec ceux que l’on aime et ne pas toujours être dans un rôle de représentation ou dans l’interdit.

Et peut-on mentir par amour, selon vous?
On peut tout faire par amour! Alors, oui, il est possible de mentir par amour. Mais. un mensonge par amour consolide-t-il pour autant le lien amoureux avec celui qu’on aime? Non, bien au contraire…

Comme souvent dans vos romans, vous mettez en œuvre des temporalités différentes alors même que vous affirmez travailler sans plan. En a-t-il été de même pour celui-ci?
Tout à fait. J’ai des idées que je développe « à l’aveugle » au départ. Puis je les assemble. Ensuite, je réécris bien sûr, je reprends, et ainsi de suite. Au final, tout est évidemment construit. J’aime la page blanche parce que c’est une vraie liberté.

La couverture de ce nouveau roman n’est pas un tableau d’Hopper. Comment avez-vous choisi cet artiste?
David de Las Heras est un artiste barcelonais que j’apprécie énormément. C’est un peintre génial! Il avait réalisé une série de dessins pour illustrer ma nouvelle Le Tigre (2019) dans sa version espagnole. J’avais beaucoup aimé et l’ai donc contacté pour réaliser la couverture de Un Animal sauvage en le laissant libre du format. Il a peint une toile de deux mètres sur deux, c’est énorme! Je lui avais simplement donné quelques lignes directrices, le pitch, mais de façon très simple. C’était sans filet et là aussi, j’avais un peu le trac. Mais quand j’ai vu le résultat, j’ai été très satisfait. Comme chez Hopper, il y a quelque chose de très évocateur dans ce dessin, surtout dans ce qu’on voit pas.

Le fait d’être éditeur aujourd’hui a-t-il joué sur votre manière d’écrire?
Je ne suis pas éditeur mais patron d’une maison d’édition, la différence est très importante. En anglais, on distingue d’ailleurs « editor » et « publisher« . J’ai créé une maison d’édition dans laquelle je participe activement, entre autres, au choix des auteurs qui paraissent. Mais pour le reste, ce n’est pas moi qui corrige mon texte, je ne fais pas de travail éditorial. C’est un vrai métier et je me suis entouré de gens dont c’est le métier, surtout pour mes textes.

Nicolas Feuz, dont vous avez publié le dernier polar Le philatéliste (2023) disait dans nos colonnes qu’il avait été touché par votre relecture de son manuscrit et de vos suggestions très précises. Pour le coup, c’est un vrai travail d’éditeur!
C’est vrai, je le fais aussi… C’est d’ailleurs un plaisir de travailler avec Nicolas Feuz, il est très réceptif. Mais à la suite de ma lecture, une éditrice a elle aussi travaillé sur les textes, comme dans toute maison d’édition.

Comment avez-tu vécu l’expérience de publier deux autres auteurs chez Rosie&Wolfe ces derniers mois?
De façon très heureuse! Cela me permet de mettre encore davantage le livre en général en avant et c’est ce que j’aime.

J’adore parler des livres, de lecture et c’est encore plus agréable de le faire quand ce n’est pas ton livre. J’y prends beaucoup de plaisir.

Joël Dicker, écrivain (ELLE)

Quel bilan tirez-vous après ces deux années d’existence de l’entreprise?
C’est encore un peu tôt pour le dire, mais beaucoup de satisfaction personnelle d’avoir osé sauter le pas, ce qui n’était pas simple bien sûr.

Etes-vous souvent sollicité en tant qu’éditeur par des gens qui voudraient être publiés par votre maison?
Je reçois en effet de nombreux de manuscrits, mais comme je le dis sur le site de la maison, nous ne sommes pas en mesure de tous les lire. On n’aurait pas le temps de le faire bien. Et en tout état de cause, je fais paraître au maximum deux titres par année. Cela ne changera pas. J’ai déjà plusieurs titres en tête qui couvrent les deux ou trois prochaines années!

Quel est le prochain à paraître?
En mai, celui d’un historien sur les services secrets anglais et leurs liens entre Londres et la Résistance en France, notamment au moment du débarquement. C’est un essai fascinant qui se lit comme un polar et sa traduction est vraiment superbe!

Vous participez assez peu en général aux salons littéraires, mais serez l’un des invités d’honneur de celui de Genève la semaine prochaine. Quelles raisons vous ont décidé?
D’abord, parce que je ne l’ai pas fait depuis très longtemps et puis parce que le salon coïncide avec la sortie de mon livre. C’est l’opportunité d’aller rencontrer les lecteurs genevois. Je suis heureux d’y venir également pour parler de littérature et donner aux gens envie de lire, surtout à ceux qui n’en ont pas l’habitude. Cela implique de commencer dans les écoles, dans un monde d’écrans, de téléphones Instagram, Tiktok… C’est notre mission et il est important de le faire.

Le privilège des invités d’honneur est de pouvoir inviter à leur tour d’autres auteurs. Parmi eux, vous avez fait signe à David Foenkinos et Douglas Kennedy. Quels sont vos liens?
Douglas Kennedy a ce souffle de conteur américain que l’on perçoit très fortement, même quand ses livres ne se passent pas aux Etats-Unis. C’est un auteur que je lis avec énormément de plaisir! Il m’avait notamment emporté avec Piège nuptial (1994). C’était extraordinaire! C’est d’ailleurs l’un des auteurs que j’ai rencontré quand je suis moi-même devenu auteur. J’ai le souvenir d’un moment un peu irréel. Quant à David Foenkinos , que je lisais aussi avec plaisir, la rencontre a eu lieu un peu plus tard et il a été tout de suite été de bon conseil et prévenant avec moi. Je l’aime beaucoup et apprécie ses romans.

Vous modérerez une rencontre consacrée à la lecture avec Claire Audhuy et Anne Hitpold. Une première?
Le sujet me tient particulièrement à cœur et j’avais envie d’un échange avec elles, ni en tant qu’auteur ni en tant qu’éditeur. Nous allons parler de livres, de la nécessité de faire lire et je souhaitais instaurer une discussion plus intime que si un modérateur avait été présent. J’appréhende un peu l’exercice mais me réjouis de la perspective de ces échanges !

Tags : Livre · Genève · Littérature