Rencontre avec Frédéric Beigbeder

25 mars 2022 · Modifié · Julie Vasa

«Un barrage contre l’Atlantique» et une autre plongée dans son passé pour Frédéric Beigbeder, à la recherche de la phrase parfaite.

«L’axe basco-helvétique me rassure; je ne dispose d’aucun autre ancrage» affirme l’auteur dans son dernier roman lui qui, après onze ans de mariage avec une Genevoise, souligne qu’il pourrait devenir Suisse! Avec ce tome 2 d’«Un roman français» distingué en 2009 par le Prix Renaudot, «Un barrage contre l’Atlantique», largement autobiographique, donne l’occasion à Frédéric Beigbeder d’esquisser, grâce à ses souvenirs, un portrait nuancé d’une époque, révélant une fragilité certaine et inattendue.

ELLE SUISSE. Entre ce nouveau livre et son premier tome, vous êtes passé d’une cellule de commissariat à une cabane face à la mer. Cela change-t-il les perspectives?

Frédéric Beigbeder. C’est un progrès, mais avec un enfermement encore. Le confinement m’a conduit à retrouver la mémoire. J’espère être parvenu à échapper au danger d’embellir toujours le passé comme si le temps suffisait à rendre les choses merveilleuses. Soyons honnêtes: l’enfance n’est pas toujours formidable. Nous sommes nombreux de la génération X à nous être considérés encombrants pour nos parents.

ELLE SUISSE. Un personnage du livre symbolise votre engagement en faveur de l’écologie: Benoît Bartherotte. Qui est-il?

F.B. Un styliste qui a quitté Paris pour s’installer au Cap Ferret, une langue de sable entourée par les eaux de l’océan Atlantique et du bassin d’Arcachon. Un lieu sublime mais qui devrait être sous la mer! Il ne l’est pas grâce à Bartherotte qui, jour après jour, construit à ses frais une digue pour défendre ce territoire. Notre aveuglement, notre goût pour le confort immédiat, nos besoins artificiels nous conduisent dans une impasse symbolisée par cette langue de sable.

ELLE SUISSE. Vous vous êtes également donné pour mission de sauver la littérature du XXIe siècle! En quoi vous paraît-elle menacée?

F.B. En toute modestie! J’ai toujours été un peu paranoïaque avec la littérature, craignant par exemple que le livre numérique détruise le papier. Cela n’est pas arrivé et je m’en réjouis. Le roman a toujours évolué et je ne vois pas pourquoi au XXIe siècle on devrait écrire des livres exactement comme au XIXe siècle.

ELLE SUISSE. L’écriture de ce livre vous a conduit à pratiquer la distanciation littéraire! Comment avez-vous procédé?

F.B. Le roman au début est très disparate, disloqué, chaotique, avec des phrases qui ne semblent pas reliées entre elles, impression qui s’estompe progressivement. J’ai aussi souhaité intéresser les millennials qui délaissent la littérature au profit de SMS, textos, tweets, posts… Ce ne sont pas les phrases qui les intimident, mais la manière de les présenter sur une page. Mon livre répond à cette préoccupation: se battre à armes égales avec Mark Zuckerberg. À nous deux Marc!

ELLE SUISSE. La lecture, l’écriture sont entrées assez tôt dans votre vie. De quelle manière?

F.B. J’ai commencé à tenir un journal intime à l’âge de 8 ans, quand mes parents se sont séparés. Je ne pense pas que la littérature soit obligatoirement pour tout le monde une tentative d’éterniser des moments fugaces, mais c’est exactement la définition de ce que je fais depuis toujours. Il fallait que je sois le greffier du provisoire.

ELLE SUISSE. Vous sentez-vous apaisé désormais, après cette plongée dans le passé?

F.B. Provisoirement. Ce livre représente aussi la quête de la phrase idéale. Des couleurs reviennent, des nuages, des crépuscules, beaucoup de personnes aimées, tout cela pour parvenir à la dernière phrase du livre, qui est celle que je voulais écrire.

Frédéric Beigbeder, «Un barrage contre l’Atlantique», janvier 2022, éd. Grasset, CHF 33.20

«Un barrage contre l’Atlantique» et une autre plongée dans son passé pour Frédéric Beigbeder, à la recherche de la phrase parfaite.

«L’axe basco-helvétique me rassure; je ne dispose d’aucun autre ancrage» affirme l’auteur dans son dernier roman lui qui, après onze ans de mariage avec une Genevoise, souligne qu’il pourrait devenir Suisse! Avec ce tome 2 d’«Un roman français» distingué en 2009 par le Prix Renaudot, «Un barrage contre l’Atlantique», largement autobiographique, donne l’occasion à Frédéric Beigbeder d’esquisser, grâce à ses souvenirs, un portrait nuancé d’une époque, révélant une fragilité certaine et inattendue.

ELLE SUISSE. Entre ce nouveau livre et son premier tome, vous êtes passé d’une cellule de commissariat à une cabane face à la mer. Cela change-t-il les perspectives?

Frédéric Beigbeder. C’est un progrès, mais avec un enfermement encore. Le confinement m’a conduit à retrouver la mémoire. J’espère être parvenu à échapper au danger d’embellir toujours le passé comme si le temps suffisait à rendre les choses merveilleuses. Soyons honnêtes: l’enfance n’est pas toujours formidable. Nous sommes nombreux de la génération X à nous être considérés encombrants pour nos parents.

ELLE SUISSE. Un personnage du livre symbolise votre engagement en faveur de l’écologie: Benoît Bartherotte. Qui est-il?

F.B. Un styliste qui a quitté Paris pour s’installer au Cap Ferret, une langue de sable entourée par les eaux de l’océan Atlantique et du bassin d’Arcachon. Un lieu sublime mais qui devrait être sous la mer! Il ne l’est pas grâce à Bartherotte qui, jour après jour, construit à ses frais une digue pour défendre ce territoire. Notre aveuglement, notre goût pour le confort immédiat, nos besoins artificiels nous conduisent dans une impasse symbolisée par cette langue de sable.

ELLE SUISSE. Vous vous êtes également donné pour mission de sauver la littérature du XXIe siècle! En quoi vous paraît-elle menacée?

F.B. En toute modestie! J’ai toujours été un peu paranoïaque avec la littérature, craignant par exemple que le livre numérique détruise le papier. Cela n’est pas arrivé et je m’en réjouis. Le roman a toujours évolué et je ne vois pas pourquoi au XXIe siècle on devrait écrire des livres exactement comme au XIXe siècle.

ELLE SUISSE. L’écriture de ce livre vous a conduit à pratiquer la distanciation littéraire! Comment avez-vous procédé?

F.B. Le roman au début est très disparate, disloqué, chaotique, avec des phrases qui ne semblent pas reliées entre elles, impression qui s’estompe progressivement. J’ai aussi souhaité intéresser les millennials qui délaissent la littérature au profit de SMS, textos, tweets, posts… Ce ne sont pas les phrases qui les intimident, mais la manière de les présenter sur une page. Mon livre répond à cette préoccupation: se battre à armes égales avec Mark Zuckerberg. À nous deux Marc!

ELLE SUISSE. La lecture, l’écriture sont entrées assez tôt dans votre vie. De quelle manière?

F.B. J’ai commencé à tenir un journal intime à l’âge de 8 ans, quand mes parents se sont séparés. Je ne pense pas que la littérature soit obligatoirement pour tout le monde une tentative d’éterniser des moments fugaces, mais c’est exactement la définition de ce que je fais depuis toujours. Il fallait que je sois le greffier du provisoire.

ELLE SUISSE. Vous sentez-vous apaisé désormais, après cette plongée dans le passé?

F.B. Provisoirement. Ce livre représente aussi la quête de la phrase idéale. Des couleurs reviennent, des nuages, des crépuscules, beaucoup de personnes aimées, tout cela pour parvenir à la dernière phrase du livre, qui est celle que je voulais écrire.

Frédéric Beigbeder, «Un barrage contre l’Atlantique», janvier 2022, éd. Grasset, CHF 33.20