Isabelle Falconnier

16 février 2018 · Modifié · Jean-Pierre Pastori

La présidente du salon du livre de Genève est hyperactive. Mais elle sait se ménager des plages de liberté. Pour cultiver son jardin secret.

Une flamme l’habite. Isabelle Falconnier est toute de passion. Les voyages, le piano, la cuisine, le journalisme, la littérature, sa famille, ses amours. Comment fait-elle pour tout concilier? «Je suis très organisée.» Mais encore? «Je parviens même à me ménager de temps en temps une matinée sans rendez-vous. Comme beaucoup, je cultive un jardin secret.» La présidente du Salon du livre de Genève, déléguée à la politique du livre de la Ville de Lausanne, vit à cent à l’heure. Elle écrit encore dans Le Matin Dimanche et chronique pour Radio Lac. «J’ai toujours été très active. Peut-être est-ce un héritage du concept protestant du bonheur par le travail.» Née dans une famille d’enseignants, elle a grandi à Blonay, au-dessus de Vevey. Elle se partage aujourd’hui entre Lausanne et Genève. Et se sent «très lémanique».

C’est au défunt Hebdo qu’elle a acquis son expertise en matière littéraire. Durant dix-huit ans, sa signature a ponctué d’innombrables articles aussi bien comme chroniqueuse et critique que comme cheffe de rubrique et rédactrice en cheffe adjointe. Une facilité d’écriture qui lui a toujours été enviée. Rien d’étonnant à ce que le journalisme se soit imposé à elle. Étudiante, elle a collaboré au journal universitaire et a participé à la création de Fréquence Banane, la radio du campus lausannois. Puis, ce fut un stage à la Presse Riviera Chablais. «Mon métier m’a permis de faire des voyages extraordinaires, de Tombouctou au Groenland et au Montana. Aujourd’hui, c’est plutôt Paris pour les écrivains…»

Adolescente, Isabelle Falconnier ne perd pas une ligne des récits d’Ella Maillart, Isabelle Eberhardt et Anne-Marie Schwarzenbach. Ces voyageuses au long cours qui relataient leurs périples pour les donner en partage à leurs lecteurs, la captivaient. Elle se voyait ethnologue, parcourant à leur suite les sentiers du monde. Durant ses études, elle s’octroya, d’ailleurs, une pause d’une année. Six mois en Amérique latine; six mois en Asie. «Le trip routard, quoi! Entre 18 et 25 ans, il faut partir ainsi à l’aventure, sac au dos. C’est très formateur. Suivit une année Erasmus à Aberdeen. L’Écosse aussi la fascinait. Là-bas, sa flamboyante rousseur devait passer inaperçue.

 » Pour moi qui suis assez pudique, préparer à manger est une manière de dire Je t’aime « 

Isabelle Falconnier

Sa mère institutrice lui apprit à lire avant même qu’elle n’entre à l’école enfantine. «À dix ans, je m’occupais de la bibliothèque de la classe. La lecture m’a offert la découverte d’une vie augmentée. Elle a répondu à un besoin d’évasion. Et en même temps, elle a été un refuge. Car j’étais timide, secrète.»

Timide? Secrète? Comment cela se pouvait-il? Isabelle est si communicative! «Les gens qui m’ont connue enfant ou adolescente ne me reconnaissent pas. Depuis, je me suis soignée! J’ai choisi un métier thérapeutique. Il faut vaincre sa timidité lorsque l’on doit arracher une information ou obtenir un entretien. Mais l’aisance professionnelle est une chose. Ce qui relève du domaine de l’intime en est une autre.»

La rayonnante présidente du Salon international du livre de Genève n’est donc pas d’un bloc. «J’adore cuisiner pour les autres, cela crée du lien. Pour moi qui suis assez pudique, préparer à manger est une manière de dire ‘‘Je t’aime’’. J’aime improviser des plats, marier des saveurs. J’adore les épices, les légumes, les fruits. Et le poisson cru. En revanche, je ne mange pas de viande. J’en ai perdu le goût depuis des années. Mais je la cuisine volontiers pour les autres.»

Dans le tourbillon de ses activités, Isabelle trouve parfois le temps de se mettre au piano. Elle joue peu, mais écoute beaucoup. Classique, jazz… «Je ne peux pas imaginer mon appartement sans piano. C’est un meuble affectif.» Comme la lecture, cet instrument doit attiser sa vie intérieure. Mais à propos, que lit-elle et comment lit-elle? «Il y a des auteurs dont je ne manquerais pas un mot: Modiano, Auster ou Duras. Mais j’ai plusieurs vitesses de lecture. Tous les livres ne méritent pas la même attention. Je me contente de scanner certains d’entre eux d’un œil aiguisé.» Qu’il s’agisse de son activité de critique, du Salon de Genève ou de la politique lausannoise du livre, Isabelle Falconnier baigne dans l’actualité littéraire. Faute de temps et à regret, elle ne lit guère que les nouveautés.

Pour le prochain Salon, du 25 au 29 avril, en plus des Marc Lévy, Douglas Kennedy et autre Frédéric Beigbeder, elle a prévu deux axes de programmation: le Valais et New York. «Nous disposerons de deux espaces où présenter tout ce qui fait la richesse littéraire, actuelle et future, de ces sites. Un pied dans les racines, un pied dans l’ailleurs.» Le moins que l’on puisse dire est qu’elle a insufflé un regain de dynamisme au rendez-vous annuel genevois et que les prix qu’elle a lancés ou développés – Prix du public du Salon du livre, Prix des lecteurs de la Ville de Lausanne, Prix du polar romand… – promeuvent efficacement nominés et lauréats. Sans oublier le Festival du livre suisse de Sion, fin septembre, désormais placé à l’enseigne des écrivains voyageurs, et le festival du polar Lausan’noir, début novembre. Autant de manifestations où cette «passeuse» transmet son amour de la littérature et du livre. Et ses autres amours? Quand on a vécu avec deux journalistes de renom – Fathi Derder, aujourd’hui conseiller national, dont elle a eu deux enfants, puis Christophe Passer, grand reporter au Matin Dimanche – la vie privée peut-elle rester privée? Isabelle ne fait pas de mystère. «Je suis amoureuse», confie-t-elle, l’œil pétillant.

Tags : Culture · Femme · Inspiration · Livre · Art

La présidente du salon du livre de Genève est hyperactive. Mais elle sait se ménager des plages de liberté. Pour cultiver son jardin secret.

Une flamme l’habite. Isabelle Falconnier est toute de passion. Les voyages, le piano, la cuisine, le journalisme, la littérature, sa famille, ses amours. Comment fait-elle pour tout concilier? «Je suis très organisée.» Mais encore? «Je parviens même à me ménager de temps en temps une matinée sans rendez-vous. Comme beaucoup, je cultive un jardin secret.» La présidente du Salon du livre de Genève, déléguée à la politique du livre de la Ville de Lausanne, vit à cent à l’heure. Elle écrit encore dans Le Matin Dimanche et chronique pour Radio Lac. «J’ai toujours été très active. Peut-être est-ce un héritage du concept protestant du bonheur par le travail.» Née dans une famille d’enseignants, elle a grandi à Blonay, au-dessus de Vevey. Elle se partage aujourd’hui entre Lausanne et Genève. Et se sent «très lémanique».

C’est au défunt Hebdo qu’elle a acquis son expertise en matière littéraire. Durant dix-huit ans, sa signature a ponctué d’innombrables articles aussi bien comme chroniqueuse et critique que comme cheffe de rubrique et rédactrice en cheffe adjointe. Une facilité d’écriture qui lui a toujours été enviée. Rien d’étonnant à ce que le journalisme se soit imposé à elle. Étudiante, elle a collaboré au journal universitaire et a participé à la création de Fréquence Banane, la radio du campus lausannois. Puis, ce fut un stage à la Presse Riviera Chablais. «Mon métier m’a permis de faire des voyages extraordinaires, de Tombouctou au Groenland et au Montana. Aujourd’hui, c’est plutôt Paris pour les écrivains…»

Adolescente, Isabelle Falconnier ne perd pas une ligne des récits d’Ella Maillart, Isabelle Eberhardt et Anne-Marie Schwarzenbach. Ces voyageuses au long cours qui relataient leurs périples pour les donner en partage à leurs lecteurs, la captivaient. Elle se voyait ethnologue, parcourant à leur suite les sentiers du monde. Durant ses études, elle s’octroya, d’ailleurs, une pause d’une année. Six mois en Amérique latine; six mois en Asie. «Le trip routard, quoi! Entre 18 et 25 ans, il faut partir ainsi à l’aventure, sac au dos. C’est très formateur. Suivit une année Erasmus à Aberdeen. L’Écosse aussi la fascinait. Là-bas, sa flamboyante rousseur devait passer inaperçue.

 » Pour moi qui suis assez pudique, préparer à manger est une manière de dire Je t’aime « 

Isabelle Falconnier

Sa mère institutrice lui apprit à lire avant même qu’elle n’entre à l’école enfantine. «À dix ans, je m’occupais de la bibliothèque de la classe. La lecture m’a offert la découverte d’une vie augmentée. Elle a répondu à un besoin d’évasion. Et en même temps, elle a été un refuge. Car j’étais timide, secrète.»

Timide? Secrète? Comment cela se pouvait-il? Isabelle est si communicative! «Les gens qui m’ont connue enfant ou adolescente ne me reconnaissent pas. Depuis, je me suis soignée! J’ai choisi un métier thérapeutique. Il faut vaincre sa timidité lorsque l’on doit arracher une information ou obtenir un entretien. Mais l’aisance professionnelle est une chose. Ce qui relève du domaine de l’intime en est une autre.»

La rayonnante présidente du Salon international du livre de Genève n’est donc pas d’un bloc. «J’adore cuisiner pour les autres, cela crée du lien. Pour moi qui suis assez pudique, préparer à manger est une manière de dire ‘‘Je t’aime’’. J’aime improviser des plats, marier des saveurs. J’adore les épices, les légumes, les fruits. Et le poisson cru. En revanche, je ne mange pas de viande. J’en ai perdu le goût depuis des années. Mais je la cuisine volontiers pour les autres.»

Dans le tourbillon de ses activités, Isabelle trouve parfois le temps de se mettre au piano. Elle joue peu, mais écoute beaucoup. Classique, jazz… «Je ne peux pas imaginer mon appartement sans piano. C’est un meuble affectif.» Comme la lecture, cet instrument doit attiser sa vie intérieure. Mais à propos, que lit-elle et comment lit-elle? «Il y a des auteurs dont je ne manquerais pas un mot: Modiano, Auster ou Duras. Mais j’ai plusieurs vitesses de lecture. Tous les livres ne méritent pas la même attention. Je me contente de scanner certains d’entre eux d’un œil aiguisé.» Qu’il s’agisse de son activité de critique, du Salon de Genève ou de la politique lausannoise du livre, Isabelle Falconnier baigne dans l’actualité littéraire. Faute de temps et à regret, elle ne lit guère que les nouveautés.

Pour le prochain Salon, du 25 au 29 avril, en plus des Marc Lévy, Douglas Kennedy et autre Frédéric Beigbeder, elle a prévu deux axes de programmation: le Valais et New York. «Nous disposerons de deux espaces où présenter tout ce qui fait la richesse littéraire, actuelle et future, de ces sites. Un pied dans les racines, un pied dans l’ailleurs.» Le moins que l’on puisse dire est qu’elle a insufflé un regain de dynamisme au rendez-vous annuel genevois et que les prix qu’elle a lancés ou développés – Prix du public du Salon du livre, Prix des lecteurs de la Ville de Lausanne, Prix du polar romand… – promeuvent efficacement nominés et lauréats. Sans oublier le Festival du livre suisse de Sion, fin septembre, désormais placé à l’enseigne des écrivains voyageurs, et le festival du polar Lausan’noir, début novembre. Autant de manifestations où cette «passeuse» transmet son amour de la littérature et du livre. Et ses autres amours? Quand on a vécu avec deux journalistes de renom – Fathi Derder, aujourd’hui conseiller national, dont elle a eu deux enfants, puis Christophe Passer, grand reporter au Matin Dimanche – la vie privée peut-elle rester privée? Isabelle ne fait pas de mystère. «Je suis amoureuse», confie-t-elle, l’œil pétillant.

Tags : Culture · Femme · Inspiration · Livre · Art