Faut-il réellement scanner tous nos produits de beauté?

Depuis quelques années, les consommateurs utilisent des applications et des sites Web, tels que Yuka, afin de les aider à décoder les ingrédients de soin et de beauté. Analyse.

Cessie Cerrato, une publiciste new-yorkaise, faisait ses courses chez Sephora lorsqu’elle est tombée sur un écran solaire minéral d’une marque réputée. Avant de le mettre dans son panier, son amie lui a conseillée de « le scanner sur Yuka ». L’application française qui analyse les produits alimentaires et cosmétiques est mondialement connu pour en révéler les ingrédients. Surprise par les mauvaises évaluations de ce produit, la passionnée de make-up a décidé de revoir ses choix.

Fondée en 2017 par Benoit et François Martin ainsi que Julie Chapon, Yuka vise à « apporter plus de transparence à la composition des produits cosmétiques », explique la co-fondatrice. Les étiquettes des produits, souvent indéchiffrables pour le consommateur moyen, deviennent en effet plus claires grâce à Yuka. « Les consommateurs ont désormais accès à des informations détaillées sur la composition des produits et sont avertis si ceux-ci contiennent des ingrédients dangereux comme le BHT, le BHA, la méthylisothiazolinone, le propylparabène, l’octocrylène ou l’oyclométhicone », précise-t-elle.

L’application identifie en effet des risques potentiels tels que les irritations, les allergies et les perturbations endocriniennes pouvant interférer avec le système hormonal. En scannant le code-barres d’un produit, les utilisateurs reçoivent un score sur 100, basé sur la qualité des ingrédients, tout ce qui dépasse 50 étant alors considéré comme bon. Avec une base de données de plus de cinq millions de produits, alimentée par les utilisateurs et les marques, Yuka se targue d’une base de plus de 56 millions d’utilisateurs dans le monde convaincus par ses verdicts. Une étude menée auprès de 20’000 utilisateurs a pour cause révélé que 56 % d’entre eux rejetaient systématiquement les produits mal notés. Mais elle ne demeure pas moins sans problèmes.

Risque de dépendance

« Chaque fois que nous énumérons quelque chose, nous augmentons le risque de dépendance », prévient le Dr Lembke, professeur et directeur médical de la médecine de la toxicomanie à l’Université de Stanford et auteur de Dopamine Nation (2021). « La dopamine est très sensible aux chiffres et aux classements. Donner un chiffre à un comportement ou, dans ce cas, à un produit semble augmenter le risque de se concentrer sur ce chiffre et de l’utiliser comme référence par rapport à un chiffre idéal que nous cherchons à atteindre. »

Lorsqu’ils se concentrent quotidiennement sur les chiffres, les utilisateurs peuvent commencer à assimiler leur valeur au succès de la routine parfaite. Cela devient plus problématique lorsque les applications « ne tiennent pas compte du pourcentage d’ingrédients, de la façon dont le produit a été formulé ou de la manière dont il est censé être utilisé », explique de son côté Ron Robinson, chimiste cosmétique et fondateur de BeautyStat. Les consommateurs peuvent supposer que si un produit contient un certain ingrédient, celui-ci est bon ou mauvais. Mais pour prendre une décision véritablement éclairée, « le pourcentage et la façon dont le produit est formulé peuvent grandement déterminer si le produit est sûr ou non », ajoute-t-il.

Meilleure sensibilisation

Malgré ces critiques, des applications comme Yuka offrent aux consommateurs sans formation en sciences cosmétiques un moyen simple et efficace de se sentir mieux informés et plus autonomes dans leurs choix. C’est ce qu’explique Biba de Sousa, esthéticienne agréée et PDG de Biba de Sousa Skin Care: « Depuis environ 2015, l’industrie de la beauté a connu une transformation grâce à une prise de conscience accrue des consommateurs, ce qui a entraîné des changements indispensables, tels que la transparence des méthodes de fabrication, de la chaîne d’approvisionnement et des stratégies marketing », déclare-t-elle. Cette évolution l’a poussée à créer le Pore Clogger Checker, un outil innovant qui présente aux utilisateurs les listes d’ingrédients des produits comédogènes susceptibles de provoquer de l’acné. Sa mission a toujours été de responsabiliser ceux qui s’intéressaient à l’art des soins de la peau professionnels. Elle déclare ainsi avoir remarqué une véritable évolution dans la sensibilisation des consommateurs. « Je suis toujours étonnée et touchée par les questions pertinentes que mes clients posent sur les ingrédients des produits. Je pense qu’ils utilisent désormais les soins de la peau de manière plus efficace, adoptent des habitudes de vie plus saines et ont une meilleure estime de soi ».

De même, Yuka affiche un taux de réussite impressionnant. En effet, 56 % des utilisateurs ont déclaré avoir arrêté d’acheter plus de 10 produits depuis qu’ils utilisaient l’application, tandis que 34 % ont cessé d’acheter entre 5 et 10 produits qu’ils achetaient habituellement. Les informations fournies par Yuka ont également eu un impact direct sur la santé des utilisateurs. En termes de beauté, 80 % des utilisateurs ont indiqué que la santé de leur peau et de leurs cheveux s’était améliorée grâce à Yuka. « Parmi les changements positifs observés, on note une meilleure hydratation de la peau, des cheveux plus beaux, un éclat accru de la peau, une réduction des réactions allergiques et une diminution des rougeurs et des irritations », souligne Julie Chapon.

Premiers stades

Pour sa part, Cessie Cerrato s’est « fait un devoir de vérifier auprès de son médecin et de son dermatologue, après avoir utilisé Yuka, quelles toxines étaient réellement perturbatrices et à quelles doses celles-ci devaient être consommées pour être nocives ».

Une chose reste donc claire: les consommateurs veulent être en meilleure santé et savent que leurs produits jouent un rôle crucial dans leur mode de vie. Pour l’instant, au fur et à mesure que l’application se développe et étend sa portée, ils devront suivre l’exemple de Cessie Cerrato et exploiter de multiples ressources lors de la sélection d’un produit afin de s’assurer de son efficacité. Bien entendu, se fier uniquement à des outils tels que Yuka ou le Pore Clogger Checker ne donne pas une image complète et peut potentiellement attribuer une note injuste à un produit. Mais nous n’en sommes qu’aux premiers stades de l’amélioration de la visibilité des entreprises.

Autrice: Louise Jaclyn
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.

Tags : analyse · Maquillage

Depuis quelques années, les consommateurs utilisent des applications et des sites Web, tels que Yuka, afin de les aider à décoder les ingrédients de soin et de beauté. Analyse.

Cessie Cerrato, une publiciste new-yorkaise, faisait ses courses chez Sephora lorsqu’elle est tombée sur un écran solaire minéral d’une marque réputée. Avant de le mettre dans son panier, son amie lui a conseillée de « le scanner sur Yuka ». L’application française qui analyse les produits alimentaires et cosmétiques est mondialement connu pour en révéler les ingrédients. Surprise par les mauvaises évaluations de ce produit, la passionnée de make-up a décidé de revoir ses choix.

Fondée en 2017 par Benoit et François Martin ainsi que Julie Chapon, Yuka vise à « apporter plus de transparence à la composition des produits cosmétiques », explique la co-fondatrice. Les étiquettes des produits, souvent indéchiffrables pour le consommateur moyen, deviennent en effet plus claires grâce à Yuka. « Les consommateurs ont désormais accès à des informations détaillées sur la composition des produits et sont avertis si ceux-ci contiennent des ingrédients dangereux comme le BHT, le BHA, la méthylisothiazolinone, le propylparabène, l’octocrylène ou l’oyclométhicone », précise-t-elle.

L’application identifie en effet des risques potentiels tels que les irritations, les allergies et les perturbations endocriniennes pouvant interférer avec le système hormonal. En scannant le code-barres d’un produit, les utilisateurs reçoivent un score sur 100, basé sur la qualité des ingrédients, tout ce qui dépasse 50 étant alors considéré comme bon. Avec une base de données de plus de cinq millions de produits, alimentée par les utilisateurs et les marques, Yuka se targue d’une base de plus de 56 millions d’utilisateurs dans le monde convaincus par ses verdicts. Une étude menée auprès de 20’000 utilisateurs a pour cause révélé que 56 % d’entre eux rejetaient systématiquement les produits mal notés. Mais elle ne demeure pas moins sans problèmes.

Risque de dépendance

« Chaque fois que nous énumérons quelque chose, nous augmentons le risque de dépendance », prévient le Dr Lembke, professeur et directeur médical de la médecine de la toxicomanie à l’Université de Stanford et auteur de Dopamine Nation (2021). « La dopamine est très sensible aux chiffres et aux classements. Donner un chiffre à un comportement ou, dans ce cas, à un produit semble augmenter le risque de se concentrer sur ce chiffre et de l’utiliser comme référence par rapport à un chiffre idéal que nous cherchons à atteindre. »

Lorsqu’ils se concentrent quotidiennement sur les chiffres, les utilisateurs peuvent commencer à assimiler leur valeur au succès de la routine parfaite. Cela devient plus problématique lorsque les applications « ne tiennent pas compte du pourcentage d’ingrédients, de la façon dont le produit a été formulé ou de la manière dont il est censé être utilisé », explique de son côté Ron Robinson, chimiste cosmétique et fondateur de BeautyStat. Les consommateurs peuvent supposer que si un produit contient un certain ingrédient, celui-ci est bon ou mauvais. Mais pour prendre une décision véritablement éclairée, « le pourcentage et la façon dont le produit est formulé peuvent grandement déterminer si le produit est sûr ou non », ajoute-t-il.

Meilleure sensibilisation

Malgré ces critiques, des applications comme Yuka offrent aux consommateurs sans formation en sciences cosmétiques un moyen simple et efficace de se sentir mieux informés et plus autonomes dans leurs choix. C’est ce qu’explique Biba de Sousa, esthéticienne agréée et PDG de Biba de Sousa Skin Care: « Depuis environ 2015, l’industrie de la beauté a connu une transformation grâce à une prise de conscience accrue des consommateurs, ce qui a entraîné des changements indispensables, tels que la transparence des méthodes de fabrication, de la chaîne d’approvisionnement et des stratégies marketing », déclare-t-elle. Cette évolution l’a poussée à créer le Pore Clogger Checker, un outil innovant qui présente aux utilisateurs les listes d’ingrédients des produits comédogènes susceptibles de provoquer de l’acné. Sa mission a toujours été de responsabiliser ceux qui s’intéressaient à l’art des soins de la peau professionnels. Elle déclare ainsi avoir remarqué une véritable évolution dans la sensibilisation des consommateurs. « Je suis toujours étonnée et touchée par les questions pertinentes que mes clients posent sur les ingrédients des produits. Je pense qu’ils utilisent désormais les soins de la peau de manière plus efficace, adoptent des habitudes de vie plus saines et ont une meilleure estime de soi ».

De même, Yuka affiche un taux de réussite impressionnant. En effet, 56 % des utilisateurs ont déclaré avoir arrêté d’acheter plus de 10 produits depuis qu’ils utilisaient l’application, tandis que 34 % ont cessé d’acheter entre 5 et 10 produits qu’ils achetaient habituellement. Les informations fournies par Yuka ont également eu un impact direct sur la santé des utilisateurs. En termes de beauté, 80 % des utilisateurs ont indiqué que la santé de leur peau et de leurs cheveux s’était améliorée grâce à Yuka. « Parmi les changements positifs observés, on note une meilleure hydratation de la peau, des cheveux plus beaux, un éclat accru de la peau, une réduction des réactions allergiques et une diminution des rougeurs et des irritations », souligne Julie Chapon.

Premiers stades

Pour sa part, Cessie Cerrato s’est « fait un devoir de vérifier auprès de son médecin et de son dermatologue, après avoir utilisé Yuka, quelles toxines étaient réellement perturbatrices et à quelles doses celles-ci devaient être consommées pour être nocives ».

Une chose reste donc claire: les consommateurs veulent être en meilleure santé et savent que leurs produits jouent un rôle crucial dans leur mode de vie. Pour l’instant, au fur et à mesure que l’application se développe et étend sa portée, ils devront suivre l’exemple de Cessie Cerrato et exploiter de multiples ressources lors de la sélection d’un produit afin de s’assurer de son efficacité. Bien entendu, se fier uniquement à des outils tels que Yuka ou le Pore Clogger Checker ne donne pas une image complète et peut potentiellement attribuer une note injuste à un produit. Mais nous n’en sommes qu’aux premiers stades de l’amélioration de la visibilité des entreprises.

Autrice: Louise Jaclyn
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.

Tags : analyse · Maquillage