Changer de voie, repartir de zéro, elles l’ont fait. Trois femmes, trois trajectoires, un même élan: celui d’une reconversion qui a tout changé.

Géraldine Juge
De l’hôtellerie aux pompes funèbres
Pour Géraldine Juge, tout s’est enchaîné avec une logique implacable. Diplômée de l’École hôtelière de Lausanne, elle passe trois ans à évoluer dans le management hôtelier, en Suisse et à l’étranger. L’organisation, le service, la gestion des imprévus, elle maîtrise. L’entrepreneuriat était une évidence depuis toujours. Le problème, c’était le quoi. La réponse arrive presque naturellement à son retour à Genève. Le déclic est provoqué par le souvenir d’une épreuve: la perte de son père. «Suite aux difficultés rencontrées, j’ai réalisé qu’il y avait un vrai besoin.» En 2016, elle se lance et crée son entreprise Separate Ways, dédiée à l’organisation de funérailles et à la gestion administrative. Son approche? Un événement pensé avec soin, «parce que rendre hommage, c’est aussi célébrer une vie».
Ce travail m’a appris à relativiser.
Puis vient l’étape suivante. En 2022, elle ouvre, avec un spécialiste du funéraire, Other Ways, une entreprise de pompes funèbres pour proposer un service global sur mesure. Les réactions ne tardent pas. «Toi, si joyeuse, tu veux vraiment évoluer dans un milieu aussi triste?» Elle sourit. «Ce n’est pas que du deuil. Il y a des moments forts, du partage, de l’amour». En revanche, elle ne le cache pas: ce n’est pas un métier pour tout le monde. Savoir garder de la distance est essentiel. Heureusement, elle a son équilibre: le sport, la famille, les amis, des repères qui lui permettent de prendre du recul. «Ce travail m’a appris à relativiser. On croit savoir que la vie ne tient qu’à un fil, mais on le comprend vraiment quand on fait ce métier». Et parfois, il y a ces instants qui marquent une carrière. Comme cet homme qui avait tout prévu avant son décès, sans savoir si son fils, avec qui il n’avait plus de contact, viendrait. Il est venu. Un moment touchant qui conforte Géraldine dans l’utilité de son métier.

Renilde Vervoort
De l’histoire de l’art à la joaillerie
Observer, décrypter, raconter: trois piliers qui ont toujours guidé Renilde Vervoort. D’abord en communication, puis en histoire de l’art, qu’elle étudie jusqu’au doctorat. Spécialiste de l’iconologie, elle analyse le sens caché des œuvres et publie ses recherches sur la représentation des sorcières dans l’art des Pays-Bas. Expositions, catalogues, conférences… Mais un jour, elle réalise qu’elle a transmis tout ce qu’elle voulait partager. «J’avais passé ma vie à admirer l’art. Pourquoi ne pas en créer moi-même?» L’étincelle vient d’une pierre. Une aigue-marine achetée pour sa fille Hanna. Celle-ci lui demande d’en faire un bijou. Renilde fouille ses livres, esquisse un design et fait réaliser le collier. Le résultat est bluffant. L’atelier qui le fabrique lui propose de concevoir une collection. Toujours avide d’apprendre, elle se forme à la gemmologie, part à Jaipur sélectionner ses propres pierres, privilégie des tailles oubliées.
Un bijou n’est pas un simple ornement. Il raconte quelque chose, il se transmet.
«Aujourd’hui, tout est taillé comme un diamant, je voulais autre chose». Avec Sassi, chaque collection s’ancre dans l’histoire. Nika inspiré de l’impératrice Théodora ou Tanit, un hommage aux reines et déesses oubliées… «Un bijou n’est pas un simple ornement. Il raconte quelque chose, il se transmet». Une vision qui va au-delà de l’esthétique. Consciente des enjeux éthiques, elle choisit un atelier à Bangkok, réputé pour son savoir-faire et ses valeurs. Or traçable, conditions de travail vérifiées, responsabilité environnementale. «Quand on achète un bijou, on choisit aussi son histoire». Si elle devait en offrir un à une femme qui incarne ses valeurs? Danielle Sassoon, procureure adjointe à New York, qui a démissionné plutôt que de céder à la pression de l’administration Trump. «Il faut du courage pour s’opposer». Et ce qui la rend le plus fière? Voir une femme porter l’une de ses créations et lui dire: «Ce bijou ne me quitte jamais.»

Laurine Mottet-Grepper
De photographe à éducatrice canine
Drôle de trajectoire? Laurine Mottet-Grepper aurait juré que jamais elle ne poserait son appareil photo. Pendant des années, elle a fait de la lumière et des visages son terrain de jeu, captant l’essence de ceux qui passaient devant son objectif. Indépendante dès la fin de ses études, elle se nourrissait de rencontres, de cette adrénaline propre à la photographie. Mais voilà: un chien s’invite dans sa vie, et avec lui, un changement de perspective. Difficile, son compagnon à quatre pattes? Un euphémisme. «Il était ingérable! Je ne comprenais rien à son comportement», raconte-t-elle. Son premier réflexe: se former, pour mieux l’appréhender. Une démarche a priori anodine, sauf qu’à mesure qu’elle plonge dans l’univers de l’éducation canine, elle y prend goût. Entre deux shootings, elle commence à garder des chiens chez elle. Par plaisir, d’abord. Par conviction, ensuite.
Le changement est toujours effrayant. Mais il ne faut pas trop réfléchir. Si l’envie est là, tout se met en place.
En 2025, le virage s’opère définitivement. Son mari, scientifique de formation, se joint à l’aventure et se passionne pour la nutrition canine. Une collègue spécialisée dans les chiens de refuge les rejoint. L’idée? Une pension canine où l’on ne se contente pas de garder des chiens, mais où on les éduque, on les comprend, on les accompagne. «Chaque animal est un individu à part entière, chaque famille a ses attentes. Il ne s’agit pas d’imposer un dressage rigide, mais de trouver un équilibre». Et la photographie dans tout ça? Elle est omniprésente, mais sous une autre forme. «Je prends plus de clichés qu’avant, mais cette fois, mes modèles ont quatre pattes et, parfois, une technique de pose impeccable». L’idée d’un studio de photo canin trotte dans un coin de sa tête, mais l’heure est à plus grand: le projet d’un centre de bien-être pour chiens. «Le changement est toujours effrayant. Mais il ne faut pas trop réfléchir. Si l’envie est là, tout se met en place».
