Réflexion sur la géographie mouvante des défilés, où stratégies, budgets et cités iconiques se mêlent dans un ballet sans cesse réinventé.
Depuis mardi 17 septembre, c’est au cœur de la frénésie milanaise en pleine Fashion Week que l’on consulte fébrilement le calendrier, à la recherche notamment de l’incontournable Giorgio Armani. Surprise: l’habitué fidèle qui marque d’ordinaire la clôture de cet événement a décidé de tourner le dos à la capitale de la mode transalpine cette saison. C’est à New York, en octobre 2024, qu’il dévoilera sa collection printemps-été 2025, inaugurant alors un nouvel espace sur Madison Avenue. Un déplacement qui bouleverse le paysage milanais.
Alors que d’autres maisons comme Fiorucci, Laura Biagiotti et The Attico prennent la relève sur le podium milanais, la mode vacille. À l’image d’Alessandro Michele chez Valentino, qui a récemment réduit ses apparitions à trois dates, les acteurs de ce théâtre global semblent perdre pied dans un tourbillon géographique devenu imprévisible. La mode est-elle en proie à une crise existentielle? Dans cet écosystème en constante mutation, il devient de plus en plus difficile de savoir où chaque marque défile. Mais pourquoi la mode, et son calendrier, semblent-ils désormais si désorientés en termes de villes?
Stratégies avant tout financières
La réponse, comme souvent, réside dans les affaires. Au-delà de l’esthétique, c’est la visibilité et les stratégies financières qui dictent les mouvements des maisons. Historiquement ancrée dans les quadrilatères de la mode – New York, Londres, Milan, Paris – cette hégémonie vacille pourtant, laissant place à de nouvelles dynamiques. « La Fashion Week de New York est devenue une version glamour de En attendant Godot (1952) de Samuel Beckett, où l’on attend quelque chose, ou quelqu’un, qui ne viendra jamais », observe Vogue Business.
Emergence de nouvelles villes
Comment alors maintenir l’intérêt? Certains, comme Jonathan Anderson, oscillent avec agilité entre Londres et Paris, quand Francesco Risso (Marni) et Tom Ford explorent les quatre coins du monde, et Victoria Beckham, elle, a fait de Paris son nouveau terrain de jeu, quittant le calendrier londonien au profit de la Ville Lumière. Face à ces grandes manœuvres, les petites maisons tentent de se faire une place avec des initiatives plus modestes mais tout aussi créatives, à l’instar de Copenhague et Amsterdam, où pop-ups et défilés intimistes réinventent la mode.
Coûts astronomiques
Mais derrière ces pérégrinations se cache un autre facteur crucial: les coûts colossaux des défilés. Avec des budgets pouvant atteindre le million de francs pour à peine 15 minutes de spectacle, la mode devient un jeu de pouvoir où chaque ville impose ses règles. Entre les mannequins, les lieux iconiques – qui peuvent coûter jusqu’à 35’000 francs –, et les ambitions expansionnistes des marques, la mode s’apparente à une roulette où le cœur et les émotions cèdent souvent la place à des enjeux bien plus pragmatiques. Une chose est sûre: dans ce jeu de hasard, la roue tourne, et vite.
Autrice: Isabella Prisco
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com/it. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.