À la tête du studio créatif chez Piaget, elle repense les codes de la joaillerie avec finesse et audace. Depuis plus de vingt ans, elle incarne avec passion une vision du luxe. Rencontre.

Fascinée par les pierres précieuses, elle guide son équipe avec la volonté de préserver l’excellence et le savoir-faire ancestral de la Maison, tout en lui insufflant une touche de modernité. Elle reste fidèle à l’authenticité de son art et défend ardemment les métiers artistiques reposant sur des techniques rares et exclusives, qui confèrent à la Haute Joaillerie et à la Haute Horlogerie leur qualité et leur valeur inégalées. Avec une grâce naturelle, Stéphanie Sivrière est une source d’inspiration pour les femmes dans l’univers du luxe.

ELLE: Quand vous étiez enfant, quel métier rêviez-vous de faire, aviez-vous un plan de carrière?
Stéphanie Sivrière
: Je n’avais pas du tout de plan de carrière, mais je savais que j’étais attirée par le domaine artistique, sans jamais imaginer que la joaillerie deviendrait ma vocation. C’est après avoir rencontré un ami de mes parents, travaillant dans l’industrie du diamant, que j’ai découvert cet univers. Cette rencontre a éveillé quelque chose de profond en moi. La flamme s’est allumée. Après un cursus de cinq ans et l’obtention de mon brevet des métiers d’art en joaillerie, j’ai commencé ma carrière chez des joailliers de la place Vendôme. Cela m’a permis de comprendre le lien direct entre le design, la fonctionnalité et la technique. En 2002, j’ai rejoint Piaget en tant que designer joaillière, avant de devenir directrice de la création pour la Joaillerie, la Haute Joaillerie et les Montres, au sein du studio créatif que je dirige désormais.

A un moment donné, quelqu’un va porter les bijoux que nous créons, et ils doivent être parfaits.

Stéphanie Sivrière, directrice artistique joaillerie et horlogerie chez Piaget

Après plus de vingt ans chez Piaget, vous continuez de réinventer avec passion et dévouement, tout en restant fidèle à l’héritage de la Maison. Quel est votre secret?
J’ai effectivement la chance de travailler chez Piaget depuis plus de vingt ans. Au fil des années, j’ai identifié des éléments qui pouvaient devenir des signatures visuelles pour les collections actuelles. Un bon exemple est la gravure Decor Palace. Ce que je préfère dans mon travail, c’est la collaboration avec nos experts en métiers d’art au sein de l’équipe. Cela rend le processus bien plus enrichissant et créatif. Le dialogue que nous entretenons est précieux et nous pousse vers de nouvelles directions. Nous aimons aussi relever des défis, car à un moment donné, quelqu’un va porter les bijoux que nous créons, et ils doivent être parfaits.

À quoi ressemble une journée type pour vous?
Elle n’est jamais la même, ce qui est un bon signe, car cela montre que je suis dans un studio créatif. En général, chaque semaine, je dois présenter des esquisses ou des produits pour validation à Benjamin Comar, le CEO. J’échange également avec mon équipe et les équipes marketing pour faire le point sur nos projets en cours ou à venir. Je passe du temps à l’atelier où je suis sollicitée par l’équipe de développement pour approuver ou corriger une cire, les premières pièces d’un collier ou les teintes d’une pierre précieuse. Ensuite, je rentre chez moi et je me consacre à l’art, que ce soit la peinture ou autre chose, c’est ma manière de décompresser.

Comment parvenez-vous à créer des produits qui touchent un public aussi large et diversifié et comment transmettez-vous cette vision à votre équipe de designers?
L’essentiel est de ne jamais concevoir un produit pour un public, un genre ou une nationalité spécifiques. Il faut que le produit soit authentique et c’est là que la magie opère. La plus grande difficulté pour moi est d’expliquer à mon équipe ce qui fait qu’un design est véritablement Piaget ou non. Il peut me falloir jusqu’à deux ans pour qu’un nouveau designer comprenne pourquoi un design, lorsqu’il devient plus asymétrique et moins graphique, incarne la signature de la Maison. Ma plus grande réussite, c’est quand ils finissent par le ressentir naturellement.

J’aime mélanger les designs, car les expertises croisées apportent beaucoup.

Stéphanie Sivrière, directrice artistique joaillerie et horlogerie chez Piaget

Un des moments forts de votre carrière?
L’un des moments marquants a été lorsque la Maison m’a confié la division horlogère en plus de la joaillerie, me permettant ainsi de devenir la directrice artistique à part entière. L’un des atouts majeurs de Piaget est que nous avons 50% de bijoux et 50% de montres. J’aime mélanger les designs, car les expertises croisées apportent beaucoup.

Une femme qui vous inspire.
Il y en a tellement, mais dernièrement, c’est ma fille qui m’inspire. Elle se lance elle aussi dans le monde de l’art, et j’en suis très fière.

Quelles sont les qualités essentielles chez un bon manager?
L’empathie, le leadership, une bonne énergie et des ondes positives. J’ai la chance de travailler avec une équipe formidable. Nous passons beaucoup de temps ensemble et nous adorons cela.
Je suis avant tout une artiste, j’ai besoin de me déconnecter pour explorer de nouvelles sources d’inspiration. Mon esprit n’est jamais complètement au repos, car je suis constamment inspirée par quelque chose. Cependant, je sais quand et comment faire une pause bien méritée. Je peins ou passe du temps avec mes deux enfants pour me ressourcer.

Je conseille aux jeunes de nourrir leurs passions, d’observer tout ce qui les entoure, et de ne jamais cesser d’apprendre ni de se remettre en question.

Stéphanie Sivrière, directrice artistique joaillerie et horlogerie chez Piaget

La passion entre êtres humains, vous l’évoquiez comme une dépendance…
Il y a, bien sûr, la passion pour mon métier. Et grâce à cet apprentissage, je pourrais apprivoiser la passion amoureuse. Il est essentiel que l’état de dépendance n’abîme pas la relation mais l’aide à la construction. La rencontre amoureuse? Je ne l’ai pas encore faite. Et je vous avoue que j’aimerais bien être belle-mère; pouvoir aimer les enfants de mon amour.

Que diriez-vous à la version plus jeune de vous-même avec l’expérience que vous avez aujourd’hui?
Je lui dirais de continuer à avancer, mais de ne jamais oublier de savourer chaque instant. Ces vingt années ont passé très vite. Je conseille aux jeunes de nourrir leurs passions, d’observer tout ce qui les entoure, et de ne jamais cesser d’apprendre ni de se remettre en question.

Un rêve?
Réaliser l’ascension du Mont-Blanc, une montagne chère à mon cœur.

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