Manager, entrepreneuse, administratrice, et directrice de l’école de premiers secours Firstmed.ch, elle a aussi créé le site Queditlepediatre.
Elle se décrit comme une fille atypique, affranchie des attentes d’une société qui s’est, dit-elle, perdue. À l’école, on l’appelait Madeleine, parce que franciser un prénom, c’est le faire entrer dans une norme. Mais Maddalena Di Meo n’aime pas les cases. Son nom tout entier assume son identité, parfois difficile à porter, de secondo, fille d’immigrés italiens d’un milieu modeste ouvrier. Si personne n’a misé sur elle, du haut de son mètre 52, elle le précise, elle est partie de rien et a tiré de l’école de la vie le meilleur enseignement. « Mad » est devenue infirmière, puis a raccroché sa blouse et ses scholl pour passer HEC, et nourrir un besoin d’exister.
ELLE: Réussir dans la vie, ce n’est pas réussir sa vie… Êtes-vous d’accord avec cela?
Maddalena Di Meo: Réussir sa carrière, ça fait partie du chemin, mais ce n’est pas la destination. Je veux être la meilleure version de moi-même. Je connais mes défauts, mes faiblesses et mes forces. Je pense que celui qui a réussi sa vie est celui qui a trouvé qui il est.
Et justement votre vie, qu’en pensez-vous?
J’ai déroulé des opportunités, je suis allée chercher des compétences pour m’aider à faire ce que je voulais faire. J’ai accompli des choses et j’en accomplis encore. Je ne me suis pas perdue en chemin, j’ai gardé mes valeurs, je me souviens d’où je viens.
Que vous a apporté votre métier d’infirmière?
À 17 ans, j’avais des contraintes de travail. J’ai vu la maladie, la vieillesse, la mort, la solitude, les soins palliatifs, j’ai vu que l’on n’était pas tous égaux. Ça remet les priorités en place. On nous prête la vie, on est né pour mourir. J’ai compris que c’était une chance, alors qu’est-ce que j’allais en faire?
Quel est votre moteur?
C’est ma relation au risque qui fait que j’en suis là aujourd’hui. Je voulais un retour à plus d’authenticité et je me suis demandé ce que j’étais prête à perdre pour y arriver! On ne réussit pas sans faire d’erreur, sans tomber, sans s’écorcher. Dans notre société, on vit beaucoup à travers le regard de l’autre, ou le prisme de ce que la société attend de nous. À 25 ans, j’ai compris que mes patients n’étaient plus que des numéros de chambre, que nous n’étions plus dans l’humain. Alors j’ai fait le choix de me réorienter, et je m’en suis donné les moyens en reprenant des études.
Le regard des autres était difficile. Pourquoi?
J’ai souvent ressenti le syndrome de l’imposteur. Vouloir évoluer, étudier alors que l’on a déjà un travail, une bonne situation, c’est compliqué. Les autres se demandent: pourquoi a-t-elle besoin de se réinventer? Et d’ailleurs, je garde la sensation d’illégitimité malgré mes succès. J’aimerais que les mentalités changent, que les clichés tombent, «je ne peux pas», «ça n’est pas mon milieu», «je n’ai pas les compétences», «je ne suis pas comme eux»… On aspire tous à un mieux. Quand on veut on peut, on doit juste cheminer différemment.
Quelles qualités vous ont permis de réussir?
La résilience, la persévérance, la rigueur et un brin d’inconscience.
Avouez-nous les forces dont vous êtes fière.
Ma capacité à me relever après chaque coup et à ne pas me morfondre. Il m’arrive de déprimer, mais pas plus de cinq minutes. Je ne sais pas pleurer. Quand il faut être dans la bataille, je suis dans la bataille. Je ne laisse pas l’émotionnel me diriger. J’arrive à dissocier grâce à mon rôle d’infirmière.
Quelle a été l’épreuve la plus difficile de votre vie?
Lorsque j’ai appris le cancer de ma sœur, je me suis mise en mode guerrière. J’ai vu ma famille s’effondrer. J’ai réalisé une nouvelle fois l’importance de la vie.
Et vos défauts, ceux que vous aimeriez faire disparaître d’un coup de baguette?
Impulsive, il faut parfois faire un step-back pour poser les choses.
Aujourd’hui, êtes-vous une femme accomplie, en harmonie avec votre être profond?
Je suis en chemin. Mon investissement dans mes projets m’a parfois éloignée de la construction d’une vie privée épanouie. Trouver un équilibre entre l’aura d’une femme investie et l’intimité de son être, reste un défi. Une femme qui a un mari qui réussit, n’est pas complexée. Apparemment, l’inverse n’est pas vrai.
La maternité entre autres, reste une réflexion sensible pour moi. Aujourd’hui, je cherche un équilibre entre ce que je donne au monde, et ce que je m’accorde à moi-même. En espérant que je ne me sois pas réveillée trop tard.
Vous enfermez-vous dans votre coquille ou avez-vous besoin des vôtres pour surmonter un chagrin?
J’ai appris à me relever seule, donc à faire face à la douleur seule.
Racontez-nous un grand bonheur inattendu.
Chaque jour est un vrai bonheur inattendu… je suis reconnaissante de tous les petits bonheurs du quotidien. Voir la tête de ma maman quand elle lira votre article en sera un!
Quel serait pour vous le plus beau des cadeaux?
Que la femme que je suis soit pleinement épanouie, qu’elle occupe la première place, et mes besoins personnels également.
Qu’est-ce qui pourrait vous interpeller ou vous révolter au quotidien?
Les personnes qui n’osent pas déplaire. Et bien sûr, l’injustice, les inégalités et l’hypocrisie.
Le travail, c’est une thérapie?
Je dirais plutôt un challenge, un enseignement.
Avez-vous peur de vieillir?
Non. Si je vieillis, c’est que je vis et que je peux toujours apprendre!
Une devise que vous feriez vôtre?
Croire toujours, ne jamais se résoudre à renoncer.