Jeudi, la griffe helvétique, désormais basée à Paris, a dévoilé ses nouvelles ambitions dotées d’une classe au croisement de ce que la précision helvétique et l’avant-garde de la capitale française l’inspire. Rencontre avec les fondateurs, Evan Giusto et Benjamin Bühler, après un défilé qui a dynamisé le vestiaire de bureau.
Dans les coulisses, un soulagement partagé éclaire les visages d’Evan Giusto et Benjamin Bühler. Mais ce qui transparaît surtout, c’est une joie profonde. Celle d’avoir livré, à respectivement 29 et 30 ans, un défilé où l’intensité de trois mois de création acharnée s’est vue chapeauté par une standing ovation. Car jeudi 12 décembre, Evanbenjamin n’a pas seulement confirmé son statut de signature à suivre de près dans le paysage helvétique. A travers sa collection intitulée Double vision (2024), la marque de mode éponyme a annoncé, avec éclat, une ambition renouvelée: celle de vouloir emprunter le chemin des plus grands.
Signature plus exclusive
Sur le podium de l’Espace Amaretto, à Prilly (VD), 32 silhouettes ont captivé une audience fascinée par une interprétation alléchante de l’officewear: des chemises et pantalons déstructurés ont flirté avec des ultra mini shorts audacieux. L’ensemble des manteaux d’Evanbenjamin, mitraillés de flashs des smartphones, ont quant à eux semblé avoir été taillés avec une précision clinique magnifiant chacune des coutures. Sans parler des accessoires: bags « Coup de foudre », bottes vegan imaginées par la marque genevoise Bikkou et lunettes de soleil signées du Lausannois Nardi Lunetier ont ajouté une touche finale ultra désirable, pensée avec soin pour notamment sublimer le sequin argenté qui, tel qu’on le connaît chez cette marque, a, encore une fois, régné en maître.
Sauf que cette fois, Evanbenjamin a dépassé les attentes de tous. Et magistralement. Des tons chaleureux, comme l’orange ercolano, ont discrètement marqué une nouveauté chez la griffe qui s’était depuis sa naissance en 2018 accoutumée du clair-obscur. Autre chemin inédit: celui des pièces en fausse fourrure signant une aura luxe non-négligeable. Pour la première fois aussi, des vêtements dédiés à la gent masculine se sont invités sur le podium. Pour le Vaudois Evan Giusto, cela part d’une volonté profondément réfléchie: « Nous voulions présenter une collection qui mûrit avec nous et traduit la transition que notre marque est en train de vivre. La fausse fourrure montre un désir de devenir plus exclusif et, pour les looks masculins, de montrer que les hommes aussi peuvent incarner une sensualité sophistiquée. »
Disons-le, ce jeu d’oppositions et de coupes rappelle la créativité d’Anthony Vaccarello, directeur artistique de Saint Laurent, dont les coupes longilignes et l’élégance sulfureuse ont ici inspiré les fondateurs d’Evanbenjamin, nous confient-ils. Mais au-delà des références, ce qui s’est dessiné ici, c’est une identité où chaque pièce a raconté avec émotion un fragment de leur parcours divisé entre la précision de la Suisse et l’avant-garde de Paris. Ce qui a donné lieu à une montée en gamme ahurissante de maîtrise, tranchant avec leur dernier défilé à Lausanne, en 2022, année chère au duo pour une autre raison.
La mode à Paris, la Suisse dans le coeur
Plus que cet événement, 2022 marque l’installation des deux Suisses à Paris. C’est à ce moment qu’ils expliquent avoir décidé de prendre un nouveau virage stylistique: « La Suisse, c’est nous, c’est notre pied-à-terre, affirme le Neuchâtelois Benjamin Bühler. Mais partir à Paris était crucial pour développer la marque et nous faire connaître au-delà des frontières. » Et le couple a eu le nez fin: depuis son emménagement, la trajectoire d’Evanbenjamin s’est accélérée, attirant une clientèle internationale plus vaste et des célébrités de renom. A un tel point qu’en 2024, la griffe était parmi les rares marques romandes à avoir sublimer pléthore de stars. On compte parmi elles des personnalités de renom telles que Jessy J, The Avener ou encore Rita Ora, fidèle convaincue depuis de nombreuses années. Dans cet élan, parce qu’une marque est avant tout une entreprise, les deux passionnés s’efforcent désormais de devenir plus stratégiques: « Nous avons beaucoup appris en nous concentrant sur une approche plus sélective, poursuit Benjamin. C’est difficile de ne plus inviter tout le monde, mais cela correspond à la maturité de notre marque et à nos ambitions parisiennes. »
Pour autant, leur lien avec la Suisse reste indéfectible: « La Suisse nous apporte une sérénité précieuse, un ancrage mental », confie Evan Giusto. Tout comme faire perdurer au plus possible leurs liens avec leur famille: « Pour réaliser ces tenues, nous n’étions que nous deux et ma cousine, stagiaire dans notre atelier », poursuit-il.
Une mode suisse portée sur la scène internationale, loin des clichés du terroir, c’est bien cela qu’incarne le défilé d’Evanbenjamin à Prilly. Et s’il est non seulement une étape marquante pour ce label, il constitue aussi un moment clé pour la culture mode helvétique. Dans une salle comble, où beaucoup assistaient à leur tout premier défilé, un sentiment de fierté collective s’est imposé. De quoi rendre les deux Suisses des plus heureux:
Nous voulons ouvrir des portes, rendre la mode accessible tout en conservant notre touche d’exclusivité, Nous voulons être des acteurs de ce changement en Suisse.