Belinda Bencic: « Si j’avais dû choisir, j’aurais toujours opté pour la famille »

De retour sur le circuit, la championne de tennis suisse jongle à merveille entre sa nouvelle vie de maman, les entraînements et les nombreux déplacements pour les tournois. Elle se confie en marge d’un shooting exclusif pour ELLE Suisse en collaboration avec Bucherer et Bongénie.

La plus belle des motivations, en cinq lettres: Bella. Le 23 avril 2024, Belinda Bencic est devenue maman pour la première fois, d’une fille au prénom doux et proche du sien – comme un joli écho à leur lien si particulier sur le circuit WTA, où les joueuses mères sont encore rares. «C’est un prénom que j’ai toujours trouvé magnifique, explique la Saint-Galloise. Je savais que si j’avais une fille, elle s’appellerait Bella. Et mon mari a adoré.»

En octobre 2024, la championne olympique signait déjà son retour, épaulée par son préparateur physique et mari Martin Hromkovič, avec Bella en bord de terrain. Et en février, l’ex-n° 4 mondiale remportait son premier titre post-grossesse à Abu Dhabi.

Pour ELLE Suisse, la joueuse de 28 ans a pris une pause pour participer à son tout premier shooting mode: «Une très belle expérience, très différente des photos pour les sponsors», se réjouit cette fan de mode, qui suit les tendances avec intérêt, bien que son quotidien – avec sa fille, les tournois et les allers-retours entre Monaco, où elle vit, la Suisse et la Slovaquie, où vivent leurs proches – lui laisse peu de temps. L’occasion d’évoquer sa nouvelle vie, désormais centrée sur sa numéro 1, Bella.

Vous êtes revenue à la compétition six mois après la naissance de votre fille. Était-ce ce que vous aviez imaginé?
La grossesse était planifiée, car c’était le bon moment dans ma carrière. À cause de l’horloge biologique, je ne voulais pas trop attendre. Mon objectif était de revenir ensuite, même si je savais qu’avoir un enfant pouvait rendre ce retour incertain et j’y étais préparée. Ma priorité a toujours été d’avoir une famille, avant d’être une sportive d’élite. Si j’avais dû choisir, j’aurais toujours opté pour la famille. Donc si je n’avais pas pu reprendre la compétition, j’aurais été tout aussi heureuse. Quand on a un enfant, tout cela n’est plus aussi important.

Comment vous êtes-vous préparée physiquement pour ce comeback?
Mon mari et moi, nous voulions que tout se passe le plus naturellement possible. Pendant la grossesse, je faisais un peu de fitness. Après l’accouchement, j’ai d’abord travaillé ma musculature abdominale et mon plancher pelvien, puis progressivement le reste de mon corps. Vers la fin, j’ai ajouté du cardio. C’était un processus intuitif, il fallait écouter mon corps, surtout avec l’allaitement et le bébé. Mon comeback a été rapide, mais il a aussi été le plus difficile de ma carrière parce qu’on change énormément pendant la grossesse. D’ailleurs, c’est impressionnant ce que le corps féminin peut accomplir!

Ma priorité a toujours été d’avoir une famille, avant d’être une sportive d’élite. […] Donc si je n’avais pas pu reprendre la compétition, j’aurais été tout aussi heureuse. Quand on a un enfant, tout cela n’est plus aussi important.

Belinda Bencic
ELLE Suisse

Allaiter était-il important pour vous?
C’était même ma priorité. De nouveau, si j’avais dû choisir entre allaiter ou redevenir une sportive d’élite, j’aurais choisi d’allaiter. C’est très bénéfique pour le bébé. J’ai adapté mes entraînements en limitant l’intensité à 70 % pour éviter que trop de lactate passe dans le lait, en suivant les conseils de ma sage-femme et de ma médecin.

Comment s’organisent vos tournois de jeune maman?
Je m’entraîne moins souvent qu’avant et essaie de caler mes sessions sur le rythme de Bella. Martin m’échauffe puis s’occupe d’elle pendant que je m’entraîne. Ma mère ou la sienne nous accompagnent parfois, mais la plupart du temps, nous sommes juste les trois, avec mon entraîneur. On privilégie les appartements Airbnb, au lieu des hôtels, pour avoir une vie de famille normale, avec une cuisine, une machine à laver. C’est beaucoup d’improvisation, mais ça fonctionne bien. Pour les un an de Bella, on était à Madrid et on a même pu faire une petite fête.

Souhaitez-vous avoir d’autres enfants?
Oui, mais je vais attendre d’avoir terminé ma carrière. Je ne me vois pas faire un autre comeback après une deuxième grossesse!

Mon comeback a été rapide, mais il a aussi été le plus difficile de ma carrière.

Belinda Bencic
ELLE Suisse

La WTA (Women’s Tennis Association) a mis en place depuis 2025 un congé maternité de 12 mois pour les joueuses. Qu’en pensez-vous?
C’est une excellente initiative. Cela rend la décision de fonder une famille plus facile, surtout pour celles qui n’ont pas un gros revenu.

Quelles autres améliorations aimeriez-vous voir?
Il reste encore beaucoup de potentiel d’amélioration, comme de meilleures assurances et une saison de tennis moins longue. Je ne veux pas me plaindre parce qu’on est très bien payées, mais on doit jouer presque dix mois par an, ce qui entraîne de plus en plus de blessures.

La parole s’est aussi libérée autour des menstruations dans le sport. Le ressentez-vous?
Oui, et c’est très positif. De plus en plus de coachs prennent en compte le cycle menstruel dans la préparation, car il impacte la performance. Je préfère garder les choses aussi naturelles que possible et je n’étais pas pour supprimer mes règles. La contraception hormonale ne me convenait pas, donc je m’en suis passée. Personnellement, j’ai beaucoup de douleurs pendant mes règles, ce qui me rend parfois incapable de bien jouer. Il faut l’accepter. C’est difficile, mais on joue contre des femmes, et qui sait, notre adversaire vit peut-être la même chose à ce moment-là.

C’est très positif. De plus en plus de coachs prennent en compte le cycle menstruel dans la préparation, car il impacte la performance.

Belinda Bencic
ELLE Suisse

La participation d’athlètes transgenres ou intersexes dans les compétitions féminines suscite parfois le débat, malgré l’existence de règlements spécifiques établis par certaines fédérations sportives. Quel regard portez-vous sur cette question?
Je pense que ce n’est pas équitable. Il y a des différences physiques qui font qu’une femme biologique n’aura aucune chance dans beaucoup de disciplines.

Si Bella voulait devenir joueuse de tennis, seriez-vous heureuse?
Je souhaite surtout qu’elle fasse du sport parce que c’est une école de vie qui apprend la discipline, la concentration, la résilience, la passion et la persévérance. J’imagine qu’elle jouera au tennis vu qu’elle nous accompagne dans les tournois, mais je ne veux rien lui imposer. Peu importe le sport qu’elle choisira, je la soutiendrai.

Vous avez vous-même commencé très jeune.
Oui, mes parents jouaient pour le plaisir dans un club proche de notre maison et m’emmenaient parfois avec eux. J’aimais ça et je me suis vite améliorée. Mon père, qui admirait Martina Hingis, a demandé à Melanie Molitor, sa mère et entraîneuse, de venir voir si j’avais du potentiel. Elle a jugé que oui et j’ai commencé à m’entraîner chez elle à 6 ans. Sur les tournois, c’est mon père qui était mon coach. C’était magnifique de passer autant de temps ensemble, il me connaissait mieux que personne.

Quel genre d’enfant étiez-vous?
Très vive et compétitive. Je voulais toujours être la meilleure.

Femmes transgenres en compétition? Je pense que ce n’est pas équitable. Il y a des différences physiques qui font qu’une femme biologique n’aura aucune chance dans beaucoup de disciplines.

Belinda Bencic
ELLE Suisse

Aviez-vous le sentiment de faire des sacrifices pour le tennis?
Non, cela me semblait naturel. Je ne connaissais rien d’autre et devenir professionnelle était mon rêve. Mon école me soutenait en m’accordant des congés pour les tournois, car j’étais une bonne élève. C’est vrai que j’avais peu de temps pour voir mes amies, mais j’en avais aussi beaucoup dans le milieu du tennis.

Un autre métier vous intéressait-il?
J’ai toujours adoré les animaux, donc je me suis parfois imaginée travailler dans un refuge ou chez un vétérinaire. Mais en réalité, mon seul but professionnel était le tennis. Tout se passait comme je le voulais dans ce domaine, je n’ai donc jamais cherché à faire autre chose.

Qu’aimez-vous faire dans votre temps libre?
Avec Bella, le temps libre n’existe plus vraiment! (Rires). J’adore faire de grands puzzles, du coloriage méditatif et me promener en forêt avec ma chienne Paula.

Votre plus grande qualité et votre principal défaut?
Je suis perfectionniste, ce qui peut aussi être un défaut, spontanée et ponctuelle. Mon principal défaut est l’impatience, mais avec ma fille, j’apprends chaque jour à être plus patiente.

Avez-vous une routine particulière avant un match?
Oui, j’en ai beaucoup depuis le début: la manière dont je noue mes lacets, dont je prépare mon sac… Je fais aussi toujours la même coiffure. Ce sont des rituels pour me concentrer.

Et des superstitions aussi?
Oh oui! Je suis superstitieuse. Une fois, à Milan, mon physio a dû manger tous les jours la même pizza que le premier jour où j’ai gagné. Avant la finale, il a voulu changer et j’ai dit: «Non, tu dois reprendre la même! Et j’ai gagné»… grâce à sa pizza! (Rires).

Quel est votre plus beau souvenir de tennis?
Les Jeux olympiques de Tokyo. L’ambiance du village olympique, rencontrer les autres athlètes, c’était incroyable. Ma médaille d’or, c’était le bonus.

Et votre plus mauvais souvenir?
Les blessures, et l’incertitude qui les accompagne. On ne sait jamais si un comeback sera possible.

En dehors du court, vous êtes aussi ambassadrice du programme SheWealth. Pouvez-vous nous en parler?
C’est une initiative de mon sponsor, la banque Alpian. Je participe à des événements pour aider les femmes à gérer leur argent et leur patrimoine de manière autonome. Le monde de la finance peut sembler réservé aux hommes, ce qui peut être intimidant.

Comment gérez-vous votre propre fortune?
J’ai bien sûr des experts qui s’en occupent, mais je regarde ce qu’ils font avec mon argent. Grâce à mon rôle de mentor, j’ai par exemple appris l’importance de diversifier mes investissements pour réduire le risque.

Êtes-vous plutôt dépensière ou économe?
Les deux! Je pense qu’il faut savoir se récompenser, se faire plaisir et profiter de la vie. Mais je réfléchis aussi longuement avant un gros achat et je pense à l’avenir, à la sécurité de ma famille, au cas où il m’arriverait quelque chose. J’ai travaillé dur toute ma vie et je veux m’assurer une liberté financière après ma carrière.

Savez-vous déjà ce que vous ferez après?
J’aimerais ouvrir un refuge pour animaux. Je suis aussi intéressée par le marketing ou un poste de commentatrice de tennis. Mais avant tout, pendant un moment, je veux être une maman et une femme au foyer à plein temps.

Modèle: Belinda Bencic
Prêt-à-porter: Bongénie
Haute joaillerie: Bucherer
Directrice artistique/styliste: Carolina Fernandes
Assistante stylisme: Paz Emilia Lopez
Photographe: Mike Nyembo pour Eyeattraction
Assistante photographie: Tiffany Tran
Coiffeuse: Iléana Costantini
Maquilleuse: Anissa Renko
Vidéaste: Lauryn Urbino
Coordinatrice: Melissa N’Dila
Journaliste: Trinidad Barleycorn

Tags : Sport · people · interview · famille