« Murdaugh: Death in the Family », autopsie de la chute d’une dynastie
La nouvelle série de Disney+ revient sur les tensions qui ont précédé les meurtres de Maggie Murdaugh et de son fils en 2021. Patricia Arquette, qui interprète Maggie, explique avoir puisé dans son histoire personnelle pour nourrir ce rôle.

Qui a tué Maggie Murdaugh et l’un de ses fils, abattus près du chenil de la vaste propriété de cette puissante famille de Caroline du Sud, le soir du 7 juin 2021 ? À cette question, la majorité des Américains sauront répondre tant l’affaire a défrayé la chronique. En Europe, l’histoire glaçante est moins connue. Mais pour celles et ceux qui sont déjà tombés sur le podcast Murdaugh Murders de la journaliste Mandy Matney, sur le documentaire Netflix Le Sang des Murdaugh: scandale en Caroline du Sud ou encore sur la minisérie Les Secrets de la famille Murdaugh avec Bill Pullman, le mystère est aussi levé.
(Attention : spoilers si vous ne connaissez pas l’affaire.)

Le suspense n’est donc pas la motivation de la nouvelle déclinaison de cette histoire vraie, proposée par la mini-série de Disney+ Murdaugh: Death in the Family. L’affiche montre d’ailleurs l’époux de Maggie, Alex Murdaugh, l’enlaçant, les mains couvertes de sang. Car ce dernier, qui clamait son innocence, a été condamné à la perpétuité pour les meurtres de sa femme et de leur fils de 22 ans, Paul, au terme d’un procès ultra médiatisé en 2023. Il a également été condamné pour le détournement de millions de dollars. Sa demande de procès en appel devant la Cour suprême de Caroline du Sud est toujours en cours.
Le clan Murdaugh sous la loupe
La mini-série en huit épisodes s’intéresse en réalité davantage aux événements qui ont précédé les meurtres, même si elle prend un peu de liberté avec la chronologie. Elle nous plonge au cœur de la dynastie Murdaugh, avocats et procureurs de père en fils, régnant depuis des décennies sur la région à coups de passe-droits rendus possibles par leur fortune et leurs connexions. Intouchables, se jouant du système, ils étaient autant admirés que craints.
Le pouvoir du clan s’illustre d’emblée avec le drame retracé dans le premier épisode : ivre, le jeune Paul Murdaugh provoque la mort d’une camarade de classe lors d’une sortie en bateau en 2019. Son père se démène pour faire porter le chapeau à un autre jeune homme. Mais appelée à couvrir les faits, la journaliste Mandy Matney (interprétée par Brittany Snow) met au jour la vérité et, creusant dans le passé de la famille, découvre un autre décès suspect.
Très détaillée, la série aurait toutefois gagné à être resserrée : plusieurs séquences tirent en longueur, bien qu’elles participent à dessiner la trajectoire menant à l’implosion du château de cartes bâti par Alex Murdaugh, sublimement incarné, avec un épais accent du Sud des États-Unis, par l’acteur australien Jason Clarke (actuellement aussi dans The Last Frontier sur Apple TV+ et au cinéma dans A House of Dynamite de Kathryn Bigelow). L’avocat, imbu de lui-même, se pavane en permanence dans le rôle du mari et père parfait. Mais à l’abri des regards, il surconsomme tout, tout le temps : argent, alcool, opioïdes, sexe, mensonges et échecs.

« Je me soucie de cette femme qui a été tuée »
Face à la démesure du personnage, dans le rôle de son épouse, l’actrice oscarisée Patricia Arquette se démarque, comme à son habitude, par un jeu remarquable de naturel. Tout en subtilité, elle trahit d’un simple regard chaque émotion d’une femme piégée dans une relation toxique.
Les créateurs de Murdaugh : Death in the Family ont voulu remettre les victimes au cœur du récit, Maggie surtout, rarement racontée jusque-là. En conférence de presse, Patricia Arquette dit avoir ressenti « une grande responsabilité » : « Quand on incarne de vraies personnes, on ne veut pas leur manquer de respect. Je me soucie de cette femme qui a été tuée, de son fils et de toute cette communauté dévastée. »
Elle-même avait suivi le procès à l’époque : « Je regardais Alex Murdaugh à la barre dire certaines choses. Puis de nouvelles preuves étaient présentées et je le voyais mentir et essayer de se rétracter. J’ai aussi appris des choses sur son comportement, comme le vol, le mensonge pathologique, la manipulation et la tromperie. Quelqu’un comme ça ne dit pas juste : “Je suis le méchant.” C’est mêlé à de la chaleur. Il aime sa femme, mais est infidèle. Il veut être un bon père, mais ne pose aucune limite à ses enfants. Il y a aussi des schémas prévisibles dans un foyer alcoolique, comme avec des personnalités narcissiques, de l’alcoolique au partenaire et jusqu’à la manière dont cela impacte les enfants et s’ils finissent par adopter le même comportement. »
« Mon père était alcoolique »
Pour construire son interprétation de Maggie — rôle abondamment documenté par Mandy Matney, coproductrice de la série — Patricia Arquette a aussi puisé dans son vécu, confie-t-elle : « Mon père était alcoolique. Cela entraîne certaines conséquences, certains schémas. J’ai essayé de comprendre cette structure, tout en gardant de l’empathie pour la personne que j’incarne et ses mécanismes de survie. » Et d’ajouter : « Mon père était un homme très complexe, mais je l’aimais énormément. Il manipulait ma mère, était parfois pleurnichard, tout en étant aussi le soutien financier de la famille. Il était incroyablement charmant, nous aimait à la folie, était drôle, tout en étant aussi quelqu’un qui abandonnait sa famille. C’était très déroutant. »
Elle souligne encore à quel point les red flags, mis en évidence dans la série, sont difficiles à déceler de l’intérieur : « Maggie et Alex étaient ensemble depuis l’université. Il était son premier grand amour et elle était conditionnée par cette mentalité sudiste traditionnelle selon laquelle on se marie pour la vie. À leur âge, elle ne s’attendait pas à ce qu’il soit parfait. Mais elle a été gaslightée pendant des années. Quand vous commencez à remarquer quelque chose d’étrange, l’autre se montre incroyablement charmant et aimant. Alors vous lui trouvez des excuses. Il y a une danse qui se joue des deux côtés dans ce genre de relations. C’est ce qui m’intéressait : quand quelqu’un commence à voir que l’autre souffre peut-être d’un trouble de la personnalité et commence à s’éloigner, il se produit alors des changements physiques, émotionnels et mentaux très marqués et c’était intéressant d’en apprendre davantage à ce sujet. »
Des vies volées
Malgré ses longueurs, Murdaugh: Death in the Family offre une vision détaillée captivante des tensions qui ont précédé le double meurtre, tout en dévoilant un système de privilèges bien établi. Mais la série suscite aussi le malaise tant il est difficile d’oublier qu’il s’agit de tragédies bien réelles, de vies volées et non de fiction. Reste son atout majeur : de très belles interprétations des rôles principaux, ainsi que de plusieurs rôles secondaires, à commencer par Johnny Berchtold, intense dans la peau de Paul Murdaugh.

Murdaugh: Death in the Family, avec Jason Clarke, Patricia Arquette, Johnny Berchtold, Will Harrison, Kathleen Wilhoite, Gerald McRaney et J. Smith-Cameron.
Un épisode chaque mercredi jusqu’au 19 novembre.