La saison des Ugg est ouverte ! Retour sur l’ascension d’une boot cringe devenue culte

Des côtes californiennes au street style des années 2000 jusqu’aux podiums du prêt-à-porter, les mythiques boots en mouton restent le guilty pleasure mode – et pas seulement en hiver.

« Encore aujourd’hui, je n’en reviens toujours pas », raconte Brian Smith en se souvenant de la sensation qu’il a eue en enfilant pour la première fois une paire de bottines Ugg. C’est lui, alors étudiant en économie passionné de surf, qui les a imaginées à la fin des années 1970. Attiré par le rêve américain, il quitte l’Australie et le business pour les côtes californiennes. Là-bas, il remarque que les surfeurs sortent de l’eau en tongs, et non avec les traditionnelles bottes en peau de mouton utilisées à l’autre bout du monde pour protéger les pieds du froid matinal.

L’étincelle jaillit. Brian Smith se met alors au travail sans relâche pour transformer son intuition en réalité, tentant de convaincre les maîtres de la vague d’échanger leurs flip-flops contre ces boots toutes douillettes. Il improvise alors une boutique à l’arrière de son van garé sur la plage de Malibu Point — une idée aussi improbable que brillante, puisque les stivaletti se répandent rapidement par le bouche-à-oreille. De quoi finir de convaincre les acheteurs de les commander pour les mettre en boutique.

Le reste appartient à l’histoire — surtout celle du début des années 2000, lorsque l’accessoire est devenu le guilty pleasure des stars, en ville comme hors service. Kate Winslet, par exemple, les a même arborés lors de la première new-yorkaise du film Lawless Heart (2001), associés à un cardigan et à un pantalon skinny dont le bas disparaissait dans un cocon de laine et de daim ultra-moelleux. Jessica Alba, elle, les a remis au goût du jour en les associant à une combinaison en velours de Juicy Couture et à une casquette de baseball, dans un condensé de mode Y2K cycliquement (et incroyablement) ressuscité par la mémoire fashion.

Beyoncé, elle, les portait pour profiter du Super Bowl, associés à une jupe plissée et un blazer scintillant. Sarah Jessica Parker — grande fidèle des Ugg au point d’en être aujourd’hui ambassadrice — les enfilait à la fin de chaque prise. Quant à Sienna Miller, référence absolue de l’époque (et pas seulement), elle les préférait couleur camel, retroussés comme ses jeans taille ultra-basse, assortis à un petit cardigan très court.

Au Royaume-Uni, raconte le magazine Dazed, il y a même eu une période où la boot est devenue victime d’un stéréotype classiste, étiquetée comme « botte cringe », tournant ainsi en ridicule toutes ces filles de province qui la portaient avec des survêtements façon Juicy Couture.

Rien à voir avec le glow up qu’Ugg connaîtra ensuite, en se cristallisant en véritable culte de mode, totalement immunisé contre le va-et-vient des styles et des tendances, et en enchaînant les collaborations à succès qui l’ont peu à peu transformé de « pantoufle en liberté » qu’il était à ses débuts en un fétiche des podiums de prêt-à-porter.

Le premier à se réapproprier la boot fut d’ailleurs Y/Project qui, sous la direction de Glenn Martens, en fit un objet de pure provocation : des cuissardes démesurées (adorées, entre autres, par Rihanna) pour des silhouettes monumentales, prenant l’iconique douceur d’Ugg et la propulsant sur le terrain de l’avant-garde. Une première démonstration de la manière dont la bottine née sur la plage de Malibu pouvait devenir une véritable matière d’atelier.

Puis vint Telfar Clemens, qui a puisé dans l’âme cozy et démocratique d’Ugg pour doubler de peau lainée son iconique petit sac, mais aussi pour créer des boots logotypés — des gestes de douceur, d’appartenance et d’identité partagée.

Des designers comme Hillary Taymour de Collina Strada ont, quant à eux, saisi son potentiel durable avec des sabots, des Mary Jane et des sandales véganes fabriqués à partir de microfibres recyclées. Le collectif angeleno Gallery Dept., lui, a revisité la boot avec une esthétique brute, western, upcyclée, presque sortie d’un atelier d’art.

Avec un peu de chance, on peut encore trouver aujourd’hui sur The RealReal les Ugg signés Jimmy Choo, une collaboration mêlant style, luxe et praticité, traduite en bottines couvertes de clous et de strass sorties en 2010.

Bref, une succession de renversements qui a progressivement élevé les Ugg au rang d’emblème d’un confort radical et fashion, culminant en 2025 avec l’interprétation de la designer britannique Talia Byre. Sur son podium estival — un hommage aux codes du domestique et à ses tensions émotionnelles — elle a transformé les bottes en peau lainée en chaussures légères et presque intimes : slippers en cuir noir et en daim doublées de shearling et ponctuées de clous métalliques comme de petites étincelles industrielles, mais aussi des boots irrésistibles dignes d’une femme de Néandertal version moderne.

« Nous avons tous un lien aux Ugg, expliquait d’ailleurs la créatrice dans Dazed. C’était beau de pouvoir les réimaginer à notre façon. » Et c’est peut-être là, justement, que réside le cœur de leur survie culturelle : dans leur capacité à absorber les esthétiques du moment sans jamais perdre leur douceur — ni leur confort, ni leur utilité — originels.

La confirmation définitive que les Ugg n’appartiennent plus à une saison, ni à un climat, ni à un cliché : ce sont un langage, et chaque génération — du jet-set du début des années 2000 aux designers et aux podiums urbains d’aujourd’hui — y trouve sa propre manière de s’exprimer.

Autrice : Alessandra Zauli
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur 
elle.com/it. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.

Tags : Tendance · Hiver · chaussure · analyse
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