Ces femmes-monstres de la mythologie qui ont remis en question le pouvoir des hommes

Et si les sirènes n’étaient pas tout à fait ce que nous avons toujours cru?

Médusa, les Harpies, les Sirènes, les Furies… Sans oublier le Sphinx, la Chimère, Lamia et l’Hydre. Toutes ces créatures, féminines et monstrueuses, sont au cœur de l’essai captivant Sirene e altri mostri: le donne nella mitologia (2024) de Jess Zimmerman. L’autrice y explore les femmes-monstres de la mythologie et leur rôle dans la remise en question du pouvoir masculin. Ces figures redoutées ont toujours payé un lourd tribut pour leur audace: le titre de monstre, la mort aux mains des hommes ou la perte de leurs pouvoirs. Elles incarnent la méfiance envers les femmes qui échappent à l’idéal de douceur et de soumission.

Sirene e altri mostri: le donne nella mitologia (2024) par Jess Zimmerman

À la croisée de l’essai et de la mémoire, Jess Zimmerman révèle son propre malaise en tant que femme au corps non conforme, et parcourt la culture pop à la recherche de représentations contemporaines de ces créatures monstrueuses. Et elle va encore plus loin: et si l’histoire était racontée du point de vue de ces femmes-monstres? Quels secrets cachent les Harpies? Les Sirènes ont-elles une existence au-delà de leur rôle d’obstacles pour les hommes? L’autrice suggère que c’est peut-être leur plus grande force qui les rend redoutables.

Puissance de l’imperfection

La perspective change radicalement lorsque nous acceptons nos imperfections, qui, loin de nous détruire, deviennent une source de puissance. L’essai propose une réinterprétation des mythes, tout en questionnant les images obsolètes qui nous façonnent encore. Depuis des siècles, les femmes qui franchissent les frontières de la norme sont jugées contre nature, indésirables ou dangereuses. Qu’elles soient en colère, effrénées, ambitieuses, affichent une sexualité affirmée ou un corps non conforme, elles sont souvent perçues comme monstrueuses. Même lorsqu’elles deviennent des enchanteresses, leur monstruosité persiste : elles défient les valeurs masculines et menacent l’ordre établi.

Cité par Jess Zimmerman, Jeffrey Jerome Cohen écrit dans son essai sur l’anatomie du monstre: « Le monstre garde les limites du possible. » Les femmes qui dépassent les normes se trouvent à ce seuil, prêtes à embrasser leur déviance et à devenir enfin, librement, les monstres qu’elles ressentent être. Jess Zimmerman observe: « Plus un individu est contraint, plus il lui est facile de s’écarter de la norme, et plus il semble étrange, voire dangereux. » Les femmes, en particulier, doivent naviguer entre des attentes contradictoires : séduisantes mais pures, silencieuses mais présentes, fragiles mais actives, toujours petites. Si elles échouent à satisfaire ces exigences impossibles, elles sont immédiatement jugées grotesques.

Nouvelle vision de l’héroïne

À travers l’analyse de 11 figures monstrueuses de la mythologie, Jess Zimmerman invite toutes les femmes (et celles qui s’identifient comme telles) à reconsidérer leur relation à la colère, au corps et à l’ambition, et à adopter une nouvelle vision de l’héroïne. Peut-être est-ce une monstruosité aux yeux de l’idéal féminin dominant, mais c’est une monstruosité puissante, capable de transformer le monde.

Aujourd’hui, les femmes sont plus conscientes des contraintes sociales et des limites imposées par la conformité. Elles contestent la domination masculine depuis des décennies, mais sont désormais prêtes à revendiquer leur côté vorace, effrayant, voire répulsif. Accepter et revendiquer leur monstruosité devient un acte politique. Les traits identifiés comme monstrueux chez les femmes — connaissance, désir, force, ambition, pouvoir — sont souvent valorisés chez les hommes. Jess Zimmerman se demande ainsi: « Si franchir les frontières nous rend monstrueux, cela signifie-t-il que les monstres, une fois sortis, n’ont plus de frontières? Que se passerait-il si nous découvrions que vivre pleinement de l’autre côté, avec tout ce que nous sommes, signifie vivre pour la première fois? » Une question qui mérite d’être explorée.

Autrice: Sara Mostaccio
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur 
elle.com/it. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.

Tags : féminisme · homme · analyse · Femme

Et si les sirènes n’étaient pas tout à fait ce que nous avons toujours cru?

Médusa, les Harpies, les Sirènes, les Furies… Sans oublier le Sphinx, la Chimère, Lamia et l’Hydre. Toutes ces créatures, féminines et monstrueuses, sont au cœur de l’essai captivant Sirene e altri mostri: le donne nella mitologia (2024) de Jess Zimmerman. L’autrice y explore les femmes-monstres de la mythologie et leur rôle dans la remise en question du pouvoir masculin. Ces figures redoutées ont toujours payé un lourd tribut pour leur audace: le titre de monstre, la mort aux mains des hommes ou la perte de leurs pouvoirs. Elles incarnent la méfiance envers les femmes qui échappent à l’idéal de douceur et de soumission.

Sirene e altri mostri: le donne nella mitologia (2024) par Jess Zimmerman

À la croisée de l’essai et de la mémoire, Jess Zimmerman révèle son propre malaise en tant que femme au corps non conforme, et parcourt la culture pop à la recherche de représentations contemporaines de ces créatures monstrueuses. Et elle va encore plus loin: et si l’histoire était racontée du point de vue de ces femmes-monstres? Quels secrets cachent les Harpies? Les Sirènes ont-elles une existence au-delà de leur rôle d’obstacles pour les hommes? L’autrice suggère que c’est peut-être leur plus grande force qui les rend redoutables.

Puissance de l’imperfection

La perspective change radicalement lorsque nous acceptons nos imperfections, qui, loin de nous détruire, deviennent une source de puissance. L’essai propose une réinterprétation des mythes, tout en questionnant les images obsolètes qui nous façonnent encore. Depuis des siècles, les femmes qui franchissent les frontières de la norme sont jugées contre nature, indésirables ou dangereuses. Qu’elles soient en colère, effrénées, ambitieuses, affichent une sexualité affirmée ou un corps non conforme, elles sont souvent perçues comme monstrueuses. Même lorsqu’elles deviennent des enchanteresses, leur monstruosité persiste : elles défient les valeurs masculines et menacent l’ordre établi.

Cité par Jess Zimmerman, Jeffrey Jerome Cohen écrit dans son essai sur l’anatomie du monstre: « Le monstre garde les limites du possible. » Les femmes qui dépassent les normes se trouvent à ce seuil, prêtes à embrasser leur déviance et à devenir enfin, librement, les monstres qu’elles ressentent être. Jess Zimmerman observe: « Plus un individu est contraint, plus il lui est facile de s’écarter de la norme, et plus il semble étrange, voire dangereux. » Les femmes, en particulier, doivent naviguer entre des attentes contradictoires : séduisantes mais pures, silencieuses mais présentes, fragiles mais actives, toujours petites. Si elles échouent à satisfaire ces exigences impossibles, elles sont immédiatement jugées grotesques.

Nouvelle vision de l’héroïne

À travers l’analyse de 11 figures monstrueuses de la mythologie, Jess Zimmerman invite toutes les femmes (et celles qui s’identifient comme telles) à reconsidérer leur relation à la colère, au corps et à l’ambition, et à adopter une nouvelle vision de l’héroïne. Peut-être est-ce une monstruosité aux yeux de l’idéal féminin dominant, mais c’est une monstruosité puissante, capable de transformer le monde.

Aujourd’hui, les femmes sont plus conscientes des contraintes sociales et des limites imposées par la conformité. Elles contestent la domination masculine depuis des décennies, mais sont désormais prêtes à revendiquer leur côté vorace, effrayant, voire répulsif. Accepter et revendiquer leur monstruosité devient un acte politique. Les traits identifiés comme monstrueux chez les femmes — connaissance, désir, force, ambition, pouvoir — sont souvent valorisés chez les hommes. Jess Zimmerman se demande ainsi: « Si franchir les frontières nous rend monstrueux, cela signifie-t-il que les monstres, une fois sortis, n’ont plus de frontières? Que se passerait-il si nous découvrions que vivre pleinement de l’autre côté, avec tout ce que nous sommes, signifie vivre pour la première fois? » Une question qui mérite d’être explorée.

Autrice: Sara Mostaccio
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur 
elle.com/it. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.

Tags : féminisme · homme · analyse · Femme