Pourquoi la couleur de l’année 2026 est si décevante ?

Plus les années passent, plus les palettes sont sûres, beiges et étrangement déprimantes. Alors que l’on a besoin de risques et d’imagination. Décryptage.

Chaque année, les grandes marques de peinture dévoilent leur couleur de l’année. Ce sont des dizaines d’annonces étalées d’août à décembre, chacune affirmant que son ton sera celui qui marquera l’année à venir. Pour ceux qui suivent les grandes tendances du design d’intérieur, ces déclarations ne sont pas tant des diktats qu’un véritable baromètre : elles reflètent l’état d’esprit des consommateurs, la culture matérielle et la psychologie du design. Ces derniers mois,la rédaction s’est penchée sur chaque annonce pour 2026, en rencontrant designers, responsables chez les marques de peinture et experts en couleurs. Tout le monde a été interviewé, de la vice-présidente de Pantone Color Institute à l’équipe marketing couleur de Benjamin Moore. Nous avons répertorié chaque teinte, de la « Cloud Dancer » à la « Divine Damson », et publié des articles expliquant les forces culturelles derrière chaque sélection. Maintenant que la saison des annonces est terminée, soyons honnêtes : nous sommes déçues.

Manque de risque

Aucune de ces couleurs ne semble vraiment incarner l’air du temps. Plutôt que de prendre des risques ou de repousser les limites, l’industrie a livré une avalanche de beiges, ponctuée de quelques neutres foncés et d’un blanc controversé. Cloud Dancer de Pantone — un blanc — a immédiatement déclenché une vague de critiques en ligne, certains le qualifiant de « dystopique » ou de « déconnecté » du contexte politique actuel. Les dirigeants de Pantone ont dû préciser que « les tons de peau n’avaient pas été pris en compte dans cette décision ».

Mais Pantone n’est pas la seule à avoir joué la sécurité. Sherwin-Williams a opté pour un « Universal Khaki » et Dutch Boy pour du « Melodious Ivory ». La teinte « Silhouette » de Benjamin Moore est au moins un espresso-charbon intense, mais même celle-ci a été justifiée comme une réponse à la « fatigue des micro-tendances » plutôt que comme une innovation. l’ « Hidden Gem » de Behr — un jade fumé oscillant entre le bleu et le vert — s’est approché le plus d’une proposition inattendue (même si, là encore, elle a été présentée comme un « nouveau neutre »).

Ce que l’on espérait réellement, c’était quelque chose de plus proche de ce que prédisait Mandy Lee, analyste mode et spécialiste des tendances : du bleu bébé, du violet profond, du vert pois. Des nuances qui semblent plus vivantes et captivantes, comme si elles comprenaient que l’on avait parfois besoin de couleurs qui challengent plutôt que de simplement apaiser. Lee a également souligné les choix de Coloro, la branche de WGSN dédiée aux couleurs : ces derniers avaient désigné le « Future Dusk » — un violet sombre tirant sur le bleu, évoquant la liminalité et l’incertitude — comme couleur de 2025 dès mai 2023, presque deux ans avant qu’elle n’apparaisse partout. Même si l’on n’adhère pas à Future Dusk ou aux prévisions de Lee, ces choix prennent en compte l’inquiétude culturelle tout en misant sur le mystère, l’expérimentation et le mouvement vers l’avant — des qualités qui font cruellement défaut à la palette majoritairement beige et axée sur le confort qui domine les couleurs de l’année 2026.

Chaque marque a justifié ses choix avec les mêmes arguments : bien-être, calme, restauration, anti-tendance. Si l’envie d’offrir du réconfort en période de chaos se comprend, reste que le design est aussi censé inspirer, surprendre et donner une sorte de but à viser. Quand toute l’industrie converge vers des variations de beige et se justifie en disant que nous sommes tous trop fatigués pour des teintes plus audacieuses, on a l’impression de « designer pour la défaite ». Après avoir couvert toutes ces histoires et parlé à chacun des acteurs, une question s’impose : quand avons-nous décidé que la seule réponse appropriée aux difficultés était de se réfugier dans la neutralité ?

Autrice : Julia Cancilla
Cet article a été traduit et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elledecor.com. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.

Tags : Tendance · analyse
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