« Les femmes ont le droit de vieillir en paix! »: avec Delphine Bachmann, nouveau souffle genevois

15 décembre 2023 · Belinda Gervasoni

Après une carrière dans la santé, elle est élue au Conseil d’État du canton de Genève le 30 avril 2023, où elle est chargée du Département de l’économie et de l’emploi. Entretien.

Elle a cette façon de s’exprimer qu’ont les politiciens. Le ton assuré, un avis tranché, des certitudes, de la retenue lorsqu’on évoque l’intime et une passion profonde pour une fonction qui exige un engagement total. Delphine Bachmann n’est pas femme à se laisser mener. Elle maîtrise son discours comme elle maîtrise ses rôles personnels et professionnels, « comme toutes les femmes! », nous dit-elle. Elle évoque son parcours dans le milieu de la santé, et la politique où le genre, l’expérience, ou l’âge, ont pu, à un moment donné, être un sujet. Aînée d’une famille de sept enfants, elle a été bercée par les débats d’idées, qui l’animent encore aujourd’hui.

ELLE: Réussir dans la vie, ce n’est pas réussir sa vie… Êtes-vous d’accord avec ça?
Delphine Bachmann: C’est un équilibre que l’on doit trouver au fil des années et de l’évolution de son parcours, entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Le fait de réussir pour moi, est d’accepter de faire des concessions dans un sens ou dans un autre quand il le faut, pour ensuite revenir à un équilibre.
 
Et justement votre vie, qu’en pensez-vous?
 J’ai eu beaucoup de chance, je suis née dans une famille aimante, clanique, solidaire, et c’est une grande force. Cet environnement sécurisant m’a aidé à trouver ma place. Les choix que j’ai pu faire et la richesse de mon parcours m’ont permis d’être là où je souhaitais être aujourd’hui.

A lire aussi: Directrice de la Ligue vaudoise contre le cancer: « Mon travail donne un sens à ma vie »
 
Quel parallèle feriez-vous entre votre profession d’infirmière et la politique?
Dans les deux, il faut aimer l’humain, profondément, dans sa diversité. Mon parcours d’infirmière a été très enrichissant, j’ai eu de belles rencontres.

J’ai aussi été confrontée jeune à la souffrance, et à la mort… Au-delà de réaliser la chance que l’on a d’être en bonne santé, cela fait forcément réfléchir à ce qui compte vraiment dans la vie et au sens que l’on veut lui donner.

Qu’est-ce que cela implique pour une femme de faire de la politique?
Cela demande beaucoup à une période de la vie où on exige tout des femmes: la carrière professionnelle, l’engagement politique, le couple, la maternité… La combinaison de tous ces rôles reste difficile. En politique, on s’engage très fort, avec tout ce que l’on est, on est mis sur le devant de la scène et soumis à la critique. Nous avons aussi un devoir d’exemplarité et de transparence. Cela n’est pas facile, mais j’ai toujours réussi à trouver du positif dans la difficulté.
 
Quelles sont les forces dont vous êtes fière?
J’ai de l’empathie, une intelligence émotionnelle, celle de pouvoir saisir ce qu’il se passe dans la relation à l’autre. J’aime les challenges, me prouver que je suis capable de repousser mes limites.

A lire aussi: Stéphanie Mérillat: « Je n’ai jamais été là pour faire mon show »
 
Et vos défauts, ceux que vous aimeriez faire disparaître d’un coup de baguette?
Je suis très franche et je dis les choses comme je le pense. Cela peut être perçu comme un manque de finesse ou de diplomatie. Je suis parfois impatiente et très exigeante envers moi-même comme je le suis envers les autres.
 
Est-ce qu’être jeune en politique est un atout?
On associe beaucoup la jeunesse à un manque d’expérience.

J’ai souvent dû me justifier, alors que sur le papier, j’avais parfois plus d’expérience politique que d’autres. Pourtant l’âge n’est pas un facteur de compétence!

Aujourd’hui, êtes-vous une femme accomplie, en harmonie avec votre être profond?
Je suis beaucoup trop rationnelle pour les connexions avec l’être profond, dont je peine à percevoir le vrai sens! Mais je me sens équilibrée, même si cet équilibre est fragile, cela reste un challenge au quotidien.
 
Vous enfermez-vous dans votre coquille ou avez-vous besoin des vôtres pour surmonter un chagrin?
J’utilise beaucoup le sport comme exutoire. Être avec ma famille reste également une manière de me ressourcer, d’avoir des moments de rire et de simplicité. Mais je suis rarement abattue, je suis très positive, devant une difficulté j’essaie d’aller de l’avant et d’en tirer parti.

A lire aussi: Audrey Leuba, première femme à la tête de l’Université de Genève
 
Qu’est-ce qui pourrait vous interpeller ou vous révolter au quotidien?
Je n’aime pas l’injustice, quelle qu’elle soit.
 
Avez-vous peur de vieillir?
Non, je ne vis pas le temps qui passe comme un vieillissement, mais comme un enrichissement. La société pose un regard plus dur sur les femmes qui vieillissent que sur les hommes. On devrait être plus bienveillant. Les femmes ont le droit de vieillir en paix!
 
Quels sont vos rêves aujourd’hui? Qu’est-ce qui vous fait avancer?
Mes rêves sont assez simples: voir mes enfants grandir dans un monde propice à leur épanouissement. Et j’ai la chance d’être à la tête du Département de l’économie et de l’emploi, donc:

J’espère que mon action politique ces cinq prochaines années permettra à chacun de trouver sa place sur le marché du travail et de dynamiser le tissu économique genevois.

Une devise que vous feriez vôtre?
« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles », de Sénèque.

Tags : interview · politique · Genève

Après une carrière dans la santé, elle est élue au Conseil d’État du canton de Genève le 30 avril 2023, où elle est chargée du Département de l’économie et de l’emploi. Entretien.

Elle a cette façon de s’exprimer qu’ont les politiciens. Le ton assuré, un avis tranché, des certitudes, de la retenue lorsqu’on évoque l’intime et une passion profonde pour une fonction qui exige un engagement total. Delphine Bachmann n’est pas femme à se laisser mener. Elle maîtrise son discours comme elle maîtrise ses rôles personnels et professionnels, « comme toutes les femmes! », nous dit-elle. Elle évoque son parcours dans le milieu de la santé, et la politique où le genre, l’expérience, ou l’âge, ont pu, à un moment donné, être un sujet. Aînée d’une famille de sept enfants, elle a été bercée par les débats d’idées, qui l’animent encore aujourd’hui.

ELLE: Réussir dans la vie, ce n’est pas réussir sa vie… Êtes-vous d’accord avec ça?
Delphine Bachmann: C’est un équilibre que l’on doit trouver au fil des années et de l’évolution de son parcours, entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Le fait de réussir pour moi, est d’accepter de faire des concessions dans un sens ou dans un autre quand il le faut, pour ensuite revenir à un équilibre.
 
Et justement votre vie, qu’en pensez-vous?
 J’ai eu beaucoup de chance, je suis née dans une famille aimante, clanique, solidaire, et c’est une grande force. Cet environnement sécurisant m’a aidé à trouver ma place. Les choix que j’ai pu faire et la richesse de mon parcours m’ont permis d’être là où je souhaitais être aujourd’hui.

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Quel parallèle feriez-vous entre votre profession d’infirmière et la politique?
Dans les deux, il faut aimer l’humain, profondément, dans sa diversité. Mon parcours d’infirmière a été très enrichissant, j’ai eu de belles rencontres.

J’ai aussi été confrontée jeune à la souffrance, et à la mort… Au-delà de réaliser la chance que l’on a d’être en bonne santé, cela fait forcément réfléchir à ce qui compte vraiment dans la vie et au sens que l’on veut lui donner.

Qu’est-ce que cela implique pour une femme de faire de la politique?
Cela demande beaucoup à une période de la vie où on exige tout des femmes: la carrière professionnelle, l’engagement politique, le couple, la maternité… La combinaison de tous ces rôles reste difficile. En politique, on s’engage très fort, avec tout ce que l’on est, on est mis sur le devant de la scène et soumis à la critique. Nous avons aussi un devoir d’exemplarité et de transparence. Cela n’est pas facile, mais j’ai toujours réussi à trouver du positif dans la difficulté.
 
Quelles sont les forces dont vous êtes fière?
J’ai de l’empathie, une intelligence émotionnelle, celle de pouvoir saisir ce qu’il se passe dans la relation à l’autre. J’aime les challenges, me prouver que je suis capable de repousser mes limites.

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Et vos défauts, ceux que vous aimeriez faire disparaître d’un coup de baguette?
Je suis très franche et je dis les choses comme je le pense. Cela peut être perçu comme un manque de finesse ou de diplomatie. Je suis parfois impatiente et très exigeante envers moi-même comme je le suis envers les autres.
 
Est-ce qu’être jeune en politique est un atout?
On associe beaucoup la jeunesse à un manque d’expérience.

J’ai souvent dû me justifier, alors que sur le papier, j’avais parfois plus d’expérience politique que d’autres. Pourtant l’âge n’est pas un facteur de compétence!

Aujourd’hui, êtes-vous une femme accomplie, en harmonie avec votre être profond?
Je suis beaucoup trop rationnelle pour les connexions avec l’être profond, dont je peine à percevoir le vrai sens! Mais je me sens équilibrée, même si cet équilibre est fragile, cela reste un challenge au quotidien.
 
Vous enfermez-vous dans votre coquille ou avez-vous besoin des vôtres pour surmonter un chagrin?
J’utilise beaucoup le sport comme exutoire. Être avec ma famille reste également une manière de me ressourcer, d’avoir des moments de rire et de simplicité. Mais je suis rarement abattue, je suis très positive, devant une difficulté j’essaie d’aller de l’avant et d’en tirer parti.

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Qu’est-ce qui pourrait vous interpeller ou vous révolter au quotidien?
Je n’aime pas l’injustice, quelle qu’elle soit.
 
Avez-vous peur de vieillir?
Non, je ne vis pas le temps qui passe comme un vieillissement, mais comme un enrichissement. La société pose un regard plus dur sur les femmes qui vieillissent que sur les hommes. On devrait être plus bienveillant. Les femmes ont le droit de vieillir en paix!
 
Quels sont vos rêves aujourd’hui? Qu’est-ce qui vous fait avancer?
Mes rêves sont assez simples: voir mes enfants grandir dans un monde propice à leur épanouissement. Et j’ai la chance d’être à la tête du Département de l’économie et de l’emploi, donc:

J’espère que mon action politique ces cinq prochaines années permettra à chacun de trouver sa place sur le marché du travail et de dynamiser le tissu économique genevois.

Une devise que vous feriez vôtre?
« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles », de Sénèque.

Tags : interview · politique · Genève