Pourquoi les années 1990 suscitent-elles tant de nostalgie

C’est l’époque qui nous a béni de la présence des Spice Girls, de Kate Moss et du film Trainspotting (1996). 30 ans plus tard, l’écrivaine Lauren Cochrane explore chez ELLE pourquoi notre obsession des années 1990 n’est pas prête de s’arrêter.

« Te souviens-tu de la première fois? », chantait en 1994 Jarvis Cocker, membre du célèbre groupe de rock britannique Pulp. Si 30 ans plus tard, la question ne semble plus aussi pertinente, ce qui reste certain c’est que l’époque est aujourd’hui devenue cruciale.

Pour cause. 2023 a été une année où nous n’avons pas arrêté de regarder en arrière. Dans la réjouissance qu’a suscité ce retour dans le passé, l’an 2000 et la période 2007 (bonjour Saltburn (2023)) ont régné en maître. Mais ce sont surtout les années 1990 – décennie où Jarvis Cocker était à son apogée – qui sont devenues l’époque préférées des nostalgiques.

Et le triomphe de cette époque devrait se poursuivre en 2024. Des t-shirts pour bébés aux lunettes geek chic, attendez-vous à ce que les tendances régressives pullulent sur vos plateformes sociales, en marge de la hype vintage des créations de Vivienne Westwood, Jean Paul Gaultier ou encore Helmut Lang. Dans les autres griffes de luxe s’apprêtant à faire de l’œil aux amoureux du rétro, Miu Miu – marque fondée par Miuccia Prada en 1993 – qui est depuis plusieurs mois considérée comme la marque la plus cool du monde, selon les analystes mode Lyst. Notamment grâce à la tendance des pantalons larges (favori de Miuccia Prada) portés sous des jupes transparentes qui ont illuminé les collections de la Maison italienne en 1995. Dans le même temps, Diesel, marque préférée des années 1990, a également connu une récente résurgence improbable sous la houlette de Glenn Martens, après des années d’absence dans le monde de la mode.

A lire aussi: Vivienne Westwood adorait les tissus suisses

À l’aube de la troisième décennie de l’ère digitale, il est logique que nous regardions en arrière.

Cette mode ne compte pas s’arrêter aux styles vestimentaires. En 2024, les réflexes beauté seront tout autant truffés de références aux années 1990. Les cheveux de Christy Turlington – en couches mi-longues et rebondies – sont déjà considérés comme la coupe à adopter pour les mois à venir. Les comptes Instagram dédiés aux filles cool de cette époque, notamment Carolyn Bessette Kennedy (en photo ci-dessous) et Winona Ryder, ont vu leur nombre d’abonnés Instagram grimper en flèche, tandis que Sofia Coppola, revenue sur le devant de la scène en janvier 2024 avec son film Priscilla, figure également sur le moodboard de la nouvelle année, à l’instar de son film Virgin Suicides dévoilé en 1999 (référence à la collection printemps/été 2024 de Sandy Liang).

Le monde de la culture ne sera pas en reste. Le reboot par Netflix de One Day (2008) de David Nicholls (dont la majeure partie se déroule dans les années 1990) sera diffusé en février 2024 tout comme Gladiators (2024) qui reviendra sur BBC One. La musique peut également s’attendre à un retour de certains géants de cette décennie: Green Day a dernièrement annoncé se reformer pour partir en tournée, tandis que Shaznay Lewis – le cerveau du groupe All Saints des années 1990 – revient avec un single ce mois-ci. Le prince du R&B 100% ninties Usher, participera quant à lui au spectacle de la mi-temps du Super Bowl en février 2024 également.

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Attendez-vous par ailleurs à ce que le rave et le UK Garage connaissent une résurgence grâce aux samples des années 1990 utilisés par PinkPantheress, qui sera en tournée en février 2024. Le renouveau des cette époque se poursuivra avec des artistes de la génération Z comme Wisp et L’Rain.

Temps rassurant

Cette passion des temps passés s’explique. Dans un monde où le cycle de l’information ne semble apporter que des bouleversements, où chacun, au sortant d’une pandémie mondiale, se retrouve confronté à une crise du coût de la vie, le présent peut paraître effrayant. S’accrocher aux cultures antérieures a ainsi l’avantage de rassurer, puisque – contrairement au présent – on sait exactement comment les choses vont se passer.

Après trois décennies, les choses ne sont plus démodées. Au contraire, elles suscitent l’intérêt.

Notre intérêt pour les années 1990 se comprend en partie par la théorie des 30 ans de nostalgie. Laquelle veut que les choses commencent à paraître intéressantes plutôt que démodées au bout de trois décennies. Les années 1990 ont également été une période extrêmement riche sur le plan culturel: Aaliyah, Trainspotting, Tracey Emin, Nirvana, Chloë Sevigny, Lil’ Kim, Brit Pop. La mode allait du minimalisme de Martin Margiela, Helmut Lang et Jil Sander aux références à la culture pop de Marc Jacobs et Miuccia Prada, en passant par l’innovation de Vivienne Westwood et Alexander McQueen. Sans parler des Spice Girls, de Kate Moss, de Friends et des top-modèles du clip Freedom! de George Michael en 1990.

D’autant plus que les années 1990 n’est pas seulement l’apanage de la génération X et des milléniaux qui ont réellement vécu cette époque. Un rapport publié en 2023 par GWI, expert en tendances de consommation a révélé que 40 % des membres de la génération Z se sentaient nostalgiques de cette décennie, bien que la majorité d’entre eux – préparez-vous à vous sentir vieux – n’étaient même pas nés pendant cette période.

Si les années 1980 ou 1960, par exemple, sont toutes aussi fascinantes, elles semblent cependant bien trop lointaines pour occasionner la même passion générale. En 2024, s’identifier aux années 1990 permet plus facilement de se demander « ce qu’aurait pu être » notre époque. Car il s’agit de la dernière décennie avant que la diffusion de la culture numérique ne change nos vies pour toujours. Pour ceux qui ont grandi avec MSN, Tumblr ou encore Skyblog, les années 1990 suscitent un certain sentiment de nostalgie – celui d’une vie où le soir de semaine n’impliquait pas la gestion de trois chats de groupe en même temps, le visionnage sous-titré de la dernière série télévisée qui fait le buzz et l’écoute d’un podcast culte en accéléré.

Bref. C’était l’époque d’avant les caméscopes, d’avant le « si vous ne l’avez publié, c’est qu’il n’a pas existé », où les photographies étaient plus rares, et les visages photographiques encore plus. À l’aube de la troisième décennie de la vie à travers les écrans, il est logique que nous nous remémorions cette époque révolue.

Autrice: Lauren Cochrane
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com/uk. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.

Tags : rétro · style

C’est l’époque qui nous a béni de la présence des Spice Girls, de Kate Moss et du film Trainspotting (1996). 30 ans plus tard, l’écrivaine Lauren Cochrane explore chez ELLE pourquoi notre obsession des années 1990 n’est pas prête de s’arrêter.

« Te souviens-tu de la première fois? », chantait en 1994 Jarvis Cocker, membre du célèbre groupe de rock britannique Pulp. Si 30 ans plus tard, la question ne semble plus aussi pertinente, ce qui reste certain c’est que l’époque est aujourd’hui devenue cruciale.

Pour cause. 2023 a été une année où nous n’avons pas arrêté de regarder en arrière. Dans la réjouissance qu’a suscité ce retour dans le passé, l’an 2000 et la période 2007 (bonjour Saltburn (2023)) ont régné en maître. Mais ce sont surtout les années 1990 – décennie où Jarvis Cocker était à son apogée – qui sont devenues l’époque préférées des nostalgiques.

Et le triomphe de cette époque devrait se poursuivre en 2024. Des t-shirts pour bébés aux lunettes geek chic, attendez-vous à ce que les tendances régressives pullulent sur vos plateformes sociales, en marge de la hype vintage des créations de Vivienne Westwood, Jean Paul Gaultier ou encore Helmut Lang. Dans les autres griffes de luxe s’apprêtant à faire de l’œil aux amoureux du rétro, Miu Miu – marque fondée par Miuccia Prada en 1993 – qui est depuis plusieurs mois considérée comme la marque la plus cool du monde, selon les analystes mode Lyst. Notamment grâce à la tendance des pantalons larges (favori de Miuccia Prada) portés sous des jupes transparentes qui ont illuminé les collections de la Maison italienne en 1995. Dans le même temps, Diesel, marque préférée des années 1990, a également connu une récente résurgence improbable sous la houlette de Glenn Martens, après des années d’absence dans le monde de la mode.

A lire aussi: Vivienne Westwood adorait les tissus suisses

À l’aube de la troisième décennie de l’ère digitale, il est logique que nous regardions en arrière.

Cette mode ne compte pas s’arrêter aux styles vestimentaires. En 2024, les réflexes beauté seront tout autant truffés de références aux années 1990. Les cheveux de Christy Turlington – en couches mi-longues et rebondies – sont déjà considérés comme la coupe à adopter pour les mois à venir. Les comptes Instagram dédiés aux filles cool de cette époque, notamment Carolyn Bessette Kennedy (en photo ci-dessous) et Winona Ryder, ont vu leur nombre d’abonnés Instagram grimper en flèche, tandis que Sofia Coppola, revenue sur le devant de la scène en janvier 2024 avec son film Priscilla, figure également sur le moodboard de la nouvelle année, à l’instar de son film Virgin Suicides dévoilé en 1999 (référence à la collection printemps/été 2024 de Sandy Liang).

Le monde de la culture ne sera pas en reste. Le reboot par Netflix de One Day (2008) de David Nicholls (dont la majeure partie se déroule dans les années 1990) sera diffusé en février 2024 tout comme Gladiators (2024) qui reviendra sur BBC One. La musique peut également s’attendre à un retour de certains géants de cette décennie: Green Day a dernièrement annoncé se reformer pour partir en tournée, tandis que Shaznay Lewis – le cerveau du groupe All Saints des années 1990 – revient avec un single ce mois-ci. Le prince du R&B 100% ninties Usher, participera quant à lui au spectacle de la mi-temps du Super Bowl en février 2024 également.

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Attendez-vous par ailleurs à ce que le rave et le UK Garage connaissent une résurgence grâce aux samples des années 1990 utilisés par PinkPantheress, qui sera en tournée en février 2024. Le renouveau des cette époque se poursuivra avec des artistes de la génération Z comme Wisp et L’Rain.

Temps rassurant

Cette passion des temps passés s’explique. Dans un monde où le cycle de l’information ne semble apporter que des bouleversements, où chacun, au sortant d’une pandémie mondiale, se retrouve confronté à une crise du coût de la vie, le présent peut paraître effrayant. S’accrocher aux cultures antérieures a ainsi l’avantage de rassurer, puisque – contrairement au présent – on sait exactement comment les choses vont se passer.

Après trois décennies, les choses ne sont plus démodées. Au contraire, elles suscitent l’intérêt.

Notre intérêt pour les années 1990 se comprend en partie par la théorie des 30 ans de nostalgie. Laquelle veut que les choses commencent à paraître intéressantes plutôt que démodées au bout de trois décennies. Les années 1990 ont également été une période extrêmement riche sur le plan culturel: Aaliyah, Trainspotting, Tracey Emin, Nirvana, Chloë Sevigny, Lil’ Kim, Brit Pop. La mode allait du minimalisme de Martin Margiela, Helmut Lang et Jil Sander aux références à la culture pop de Marc Jacobs et Miuccia Prada, en passant par l’innovation de Vivienne Westwood et Alexander McQueen. Sans parler des Spice Girls, de Kate Moss, de Friends et des top-modèles du clip Freedom! de George Michael en 1990.

D’autant plus que les années 1990 n’est pas seulement l’apanage de la génération X et des milléniaux qui ont réellement vécu cette époque. Un rapport publié en 2023 par GWI, expert en tendances de consommation a révélé que 40 % des membres de la génération Z se sentaient nostalgiques de cette décennie, bien que la majorité d’entre eux – préparez-vous à vous sentir vieux – n’étaient même pas nés pendant cette période.

Si les années 1980 ou 1960, par exemple, sont toutes aussi fascinantes, elles semblent cependant bien trop lointaines pour occasionner la même passion générale. En 2024, s’identifier aux années 1990 permet plus facilement de se demander « ce qu’aurait pu être » notre époque. Car il s’agit de la dernière décennie avant que la diffusion de la culture numérique ne change nos vies pour toujours. Pour ceux qui ont grandi avec MSN, Tumblr ou encore Skyblog, les années 1990 suscitent un certain sentiment de nostalgie – celui d’une vie où le soir de semaine n’impliquait pas la gestion de trois chats de groupe en même temps, le visionnage sous-titré de la dernière série télévisée qui fait le buzz et l’écoute d’un podcast culte en accéléré.

Bref. C’était l’époque d’avant les caméscopes, d’avant le « si vous ne l’avez publié, c’est qu’il n’a pas existé », où les photographies étaient plus rares, et les visages photographiques encore plus. À l’aube de la troisième décennie de la vie à travers les écrans, il est logique que nous nous remémorions cette époque révolue.

Autrice: Lauren Cochrane
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com/uk. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.

Tags : rétro · style