Est-on réellement préparé à renoncer à nos rêves lorsque l’on débute une formation passionnante?
C’est à une plongée dans les années étudiantes d’un groupe d’amis à Sciences Po que nous convie Claire Léost dans son premier et passionnant roman, reflet réaliste de la société des années 90’. Ils sont six – trois garçons et trois filles – et se rencontrent lors de leur rentrée en première année sur les bancs mythiques de cette prestigieuse école française de formation des élites, rue Saint-Guillaume. «Le monde à leurs pieds» est précisément le leur, à la veille des élections de 1995 qui verra la fin du règne de François Mitterrand, du duel entre Chirac et Balladur… Ils sont jeunes, ambitieux et chacun incarne à sa manière un profil assez typé: Louise, banlieusarde fraîchement débarquée dans la capitale; Katel, «seule étudiante noire de sa promotion» venant de Bretagne; Finette, splendide brin de fille assurée; Lucas, séduisant et charismatique syndicaliste de gauche; Stan, bourgeois parisien et visant clairement le sommet de l’État, et Max, jeune homme solitaire de droite, dont la mère est femme de ménage… Tous ambitionnent de se réaliser pleinement grâce à des études engageantes et à un militantisme politique assez incontournable dans ce type de formation. Mais les cartes se trouvent vite rabattues au gré d’alliances, de liaisons et de passions, auxquelles les idéaux ne résistent pas toujours et révélant des personnalités souvent complexes… Lorsque les rêves se confrontent à la réalité, tous ne résistent pas et les accommodements deviennent parfois de mise. Ainsi, grandir, c’est apprendre à renoncer et chacun des personnages attachants de ce roman va l’expérimenter comme les lecteurs le découvrent en les retrouvant vingt ans après lors de l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. «Un monde à leurs pieds»? Rien n’est donc moins sûr dans cette chronique sociale à six voix, qui n’est pas sans rappeler une formidable série datant de 2009 et réalisée par Raoul Peck, «L’école du pouvoir», avec, notamment, Robinson Stévenin, Élodie Navarre, Céline Sallette, Valentin Merlette… Lui aussi mettait en scène un groupe d’étudiants assez ressemblants, évoluant quelques années plus tôt, au sein la prestigieuse école aujourd’hui remise en cause, l’ENA, au moment de l’ascension au pouvoir de François Mitterrand.
Claire Léost, «Le monde à nos pieds», éd. JC Lattès, mars 2019. Claire Léost est directrice générale de CMI France, propriétaire de ELLE).