Caroline Lebar est responsable de la communication de la marque Karl Lagerfeld. Deux ans après le décès du créateur, sort une collection envoûtante, en collaboration avec Aubade.
Elle a travaillé 34 ans aux côtés d’un homme de caractère. Elle a été la femme de l’ombre, parfois dans la lumière d’une icône de la mode. Elle a veillé sur son image scrupuleusement, et a accompagné avec admiration Monsieur Karl Lagerfeld dans tous ses projets. Caroline Lebar a commencé en stage à 19 ans et «sans le bac» aime-t-elle à le rappeler. Elle s’est nourrie intellectuellement de ce créateur inspirant et a grandi à ses côtés, pour devenir l’ange gardien de son image, encore aujourd’hui. Celui qui a incarné un mentor à ses yeux, lui a donné sa chance, parce qu’elle est de cette trempe de femme, qui obtiennent leur statut, à force de travail.
ELLE SUISSE. RÉUSSIR DANS LA VIE, CE N’EST PAS RÉUSSIR SA VIE… ÊTES-VOUS D’ACCORD AVEC ÇA? QUE PENSEZ-VOUS DE VOTRE VIE?
CAROLINE LEBAR. J’ai la chance j’espère, de faire partie de ceux qui peuvent considérer qu’ils ont réussi leur vie, même si elle n’est pas terminée! J’ai une jolie carrière, passionnante, je suis toujours aussi motivée et intéressée qu’il y a 36 ans, je suis toujours aussi amoureuse de mon mari depuis 35 ans, et j’ai un garçon fantastique! Pour moi, réussir sa vie ce n’est pas juste avoir des plans, c’est aussi se laisser guider par sa bonne étoile et avoir la chance que ça marche.
ELLE SUISSE. VOUS ÉVOLUEZ DANS LA MODE, LE LUXE, QU’EST-CE QUE REPRÉSENTE LE LUXE POUR VOUS AUJOURD’HUI?
C.L. Le luxe c’est être bien dans sa vie, c’est faire ce qu’on a envie de faire et être heureux avec ça. Le luxe dans la mode c’est apporter aux gens des choses de qualité, des expériences de qualité, et un service dédié. Et, pour moi personnellement, le luxe c’est aussi bien une balade dans la campagne, qu’acquérir un nouvel objet, luxueux, bien fini, et l’admirer sous toutes ses formes…
ELLE SUISSE. ÊTES-VOUS UNE FEMME ACCOMPLIE, EN HARMONIE AVEC VOTRE ÊTRE PROFOND?
C.L. Non, je m’engueule encore avec moi-même! C’est ce qui fait que je me sens bien et vivante. Devoir relever des challenges, se booster un peu, ça nous fait avancer chaque jour non? On peut toujours espérer plus! Le fait d’être en harmonie avec soi-même signifie qu’on ne change plus d’avis… Moi, je change d’avis toutes les secondes!
ELLE SUISSE. VOUS AVEZ TRAVAILLÉ 34 ANS AVEC KARL LAGERFELD… VOUS ÊTES UNE FEMME FIDÈLE?
C.L. Je me suis surtout accrochée comme une sangsue! Il y a UN homme sur terre qui a cru en moi, c’est Karl! Mais il ne faut pas se leurrer, j’ai beaucoup travaillé pour être là et pour y rester. Il y avait de l’amour véritable, je l’ai aimé, je l’aime toujours d’ailleurs et il me l’a bien rendu. J’ai grandi avec Karl, et on avait une telle complicité, une telle intimité intellectuelle que je le connaissais par cœur! Donc, ça a toujours été assez facile de faire évoluer ses projets dans telle ou telle direction.
ELLE SUISSE. QU’EST-CE QUE ÇA REPRÉSENTE DE CONTINUER SANS LUI?
C.L. C’est une fierté, une immense responsabilité, et un honneur. Cette maison se développe à vitesse grand V, et mon rôle est que ça évolue dans le bon sens. Les goûts que l’on a maintenant, c’est Karl qui les a forgés, donc on sait que les décisions prises sont dans l’esprit de la maison, comme la collaboration de lingerie qui associe la patte de Karl et le savoir-faire d’Aubade par exemple! C’est un projet qui s’est fait naturellement et le résultat est rock et très chic!
ELLE SUISSE. QUELLE A ÉTÉ LA PLUS DURE ÉPREUVE DE VOTRE VIE?
C.L. La perte de Karl… j’ai eu la chance jusqu’alors, de ne pas avoir perdu d’êtres chers. Là, j’ai été totalement dévastée, paralysée… et puis je me suis assez vite remise debout. Il y a des choses dans la vie qui vous guident…
ELLE SUISSE. QU’EST-CE QUI POURRAIT VOUS INTERPELLER OU VOUS RÉVOLTER AU QUOTIDIEN?
C.L. Je suis une grande bouche, toujours en train de râler! Ça peut être pour des détails, je suis maniaque, ou pour quelque chose qui ne répond pas aux exigences de la maison, ou une parole qui n’est pas tenue… Et je ne pardonne pas la trahison! Pour moi, d’un seul coup, cette personne n’existe plus! J’ai filtré les interviews de Karl pendant 22 ans. J’ai un carnet dans lequel sont consignés mes commentaires sur chacun des interviewers: si ça s’était bien passé, si l’article était bon, ou si au contraire les propos de Karl avaient été déformés. Dans ce cas, bien sûr, il n’y avait pas de seconde chance. C’est de l’information bien gérée!
ELLE SUISSE. AVOUEZ-NOUS VOS PLUS BELLES QUALITÉS, LES FORCES DONT VOUS ÊTES FIÈRE.
C.L. Je suis droite, loyale et stable, j’ai le sens du respect.
ELLE SUISSE. AVEZ-VOUS PEUR DE VIEILLIR?
C.L. Il y a 10 ans, je vous aurais dit non, mais maintenant je commence à me regarder d’un peu plus près… Physiquement, je suis plus heureuse maintenant, plus à l’aise avec moi-même. Karl m’a aidé à prendre confiance. Ce qui me fait peur c’est la maladie, la souffrance, l’usure.
ELLE SUISSE. UN «KARLISME» QUE VOUS FERIEZ VÔTRE?
«Personality begins where comparison ends». Il était pragmatique!