Kathryn Bradney

19 janvier 2018 · Modifié · Anne-Marie Philippe

À la fois artiste et manager, ballerine et co-directrice d’une école de danse, Kathryn Bradney vient d’être nommée à la direction du prix de Lausanne. 

La bonne fée de La Belle au bois dormant a dû se pencher sur le berceau de Kathrin Bradney. Elle est belle, intelligente, entreprenante. Les années semblent ne pas avoir prise sur elle. Pourtant sa vie n’a jamais été celle d’une princesse. C’est une vie de travail et de rigueur. On ne devient pas soliste du Béjart Ballet Lausanne, puis maîtresse de ballet, puis vidéaste et codirectrice d’une école de danse, et maintenant directrice associée du prestigieux Prix de Lausanne sans une incroyable discipline et une énergie débordante. On sent cette native du Verseau bien dans sa peau. Preuve que le ballet classique reste une école d’épanouissement personnel.  

Au Prix de Lausanne, une Américaine –plus précisément, une américano-suisse– succède à une Américaine… Le départ en février de Shelly Power appelée à prendre la tête du Pennsylvania Ballet, à Philadelphie, vaut à Kathrin Bradney d’accéder à la direction de ce concours international pour jeunes danseurs (finale au théâtre de Beaulieu, le 3 février); un concours qu’elle connaît bien pour avoir assuré la production et la présentation des retransmissions vidéo sur internet, et pour avoir participé aux présélections, que ce soit à Lausanne ou à Montevideo ! La danse, c’est sa vie. Comme c’est la vie de son mari Igor Piovano avec qui elle fait équipe dans toutes ses entreprises, à commencer par leur école lausannoise, Igokat. « Nous avons débuté avec 70 élèves. Nous en comptons 800 aujourd’hui ! » Enfants, adultes, amateurs, professionnels… de 3 à 75 ans ! Et les professeurs ? « Nous sommes 11, dont 5 issus du Béjart Ballet ».

Le travail qu’ils y font leur a valu, l’automne dernier, un coup de chapeau de la Fondation vaudoise pour la culture. « La reconnaissance que signifie ce Prix de l’Eveil nous a beaucoup touchés », dit-elle. D’autant plus touchés que dans les cercles officiels seule la danse contemporaine a désormais droit de cité ! Tout comme Igor, Kathy a bénéficié d’une formation classique. Dès l’âge de 4 ans ! D’abord en Pennsylvanie, puis en Californie, ensuite dans l’état de New York. A 17 ans, elle est engagée dans le ballet du New York City Opera, puis dans celui de Pittsburgh. Une tournée du Ballet du XXe Siècle amène Maurice Béjart à New York. En manque d’interprètes, il décide de faire une audition. La concurrence est rude : 280 danseurs sont sur les rangs. Kathryn Bradney est retenue. Elle part pour Bruxelles et, l’année suivante, suit Béjart à Lausanne. Elle ne quittera plus cette ville que pour des tournées et des galas. Superbe danseuse à la technique parfaite, elle est distribuée dans toutes les créations du chorégraphe, de Ring um den Ring à La Tour.

C’est à Béjart qu’elle doit d’avoir rencontré Igor Piovano. « Maurice me donnait souvent des duos avec Igor. Mais je dois dire qu’au début nous étions l’un et l’autre sur la réserve. » Elle avait déjà beaucoup de rôles ; il débutait dans la compagnie. Différence de statut, de tempérament… Ils ne se voient que pour travailler, jusqu’au jour où leurs yeux se décillent… En l’an 2000, ils ne résistent pas à l’envie de voler de leurs propres ailes. Ils s’essaient à la chorégraphie, participent à de nombreux galas. Mais Béjart ne les oublie pas. Il leur propose même de revenir pour assurer à deux le poste stratégique de maître de ballet. Les voilà en charge des répétitions et du répertoire. Ce qu’ils font durant 5 saisons. Le désir d’indépendance les reprenant, ils se forment à la vidéo, tant sur le plan technique que sur celui du montage. « Nous avons beaucoup appris de Germaine Cohen, une chef monteuse parisienne, qui a longtemps travaillé avec Béjart. Et nous sommes restés en étroit contact avec elle. Elle a 95 ans et toute sa tête ! »

Lorsque proposition leur est faite de reprendre l’école de Nicole Lieber, au cœur de Lausanne, ils hésitent un peu. Puis foncent. Depuis, Kathy et Igor se démultiplient. Ils filment des spectacles, à Zürich, en France, en Italie… Ils enseignent. Ils chorégraphient. Ils administrent… En fin de semaine, ils reprennent leur souffle dans leur maison du Jorat vaudois. Que ce soit en jouant au billard ou en se baladant avec le chien Micha. — un clin d’œil au grand danseur étoile Mikhail Baryshnikov, dit « Micha » ! « Mais ce golden retriever est un chien danseur, comme par hasard. Il fait des pirouettes et des grands sauts ! »

Toujours très soignée, Kathy n’a pas quitté la scène pour négliger son apparence. Elle conserve son allure de ballerine. « Nous mangeons léger toute la semaine. Pas d’excès de table. Mais nous nous relâchons un peu le dimanche en allant au restaurant. » Un esprit sain dans un corps sain… Une femme de cœur et de tête.

Ne regrette-t-elle pas le temps des tournées, vingt années passées aux quatre coins du monde, maintenant qu’elle a charge d’élèves ? « Le Japon me manque un peu. J’y suis allée 18 fois ! J’en adore les paysages, les gens, la cuisine… » Et les Etats-Unis ? « J’y retourne régulièrement pour voir ma famille. Ma mère et un de mes frères vivent en Caroline du Nord. Mon autre frère et ma sœur en Arizona et dans le Connecticut. » Pas facile à organiser, les repas de famille… Kathy et Igor se rendent aussi souvent que possible en Ligurie. « Une expression du bonheur ? Un bain de mer, chaud ! » Ce qui n’enlève rien à l’attachement de Kathryn à la Suisse. « C’est chez moi. C’est là que j’ai mon mari, ma maison, mes amis, mon entreprise. » Elle a même obtenu le passeport helvétique. « Ma vie aurait été tout autre si je n’avais pas eu la chance de rencontrer Maurice Béjart. Il m’a ouvert tant de portes… »

Tags : Inspiration · Danse · Musique · Femme

À la fois artiste et manager, ballerine et co-directrice d’une école de danse, Kathryn Bradney vient d’être nommée à la direction du prix de Lausanne. 

La bonne fée de La Belle au bois dormant a dû se pencher sur le berceau de Kathrin Bradney. Elle est belle, intelligente, entreprenante. Les années semblent ne pas avoir prise sur elle. Pourtant sa vie n’a jamais été celle d’une princesse. C’est une vie de travail et de rigueur. On ne devient pas soliste du Béjart Ballet Lausanne, puis maîtresse de ballet, puis vidéaste et codirectrice d’une école de danse, et maintenant directrice associée du prestigieux Prix de Lausanne sans une incroyable discipline et une énergie débordante. On sent cette native du Verseau bien dans sa peau. Preuve que le ballet classique reste une école d’épanouissement personnel.  

Au Prix de Lausanne, une Américaine –plus précisément, une américano-suisse– succède à une Américaine… Le départ en février de Shelly Power appelée à prendre la tête du Pennsylvania Ballet, à Philadelphie, vaut à Kathrin Bradney d’accéder à la direction de ce concours international pour jeunes danseurs (finale au théâtre de Beaulieu, le 3 février); un concours qu’elle connaît bien pour avoir assuré la production et la présentation des retransmissions vidéo sur internet, et pour avoir participé aux présélections, que ce soit à Lausanne ou à Montevideo ! La danse, c’est sa vie. Comme c’est la vie de son mari Igor Piovano avec qui elle fait équipe dans toutes ses entreprises, à commencer par leur école lausannoise, Igokat. « Nous avons débuté avec 70 élèves. Nous en comptons 800 aujourd’hui ! » Enfants, adultes, amateurs, professionnels… de 3 à 75 ans ! Et les professeurs ? « Nous sommes 11, dont 5 issus du Béjart Ballet ».

Le travail qu’ils y font leur a valu, l’automne dernier, un coup de chapeau de la Fondation vaudoise pour la culture. « La reconnaissance que signifie ce Prix de l’Eveil nous a beaucoup touchés », dit-elle. D’autant plus touchés que dans les cercles officiels seule la danse contemporaine a désormais droit de cité ! Tout comme Igor, Kathy a bénéficié d’une formation classique. Dès l’âge de 4 ans ! D’abord en Pennsylvanie, puis en Californie, ensuite dans l’état de New York. A 17 ans, elle est engagée dans le ballet du New York City Opera, puis dans celui de Pittsburgh. Une tournée du Ballet du XXe Siècle amène Maurice Béjart à New York. En manque d’interprètes, il décide de faire une audition. La concurrence est rude : 280 danseurs sont sur les rangs. Kathryn Bradney est retenue. Elle part pour Bruxelles et, l’année suivante, suit Béjart à Lausanne. Elle ne quittera plus cette ville que pour des tournées et des galas. Superbe danseuse à la technique parfaite, elle est distribuée dans toutes les créations du chorégraphe, de Ring um den Ring à La Tour.

C’est à Béjart qu’elle doit d’avoir rencontré Igor Piovano. « Maurice me donnait souvent des duos avec Igor. Mais je dois dire qu’au début nous étions l’un et l’autre sur la réserve. » Elle avait déjà beaucoup de rôles ; il débutait dans la compagnie. Différence de statut, de tempérament… Ils ne se voient que pour travailler, jusqu’au jour où leurs yeux se décillent… En l’an 2000, ils ne résistent pas à l’envie de voler de leurs propres ailes. Ils s’essaient à la chorégraphie, participent à de nombreux galas. Mais Béjart ne les oublie pas. Il leur propose même de revenir pour assurer à deux le poste stratégique de maître de ballet. Les voilà en charge des répétitions et du répertoire. Ce qu’ils font durant 5 saisons. Le désir d’indépendance les reprenant, ils se forment à la vidéo, tant sur le plan technique que sur celui du montage. « Nous avons beaucoup appris de Germaine Cohen, une chef monteuse parisienne, qui a longtemps travaillé avec Béjart. Et nous sommes restés en étroit contact avec elle. Elle a 95 ans et toute sa tête ! »

Lorsque proposition leur est faite de reprendre l’école de Nicole Lieber, au cœur de Lausanne, ils hésitent un peu. Puis foncent. Depuis, Kathy et Igor se démultiplient. Ils filment des spectacles, à Zürich, en France, en Italie… Ils enseignent. Ils chorégraphient. Ils administrent… En fin de semaine, ils reprennent leur souffle dans leur maison du Jorat vaudois. Que ce soit en jouant au billard ou en se baladant avec le chien Micha. — un clin d’œil au grand danseur étoile Mikhail Baryshnikov, dit « Micha » ! « Mais ce golden retriever est un chien danseur, comme par hasard. Il fait des pirouettes et des grands sauts ! »

Toujours très soignée, Kathy n’a pas quitté la scène pour négliger son apparence. Elle conserve son allure de ballerine. « Nous mangeons léger toute la semaine. Pas d’excès de table. Mais nous nous relâchons un peu le dimanche en allant au restaurant. » Un esprit sain dans un corps sain… Une femme de cœur et de tête.

Ne regrette-t-elle pas le temps des tournées, vingt années passées aux quatre coins du monde, maintenant qu’elle a charge d’élèves ? « Le Japon me manque un peu. J’y suis allée 18 fois ! J’en adore les paysages, les gens, la cuisine… » Et les Etats-Unis ? « J’y retourne régulièrement pour voir ma famille. Ma mère et un de mes frères vivent en Caroline du Nord. Mon autre frère et ma sœur en Arizona et dans le Connecticut. » Pas facile à organiser, les repas de famille… Kathy et Igor se rendent aussi souvent que possible en Ligurie. « Une expression du bonheur ? Un bain de mer, chaud ! » Ce qui n’enlève rien à l’attachement de Kathryn à la Suisse. « C’est chez moi. C’est là que j’ai mon mari, ma maison, mes amis, mon entreprise. » Elle a même obtenu le passeport helvétique. « Ma vie aurait été tout autre si je n’avais pas eu la chance de rencontrer Maurice Béjart. Il m’a ouvert tant de portes… »

Tags : Inspiration · Danse · Musique · Femme