Nathalie Seyer-Hayez

Nathalie Seiler-Hayez dirige le palace lausannois depuis plus de deux ans. Elles ne sont que trois à régner sur un 5-etoiles suisse. Interview.

Vous avez été la première femme en Suisse à prendre la direction d’un 5-étoiles, en 2015. Il y en a aujourd’hui deux autres, au Schweizerhof à Berne et au Mirador, au Mont-Pèlerin (VD). Leur avez-vous ouvert la voie?

Le manque de femme à ce poste dans l’hôtellerie est très lié au fait que le job demande énormément de présence, surtout au début où l’on commence souvent par la restauration. Mener une vie de famille est alors compliqué. Ce n’était pas mon cas, je suis partie du commercial. Ce qui m’a vraiment aidée, c’est d’avoir rencontré mon prince charmant assez tard, à 33 ans. Un an après, je prenais mon premier poste de direction et je tombais enceinte.

Est-ce qu’il y a une façon féminine de diriger un hôtel de 400 employés?

Pendant des années, la direction d’un grand établissement s’est faite de façon très pyramidale. C’est encore un peu le cas en cuisine, où règne le «oui chef!» Diriger 400 employés, c’est mener une vraie entreprise. Mais les mœurs évoluent vers des structures plus horizontales. Un comité de direction m’épaule.Dans l’hôtellerie, on reste connecté en permanence. Dès lors, il faut clarifier sa communication interne et protéger son personnel. Si j’envoie un e-mail le week-end, je n’attends pas une réponse immmédiate.

Quelle est votre recette?

On n’est pas des robots. Il faut donner aux cadres des outils pour mieux gérer le stress. Je crois en la force d’une équipe. Pour cela, il faut mieux se connaître. Il ne faut pas avoir peur de dire: j’ai besoin d’aide. Il faut mieux utiliser les talents particuliers de chacun. C’est cela le nouveau management qui a beaucoup à voir avec le savoir-être. Il faut de l’empathie et remettre l’humain au centre. La profitabilité en découlera forcément. Récemment, nous sommes partis deux jours en séminaire de direction à Evian sur le thème de la résilience: comment apprendre à gérer son cœur, son corps et son esprit. Quand un client repart de l’hôtel, il emporte avec lui un souvenir, pas un simple objet qu’il a peut-être acheté très cher. Nous créons des émotions. Or, une femme a probablement une dimension émotionnelle plus importante, même si certains hommes l’ont aussi. Nous sommes là pour développer des talents et non pour critiquer ce qui ne va pas. Il faut que l’employé au contact de la clientèle puisse s’exprimer. Le manager doit être capable de gérer seul un problème, de dire au client: je vous offre une coupe de champagne. Il doit posséder une marge de manœuvre. Il faut le responsabiliser.

Avez-vous augmenté le quota de femmes depuis votre arrivée?

Le quota n’a pas augmenté. L’essentiel est d’avoir des gens passionnés qui aiment leur métier. Dans le service en chambre, ils travaillent toujours en binôme, une femme de chambre et un portier d’étage. Il y a parfois de lourdes charges à transporter. Avoir un partenaire homme , c’est précieux. Mais peu d’hôtels le font.

Avec Anne-Sophie Pic, le Beau-Rivage a même un duo féminin à sa tête.
Est-ce unique?

Auparavant j’ai dirigé le Connaught à Londres. J’avais aussi une cheffe de cuisine, Hélène Darroze, deux étoiles au Michelin! C’est amusant.

L’hôtellerie doit vivre avec la nouvelle concurrence d’Airbnb…

Dans le monde du luxe, nous avons affaire à des clients qui ne veulent plus se mélanger à d’autres hôtes. Ils veulent une maison de rêve pour dix personnes et pouvoir vivre ainsi. C’est une vraie concurrence. Airbnb a même lancé sa propre conciergerie. Elle peut leur organiser des dîners, réserver des places au théâtre, commander une limousine. 

Vous avez fait connaissance de votre mari quand il était concierge dans le même établissement, l’Hôtel du Louvre à Paris. Vous étiez donc son chef?

Notre relation a commencé alors que j’étais sous-directrice, peu après je prenais le poste de directrice d’un boutique-hôtel à Paris. Mon mari vient de Deauville, mais il est très Parisien. Ensuite, nous sommes partis à Bordeaux, où j’ai ouvert le Grand Hôtel, alors que lui ouvrait une structure de conciergerie privée. Puis je suis partie pour Londres, alors que lui travaillait à Paris. Deux fois par semaine, il prenait l’Eurostar. Il est venu par la suite s’installer à Londres. Aujourd’hui, il travaille à Vevey, chez Nestlé.

Vous avez un garçon de 12 ans et une fille de 8 ans, comment gérez-vous la vie de famille?

C’est une question d’organisation, je préserve mes week-ends. Si l’on doit m’appeler tout le temps, c’est que je n’ai pas de bons collaborateurs. Il y a des exceptions, par exemple pour l’arrivée d’Emmanuel Macron, lors de la candidature de Paris aux JO d’été. Le couple présidentiel a dormi au Beau-Rivage. J’ai été conquise par la présence et l’intelligence émotionnelle du président. Il ne se contente pas de serrer des mains, il prend le temps d’avoir un vrai dialogue. Brigitte Macron est aussi charmante. Je les ai trouvés très amoureux, de petits gestes le trahissent. En partant il m’a dit: «Je vous la confie, prenez-en soin!» J’ai voulu leur donner un maximum d’âme et de chaleur.

Vous avez aussi reçu le président chinois…

Dans un genre différent, nous avons reçu le président Xi Jinping l’an dernier, à son retour de Davos, invité par le président du CIO, Thomas Bach. Le service de sécurité était très présent. Le numéro 1 chinois a débarqué de sa limousine à l’abri d’une tente et de la vue des curieux, jusqu’à l’ascenseur tout calfeutré, comme sa suite. Des tireurs d’élite étaient dans le parc. En partant, j’ai dit à son épouse que c’était dommage qu’ils n’avaient pas pu profiter pleinement de la vue…

Avez-vous le temps d’avoir un hobby?

Je cours chaque jour pendant 40 minutes. A Ouchy, c’est l’idéal. J’en ai vraiment besoin. Dès le lundi, je bloque mes créneaux «sport». C’est essentiel à mon équilibre. Il faut savoir lâcher prise et décoller de ses problèmes. Ne pas rester le nez dans le guidon. Il faut montrer la voie à son personnel! L’automne dernier, j’ai couru le marathon de New York avec mon mari. Le premier marathon et peut-être pas le dernier…

Tags : Inspiration · Lausanne · Hôtels · Femme

Nathalie Seiler-Hayez dirige le palace lausannois depuis plus de deux ans. Elles ne sont que trois à régner sur un 5-etoiles suisse. Interview.

Vous avez été la première femme en Suisse à prendre la direction d’un 5-étoiles, en 2015. Il y en a aujourd’hui deux autres, au Schweizerhof à Berne et au Mirador, au Mont-Pèlerin (VD). Leur avez-vous ouvert la voie?

Le manque de femme à ce poste dans l’hôtellerie est très lié au fait que le job demande énormément de présence, surtout au début où l’on commence souvent par la restauration. Mener une vie de famille est alors compliqué. Ce n’était pas mon cas, je suis partie du commercial. Ce qui m’a vraiment aidée, c’est d’avoir rencontré mon prince charmant assez tard, à 33 ans. Un an après, je prenais mon premier poste de direction et je tombais enceinte.

Est-ce qu’il y a une façon féminine de diriger un hôtel de 400 employés?

Pendant des années, la direction d’un grand établissement s’est faite de façon très pyramidale. C’est encore un peu le cas en cuisine, où règne le «oui chef!» Diriger 400 employés, c’est mener une vraie entreprise. Mais les mœurs évoluent vers des structures plus horizontales. Un comité de direction m’épaule.Dans l’hôtellerie, on reste connecté en permanence. Dès lors, il faut clarifier sa communication interne et protéger son personnel. Si j’envoie un e-mail le week-end, je n’attends pas une réponse immmédiate.

Quelle est votre recette?

On n’est pas des robots. Il faut donner aux cadres des outils pour mieux gérer le stress. Je crois en la force d’une équipe. Pour cela, il faut mieux se connaître. Il ne faut pas avoir peur de dire: j’ai besoin d’aide. Il faut mieux utiliser les talents particuliers de chacun. C’est cela le nouveau management qui a beaucoup à voir avec le savoir-être. Il faut de l’empathie et remettre l’humain au centre. La profitabilité en découlera forcément. Récemment, nous sommes partis deux jours en séminaire de direction à Evian sur le thème de la résilience: comment apprendre à gérer son cœur, son corps et son esprit. Quand un client repart de l’hôtel, il emporte avec lui un souvenir, pas un simple objet qu’il a peut-être acheté très cher. Nous créons des émotions. Or, une femme a probablement une dimension émotionnelle plus importante, même si certains hommes l’ont aussi. Nous sommes là pour développer des talents et non pour critiquer ce qui ne va pas. Il faut que l’employé au contact de la clientèle puisse s’exprimer. Le manager doit être capable de gérer seul un problème, de dire au client: je vous offre une coupe de champagne. Il doit posséder une marge de manœuvre. Il faut le responsabiliser.

Avez-vous augmenté le quota de femmes depuis votre arrivée?

Le quota n’a pas augmenté. L’essentiel est d’avoir des gens passionnés qui aiment leur métier. Dans le service en chambre, ils travaillent toujours en binôme, une femme de chambre et un portier d’étage. Il y a parfois de lourdes charges à transporter. Avoir un partenaire homme , c’est précieux. Mais peu d’hôtels le font.

Avec Anne-Sophie Pic, le Beau-Rivage a même un duo féminin à sa tête.
Est-ce unique?

Auparavant j’ai dirigé le Connaught à Londres. J’avais aussi une cheffe de cuisine, Hélène Darroze, deux étoiles au Michelin! C’est amusant.

L’hôtellerie doit vivre avec la nouvelle concurrence d’Airbnb…

Dans le monde du luxe, nous avons affaire à des clients qui ne veulent plus se mélanger à d’autres hôtes. Ils veulent une maison de rêve pour dix personnes et pouvoir vivre ainsi. C’est une vraie concurrence. Airbnb a même lancé sa propre conciergerie. Elle peut leur organiser des dîners, réserver des places au théâtre, commander une limousine. 

Vous avez fait connaissance de votre mari quand il était concierge dans le même établissement, l’Hôtel du Louvre à Paris. Vous étiez donc son chef?

Notre relation a commencé alors que j’étais sous-directrice, peu après je prenais le poste de directrice d’un boutique-hôtel à Paris. Mon mari vient de Deauville, mais il est très Parisien. Ensuite, nous sommes partis à Bordeaux, où j’ai ouvert le Grand Hôtel, alors que lui ouvrait une structure de conciergerie privée. Puis je suis partie pour Londres, alors que lui travaillait à Paris. Deux fois par semaine, il prenait l’Eurostar. Il est venu par la suite s’installer à Londres. Aujourd’hui, il travaille à Vevey, chez Nestlé.

Vous avez un garçon de 12 ans et une fille de 8 ans, comment gérez-vous la vie de famille?

C’est une question d’organisation, je préserve mes week-ends. Si l’on doit m’appeler tout le temps, c’est que je n’ai pas de bons collaborateurs. Il y a des exceptions, par exemple pour l’arrivée d’Emmanuel Macron, lors de la candidature de Paris aux JO d’été. Le couple présidentiel a dormi au Beau-Rivage. J’ai été conquise par la présence et l’intelligence émotionnelle du président. Il ne se contente pas de serrer des mains, il prend le temps d’avoir un vrai dialogue. Brigitte Macron est aussi charmante. Je les ai trouvés très amoureux, de petits gestes le trahissent. En partant il m’a dit: «Je vous la confie, prenez-en soin!» J’ai voulu leur donner un maximum d’âme et de chaleur.

Vous avez aussi reçu le président chinois…

Dans un genre différent, nous avons reçu le président Xi Jinping l’an dernier, à son retour de Davos, invité par le président du CIO, Thomas Bach. Le service de sécurité était très présent. Le numéro 1 chinois a débarqué de sa limousine à l’abri d’une tente et de la vue des curieux, jusqu’à l’ascenseur tout calfeutré, comme sa suite. Des tireurs d’élite étaient dans le parc. En partant, j’ai dit à son épouse que c’était dommage qu’ils n’avaient pas pu profiter pleinement de la vue…

Avez-vous le temps d’avoir un hobby?

Je cours chaque jour pendant 40 minutes. A Ouchy, c’est l’idéal. J’en ai vraiment besoin. Dès le lundi, je bloque mes créneaux «sport». C’est essentiel à mon équilibre. Il faut savoir lâcher prise et décoller de ses problèmes. Ne pas rester le nez dans le guidon. Il faut montrer la voie à son personnel! L’automne dernier, j’ai couru le marathon de New York avec mon mari. Le premier marathon et peut-être pas le dernier…

Tags : Inspiration · Lausanne · Hôtels · Femme