Dua Lipa est la dernière star à admettre avoir un astrologue personnel plutôt qu’un thérapeute, à l’instar de nombreuses autres personnes en Suisse et dans le monde. Mais quelle est la différence? Et à quoi faut-il faire attention? Analyse.
À l’âge de 15 ans, Rosie Cutter a vécu une expérience marquante: lors d’une séance de chiromancie, on lui a révélé qu’elle n’avait jamais rencontré sa mère biologique. « Comment cette femme que je n’avais jamais vue pouvait-elle savoir cela en regardant simplement ma main? », s’est-elle alors interrogée, comme elle l’explique à ELLE depuis son domicile à Aspen, dans le Colorado, aux Etats-Unis. 24 ans plus tard, celle adoptée à la naissance est devenue l’astrologue attitrée de Dua Lipa, parmi bien d’autres stars. Au cours des onze dernières années, Rosie Cutter a réalisé plus de 1000 consultations annuelles. Sa spécialité, perfectionnée durant sa vingtaine entre Hawaï et Ibiza, combine l’astrologie traditionnelle avec la lecture des Cartes du Destin et du Design Humain.
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La renommée de Rosie Cutter, fondée sur des pratiques qu’elle garde confidentielles, est sollicitée par une multitude de « grandes entreprises, fortunes et politiciens », nous précise-t-elle. Cette position de choix l’a placée au cœur de la nouvelle vague des conseillers spirituels, qui utilisent l’astrologie pour guider leur prestigieuse clientèle. Alors qu’autrefois, les riches et célèbres trouvaient force et réconfort dans la religion ou la thérapie conventionnelle ; aujourd’hui, ils se tournent vers l’astrologie.
Prenons l’exemple de Dua Lipa, lauréate d’un Grammy Award et future tête d’affiche du Pyramid Stage à Glastonbury. Lors d’une récente apparition sur le podcast Dish, la chanteuse londonienne a rejoint la liste croissante de célébrités vantant les mérites de l’astrologie, en révélant qu’elle préfèrait consulter un astrologue plutôt qu’un thérapeute. Elle s’inscrit ainsi dans la lignée de l’ancienne première dame Nancy Reagan, fervente adepte de son astrologue Joan Quigley, qu’elle avait rencontrée sur le plateau de The Merv Griffin Show. Dans ses mémoires, À mon tour (1989), L’ex-Première dame des Etats-Unis confie avoir sollicité Joan Quigley après la tentative d’assassinat contre le 40e Président américaine Ronald Reagan en 1981: « J’ai peur chaque fois qu’il quitte la maison », lui aurait-elle dit, avant de demander des conseils sur le calendrier des déplacements de son mari. Peu de temps après, le New York Post titrait « Un astrologue dirige la Maison Blanche ». La capacité des astrologues à prédire les mouvements planétaires a même été exploitée pour amasser des fortunes ; comme le financier américain JP Morgan l’a un jour affirmé.
Période d’incertitude
L’intérêt croissant pour les questionnements célestes est indéniable. Selon un récent rapport d’Allied Market Research, l’industrie astrologique, évaluée à 12,8 milliards de dollars (11,7 milliards de francs suisses) en 2021, devrait atteindre 22,8 milliards de dollars (20,8 milliards de francs suisses) d’ici 2031. Sur TikTok, Instagram, et diverses réseaux sociaux, des conseils astrologiques affluent de toutes parts. A un tel point que l’application d’astrologie la plus en vue, Co-Star, a attiré 30 millions d’utilisateurs depuis son lancement en 2017, avec près d’un million de personnes l’utilisant chaque mois. The Pattern, également lancé en 2017, a de son côté suscité un engouement semblable, accumulant 30’000 utilisateurs avant même son lancement officiel grâce au bouche à oreille. En pleine pandémie du Covid-19, 3,5 millions de téléchargements supplémentaires ont par ailleurs été enregistrés, bien que l’entreprise reste discrète sur ses chiffres officiels. L’incertitude de cette période sanitaire considérable a manifestement intensifié la demande pour l’astrologie, avec des recherches Google sur « thème natal » et « astrologie » atteignant des sommets inédits en 2020, de nombreux astrologues rapportant tout autant une explosion de la demande.
La période d’incertitude créée par la pandémie n’a fait qu’alimenter la demande de conseils astrologiques.
Ce boom astrologique coïncide d’ailleurs avec le coût prohibitif de la thérapie traditionnelle et une pénurie chronique de prestataires de services dans un contexte de crise du coût de la vie. En 2022, le passage à un nouveau système de prise en charge des psychothérapies en Suisse, induisant « des milliers de personnes pourraient donc perdre leur place en thérapie », rappelait à l’époque 20 Minutes.
Pour Rosie Cutter, cette résurgence de l’astrologie n’est pas une surprise. « L’astrologie est essentiellement une prévision météorologique », explique-t-elle. « Je peux vous dire si le temps sera mauvais pour que vous puissiez vous y préparer. Toutefois, après une thérapie, les gens oublient parfois qu’ils ressentiront encore de la mélancolie dans 20 ans, même si leur vie est merveilleuse et qu’ils ont suivi de nombreuses thérapies. En tant qu’êtres émotifs, nous ressentons profondément ce qui se passe sur cette planète. Les gens se tournent donc vers la spiritualité lorsqu’ils traversent des périodes très difficiles. »
L’astrologie est une pratique ancienne fondée à l’origine sur le géocentrisme et qui remonte au 2e millénaire avant J.-C. Comme l’astrologie babylonienne premier, elle était considérée jusqu’au 17e siècle comme une tradition savante. Or, avec le développement des sciences, le scepticisme à l’égard de l’astrologie s’est accru en Occident.
Ce n’est qu’au milieu du 20e siècle, alors que l’Occident se détournait de la religion organisée traditionnelle, que l’intérêt pour le divin a ressurgi. Une étude réalisée en 2014 par la National Science Foundation aux États-Unis a alors révélé que le scepticisme à l’égard de l’astrologie diminuait, avec plus de la moitié des 18-24 ans considérant l’astrologie comme une « tradition scientifique ». Les bouleversements politiques, tels que le Brexit et l’élection de Donald Trump en 2016, combinés à l’essor de l’industrie du bien-être, ont renforcé la popularité de l’astrologie, la ramenant dans la conscience collective. Selon Google Trends, en Suisse, les recherches sur le « bien-être » et l’« astrologie » ont presque doublé entre 2010 et 2024, parallèlement à une sensibilisation accrue à la santé mentale qui a bondi depuis la pandémie.
En Suisse, les recherches Google sur le « bien-être » et l’« astrologie » ont presque doublé entre 2010 et 2024.
Différences essentielles
Pour Wendy Stacey, consultante en astrologie à la Mayo School of Astrology, l’astrologie et la thérapie ne sont pas incompatibles. « De nombreux astrologues sont également formés comme psychothérapeutes et conseillers », explique-t-elle à ELLE. « Nous ne prétendons pas être des conseillers qualifiés, mais nous encourageons nos étudiants à rechercher leur propre thérapie et à acquérir d’autres compétences en dehors de leur formation astrologique », ajoute-t-elle. Rosie Cutter, comme de nombreux autres astrologues, est aussi orthophoniste qualifiée.
La différence principale réside dans le fait que, contrairement à la thérapie, l’astrologie n’est pas régulée par un organisme officiel. Quiconque peut se prétendre astrologue et commencer à facturer ses services. « Le problème avec la thérapie par la parole, c’est cette idée d’un engagement sans fin. La plupart des gens n’aiment pas payer pour une table d’harmonie impartiale. Ils cherchent des résultats. Ce n’est pas mon travail de leur faire revivre leur tristesse encore et encore. Mon rôle est de leur fournir un plan clair pour s’en sortir », conclut Rosie Cutter.
Debra Read, thérapeute et consultante en EMDR (thérapie contre les traumatismes), a également observé une augmentation de la demande pour ses services à la sortie de la pandémie. « La thérapie consiste à aider quelqu’un à donner un sens à sa vie, déclare-t-elle à ELLE. Lorsqu’une personne est envahie par des pensées et des sentiments négatifs à propos d’elle-même ou de sa vie, la thérapie l’aide à les comprendre. C’est le seul moyen de progresser sans être accablé par l’émotion. Sinon, cette dernière risquent de se sentir prisonnière de ses pensées et de ses émotions. » Elle poursuit: « Il s’agit de les aider à guérir ces souvenirs négatifs, même s’ils ne peuvent pas toujours les exprimer clairement. »
La thérapie consiste à aider quelqu’un à donner un sens à sa vie.
Debra Read reconnaît que, bien que certaines formes de thérapie puissent ne pas aider les clients à atteindre une indépendance émotionnelle, d’autres sont sans équivoque dans leur capacité à assurer une résilience émotionnelle. « Une personne ne peut développer une véritable résilience émotionnelle que lorsqu’elle reconnaît son traumatisme, » dit-elle. « Toute thérapie est basée sur le traumatisme, mais tant que vous n’avez pas traité la racine du problème, cette personne restera coincée. »
En Suisse, bien que le coût d’une thérapie privée puisse varier, il est généralement recommandé de suivre un programme initial de six à douze séances. Certains thérapeutes privés facturent jusqu’à 150 francs par séance d’une heure, un montant souvent inabordable en période de crise du coût de la vie, sans garantie de résultats. Une enquête de 2016 menée par le Royal College of Psychiatrists a révélé qu’une personne sur vingt signalait des « effets néfastes durables » de sa thérapie, avec une incidence plus élevée chez les personnes issues de minorités ethniques et LGBTQIA+. En contraste, Rosie Cutter note qu’une consultation annuelle avec un astrologue peut suffire pour prévoir les mois à venir.
Shannon Mahanty, en formation pour devenir psychothérapeute intégrative, critique l’amalgame faite entre astrologie et thérapie. « Les thérapeutes ont suivi des années de formation en santé mentale et appartiennent à des organismes réglementés. Ils doivent respecter des critères éthiques stricts, ce qui n’est pas nécessairement le cas des astrologues lorsqu’ils travaillent avec des besoins complexes en matière de santé mentale, » explique-t-elle. « L’un des principes éthiques de la thérapie repose sur l’autonomie du client, qui est l’expert de son expérience. Il est crucial qu’un thérapeute ne lui dise pas quoi faire ou ce qui va lui arriver. »
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Les sceptiques diront que l’astrologie n’est pas scientifique; ses adeptes soutiendront qu’elle a des racines dans l’astronomie et des liens avec la physique quantique. Les thérapeutes affirment que leur pratique est ancrée dans la réalité, contrairement à celle des astrologues, perçue par ceux-ci comme éthérée. C’est le cas de nombreuses célébrités qui, contrairement à Dua Lipa, préfèrent la thérapie traditionnelle pour leurs besoins émotionnels. Gwyneth Paltrow, Meghan Markle, le prince Harry et Michelle Obama ont tous exprimé publiquement l’impact profond de la thérapie sur leur vie. Il y a des partisans des deux côtés, mais dans une époque de division émotionnelle et spirituelle croissante, disons qu’un peu de magie ne peut jamais faire de mal, quelle que soit sa forme.
Autrice: Naomi May
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com/uk. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.