Laetitia Guinand: « Les jeunes d’aujourd’hui ont une audace que nous n’avions pas »

20 juillet 2024 · Anna de Angelis

Rencontre avec une jeune femme bien dans sa peau, à l’énergie communicative. Une vie rythmée par l’actualité, la famille et de belles valeurs.

À la tête de l’émission Le PoinG sur Léman Bleu depuis 2021, Laetitia Guinand a navigué entre presse écrite pour Le Temps, radio à la RTS et télévision avec une aisance naturelle. D’une enfance riche en influences culturelles à une carrière dynamique, elle incarne l’équilibre entre ambition professionnelle et vie personnelle. Elle partage les défis surmontés, ses sources de bonheur quotidien et sa vision du journalisme avec générosité, humour et surtout beaucoup de simplicité.

A lire aussi: « Je milite pour une biodiversité de la parole »: avec Anne Ghesquière, créatrice du podcast Métamorphose

ELLE Suisse: Parlez-nous de votre enfance…
Laetitia Guinand: J’ai grandi dans une famille genevoise imprégnée d’une riche culture internationale. Mon père, avocat issu d’une famille genevoise avec des racines huguenotes et britanniques, apportait une rigueur suisse influencée par la culture française de ma mère, dont les parents étaient italiens et français. Chez nous, l’exigence intellectuelle était une norme, non pour la richesse ou la célébrité, mais par devoir pour soi-même et envers la société. Dès mon jeune âge, j’ai compris l’importance de se dépasser, notamment dans les domaines intellectuels. J’ai suivi des études de lettres, convaincue que je serais avocate ou procureure, mais j’ai finalement trouvé ma passion dans le journalisme.
 
Vous avez été journaliste au Temps, vous avez fait de la radio et maintenant de la télé. Une suite logique?
Passer du journalisme écrit à la radio, puis à la télévision, a été une progression naturelle mais pleine de défis. À Léman Bleu, grâce à Laurent Keller, j’ai eu la chance de créer une émission de débat, une opportunité que je n’aurais probablement pas eue à la RTS. Novice en télévision, j’ai dû m’improviser animatrice et productrice, découvrant peu à peu mon style et mes compétences à l’écran. L’ambition était, à partir d’un sujet de société ou d’actualité, d’avoir du fond et de la forme, que ce soit intelligent sans être indigeste.

A lire aussi: Rebecca Ruiz, conseillère d’état: « Les positions qui jugent sans nuance m’insupportent »
 
Diriez-vous que vous êtes une femme ambitieuse?
J’ai beaucoup d’ambitions au pluriel et j’aime les accomplir. L’ambition peut être un piège, mais ce qui me satisfait, c’est de porter des projets à terme malgré les difficultés. J’ai toujours voulu réussir sur le plan professionnel et avoir une grande famille, une aspiration inculquée dès mon jeune âge. Petite, je rêvais d’être Carla Del Ponte avec quatre enfants, une ambition nourrie par mon éducation.

Dans ma famille, l’exigence intellectuelle était une norme, non pour la richesse ou la célébrité, mais par devoir pour soi-même et envers la société.

Laetitia Guinand, journaliste

Où vous voyez-vous dans 10 ans?
Je dirais que le temps qui passe est un vertige. J’essaie de ne pas me pencher sur ce vide car il m’angoisse terriblement. Je préfère avancer projet après projet parce que dans la vie, les choses n’arrivent jamais comme on les imagine. J’essaie de saisir les opportunités, d’affronter les difficultés car elles sont formatrices et mènent souvent vers autre chose. Je me concentre sur l’instant présent et les projets à court terme comme l’écriture de livres par exemple.
 
Quelle est l’interview ou la rencontre qui vous a le plus marquée?
L’entretien avec Élisabeth Badinter m’a particulièrement marquée. C’était magistral! Elle a été d’une grande gentillesse et d’une rigueur intellectuelle remarquable. Dans un tout autre registre, Joseph Blatter, m’a beaucoup intrigué car c’est quelqu’un de très intelligent. Une personnalité avec à la fois un cerveau qui fonctionne très vite et qui n’est jamais là où on l’imagine.

Qu’est-ce qui vous rend heureuse au quotidien ?
Mille et une choses me rendent heureuse. L’art du bonheur, c’est accepter ce qui nous arrive et savoir surmonter les difficultés. Les petites joies quotidiennes, les rencontres, et les moments avec mes enfants me réjouissent. Le rire et l’autodérision sont essentiels pour moi. Je trouve du bonheur dans les interactions simples, comme une conversation avec la maquilleuse hyper joyeuse de Léman Bleu ou un moment de tendresse avec mon petit dernier. Cultiver le sens de la jubilation est crucial pour moi, tout comme savoir rire de soi-même.

Avec le temps, j’ai gagné en sérénité, acceptant que l’équilibre parfait n’existe pas.

Laetitia Guinand, journaliste

Vous avez eu un 3e enfant à 45 ans. Un désir?
J’ai toujours voulu un troisième enfant, même 4… Il n’était pas du tout prévu. À l’époque, je prenais des médicaments très forts pour la migraine et j’avais peur d’éventuelles complications. J’avais ce type d’angoisse mais dans le fond, c’était merveilleux. J’ai tendance à voir les bons côtés des choses et à gérer les difficultés au fur et à mesure. Mon âme d’enfant et mon optimisme m’aident à aborder la vie avec confiance, même dans les situations imprévues.
 
Concilier travail et vie de famille, une gageure?
C’est une recherche d’équilibre perpétuelle. Il y a des moments de déséquilibre où tout semble compliqué, mais ça passe. Mon travail et ma vie de famille sont imbriqués, et je ne pourrais pas me passer de l’un ou de l’autre. Je suis mère et journaliste 24 heures sur 24, et j’ai appris à accepter les déséquilibres temporaires comme partie intégrante de la vie. Avec le temps, j’ai gagné en sérénité, acceptant que l’équilibre parfait n’existe pas.
 
Qu’est-ce qui a changé entre la génération de votre mère et la vôtre?
Nous sommes plus émancipées que la génération de nos mères, mais la grande révolution est celle des jeunes d’aujourd’hui. Ils ont une conscience de leur valeur et une audace que nous n’avions pas. La génération actuelle, avec des mouvements comme #MeToo, est bien plus consciente et assertive, rappelant en cela la génération de mai 68. Ils ont une conscience de leur valeur parfois démesurée mais qui en même temps leur donne de la force.

[Les jeunes d’aujourd’hui] ont une conscience de leur valeur et une audace que nous n’avions pas. La génération actuelle, avec des mouvements comme #MeToo, est bien plus consciente et assertive, rappelant en cela la génération de mai 68.

Laetitia Guinand, journaliste

Qu’est-ce qui vous aide dans les grands moments de doute?
Pour moi le doute est une vraie qualité. Je n’ai pas vraiment de doutes abyssaux car je me remets en question constamment. Et lorsqu’il m’arrive d’avoir des moments d’abattement, je me laisse aller un moment, je fais des bisous à me petit dernier ou je bois un verre de grand Bordeaux et ça passe.
 
Quelle a été la plus dure épreuve de votre vie?
La plus dure épreuve de ma vie a été la perte de mon frère, décédé à 26 ans d’un cancer mal diagnostiqué. Cette expérience a été dévastatrice, non seulement parce que j’ai perdu un être cher, mais aussi parce qu’elle a remis en question mon propre sens de la vie et de la survie. Mon frère était une source incroyable de positivité et de force même dans les moments les plus sombres. Même malade, il était extrêmement drôle, un mélange entre Jean-Paul Belmondo et Jean Dujardin. Il ne se plaignait jamais et trouvait le moyen de nous protéger Son attitude face à la mort, entre grâce et résilience, a été une leçon de vie pour moi. Traverser cette épreuve a été un moment de profond questionnement et de transformation personnelle, où j’ai appris à apprécier chaque instant et à trouver la force de continuer même dans les moments les plus difficiles.
 
En amour, êtes-vous d’un tempérament jaloux ou totalement confiant?
J’ai la chance d’être épargnée par le sentiment de jalousie. Quand je la sens venir, je me dis que c’est parce que j’ai une frustration, quelque chose qui dysfonctionne soit dans la relation soit chez moi. Je traite la cause et pas tellement l’effet.
 
Et quelles sont vos qualités, celles dont vous pouvez vous féliciter?
Je suis opiniâtre, endurante et tenace. Je vois le but sans me laisser décourager par les difficultés. Mon opiniâtreté me permet de persévérer dans mes projets, même face aux obstacles.
 
Et vos défauts?
J’ai plein de faiblesses comme tout le monde. J’espère ne pas avoir de gros défauts parce que je me remets beaucoup en question. Mais plus je vieillis, plus j’ai de la peine à m’astreindre à ce que je ne veux pas.
 
Que diriez-vous à la petite fille que vous étiez?
Aujourd’hui, je ressemble beaucoup plus à la petite fille que j’étais, et je lui dirais d’avoir plus rapidement confiance en elle-même et en ses capacités. Je lui dirais « rassure-toi, tu deviendras qui tu es ».

Tags : interview · journaliste · télévision

Rencontre avec une jeune femme bien dans sa peau, à l’énergie communicative. Une vie rythmée par l’actualité, la famille et de belles valeurs.

À la tête de l’émission Le PoinG sur Léman Bleu depuis 2021, Laetitia Guinand a navigué entre presse écrite pour Le Temps, radio à la RTS et télévision avec une aisance naturelle. D’une enfance riche en influences culturelles à une carrière dynamique, elle incarne l’équilibre entre ambition professionnelle et vie personnelle. Elle partage les défis surmontés, ses sources de bonheur quotidien et sa vision du journalisme avec générosité, humour et surtout beaucoup de simplicité.

A lire aussi: « Je milite pour une biodiversité de la parole »: avec Anne Ghesquière, créatrice du podcast Métamorphose

ELLE Suisse: Parlez-nous de votre enfance…
Laetitia Guinand: J’ai grandi dans une famille genevoise imprégnée d’une riche culture internationale. Mon père, avocat issu d’une famille genevoise avec des racines huguenotes et britanniques, apportait une rigueur suisse influencée par la culture française de ma mère, dont les parents étaient italiens et français. Chez nous, l’exigence intellectuelle était une norme, non pour la richesse ou la célébrité, mais par devoir pour soi-même et envers la société. Dès mon jeune âge, j’ai compris l’importance de se dépasser, notamment dans les domaines intellectuels. J’ai suivi des études de lettres, convaincue que je serais avocate ou procureure, mais j’ai finalement trouvé ma passion dans le journalisme.
 
Vous avez été journaliste au Temps, vous avez fait de la radio et maintenant de la télé. Une suite logique?
Passer du journalisme écrit à la radio, puis à la télévision, a été une progression naturelle mais pleine de défis. À Léman Bleu, grâce à Laurent Keller, j’ai eu la chance de créer une émission de débat, une opportunité que je n’aurais probablement pas eue à la RTS. Novice en télévision, j’ai dû m’improviser animatrice et productrice, découvrant peu à peu mon style et mes compétences à l’écran. L’ambition était, à partir d’un sujet de société ou d’actualité, d’avoir du fond et de la forme, que ce soit intelligent sans être indigeste.

A lire aussi: Rebecca Ruiz, conseillère d’état: « Les positions qui jugent sans nuance m’insupportent »
 
Diriez-vous que vous êtes une femme ambitieuse?
J’ai beaucoup d’ambitions au pluriel et j’aime les accomplir. L’ambition peut être un piège, mais ce qui me satisfait, c’est de porter des projets à terme malgré les difficultés. J’ai toujours voulu réussir sur le plan professionnel et avoir une grande famille, une aspiration inculquée dès mon jeune âge. Petite, je rêvais d’être Carla Del Ponte avec quatre enfants, une ambition nourrie par mon éducation.

Dans ma famille, l’exigence intellectuelle était une norme, non pour la richesse ou la célébrité, mais par devoir pour soi-même et envers la société.

Laetitia Guinand, journaliste

Où vous voyez-vous dans 10 ans?
Je dirais que le temps qui passe est un vertige. J’essaie de ne pas me pencher sur ce vide car il m’angoisse terriblement. Je préfère avancer projet après projet parce que dans la vie, les choses n’arrivent jamais comme on les imagine. J’essaie de saisir les opportunités, d’affronter les difficultés car elles sont formatrices et mènent souvent vers autre chose. Je me concentre sur l’instant présent et les projets à court terme comme l’écriture de livres par exemple.
 
Quelle est l’interview ou la rencontre qui vous a le plus marquée?
L’entretien avec Élisabeth Badinter m’a particulièrement marquée. C’était magistral! Elle a été d’une grande gentillesse et d’une rigueur intellectuelle remarquable. Dans un tout autre registre, Joseph Blatter, m’a beaucoup intrigué car c’est quelqu’un de très intelligent. Une personnalité avec à la fois un cerveau qui fonctionne très vite et qui n’est jamais là où on l’imagine.

Qu’est-ce qui vous rend heureuse au quotidien ?
Mille et une choses me rendent heureuse. L’art du bonheur, c’est accepter ce qui nous arrive et savoir surmonter les difficultés. Les petites joies quotidiennes, les rencontres, et les moments avec mes enfants me réjouissent. Le rire et l’autodérision sont essentiels pour moi. Je trouve du bonheur dans les interactions simples, comme une conversation avec la maquilleuse hyper joyeuse de Léman Bleu ou un moment de tendresse avec mon petit dernier. Cultiver le sens de la jubilation est crucial pour moi, tout comme savoir rire de soi-même.

Avec le temps, j’ai gagné en sérénité, acceptant que l’équilibre parfait n’existe pas.

Laetitia Guinand, journaliste

Vous avez eu un 3e enfant à 45 ans. Un désir?
J’ai toujours voulu un troisième enfant, même 4… Il n’était pas du tout prévu. À l’époque, je prenais des médicaments très forts pour la migraine et j’avais peur d’éventuelles complications. J’avais ce type d’angoisse mais dans le fond, c’était merveilleux. J’ai tendance à voir les bons côtés des choses et à gérer les difficultés au fur et à mesure. Mon âme d’enfant et mon optimisme m’aident à aborder la vie avec confiance, même dans les situations imprévues.
 
Concilier travail et vie de famille, une gageure?
C’est une recherche d’équilibre perpétuelle. Il y a des moments de déséquilibre où tout semble compliqué, mais ça passe. Mon travail et ma vie de famille sont imbriqués, et je ne pourrais pas me passer de l’un ou de l’autre. Je suis mère et journaliste 24 heures sur 24, et j’ai appris à accepter les déséquilibres temporaires comme partie intégrante de la vie. Avec le temps, j’ai gagné en sérénité, acceptant que l’équilibre parfait n’existe pas.
 
Qu’est-ce qui a changé entre la génération de votre mère et la vôtre?
Nous sommes plus émancipées que la génération de nos mères, mais la grande révolution est celle des jeunes d’aujourd’hui. Ils ont une conscience de leur valeur et une audace que nous n’avions pas. La génération actuelle, avec des mouvements comme #MeToo, est bien plus consciente et assertive, rappelant en cela la génération de mai 68. Ils ont une conscience de leur valeur parfois démesurée mais qui en même temps leur donne de la force.

[Les jeunes d’aujourd’hui] ont une conscience de leur valeur et une audace que nous n’avions pas. La génération actuelle, avec des mouvements comme #MeToo, est bien plus consciente et assertive, rappelant en cela la génération de mai 68.

Laetitia Guinand, journaliste

Qu’est-ce qui vous aide dans les grands moments de doute?
Pour moi le doute est une vraie qualité. Je n’ai pas vraiment de doutes abyssaux car je me remets en question constamment. Et lorsqu’il m’arrive d’avoir des moments d’abattement, je me laisse aller un moment, je fais des bisous à me petit dernier ou je bois un verre de grand Bordeaux et ça passe.
 
Quelle a été la plus dure épreuve de votre vie?
La plus dure épreuve de ma vie a été la perte de mon frère, décédé à 26 ans d’un cancer mal diagnostiqué. Cette expérience a été dévastatrice, non seulement parce que j’ai perdu un être cher, mais aussi parce qu’elle a remis en question mon propre sens de la vie et de la survie. Mon frère était une source incroyable de positivité et de force même dans les moments les plus sombres. Même malade, il était extrêmement drôle, un mélange entre Jean-Paul Belmondo et Jean Dujardin. Il ne se plaignait jamais et trouvait le moyen de nous protéger Son attitude face à la mort, entre grâce et résilience, a été une leçon de vie pour moi. Traverser cette épreuve a été un moment de profond questionnement et de transformation personnelle, où j’ai appris à apprécier chaque instant et à trouver la force de continuer même dans les moments les plus difficiles.
 
En amour, êtes-vous d’un tempérament jaloux ou totalement confiant?
J’ai la chance d’être épargnée par le sentiment de jalousie. Quand je la sens venir, je me dis que c’est parce que j’ai une frustration, quelque chose qui dysfonctionne soit dans la relation soit chez moi. Je traite la cause et pas tellement l’effet.
 
Et quelles sont vos qualités, celles dont vous pouvez vous féliciter?
Je suis opiniâtre, endurante et tenace. Je vois le but sans me laisser décourager par les difficultés. Mon opiniâtreté me permet de persévérer dans mes projets, même face aux obstacles.
 
Et vos défauts?
J’ai plein de faiblesses comme tout le monde. J’espère ne pas avoir de gros défauts parce que je me remets beaucoup en question. Mais plus je vieillis, plus j’ai de la peine à m’astreindre à ce que je ne veux pas.
 
Que diriez-vous à la petite fille que vous étiez?
Aujourd’hui, je ressemble beaucoup plus à la petite fille que j’étais, et je lui dirais d’avoir plus rapidement confiance en elle-même et en ses capacités. Je lui dirais « rassure-toi, tu deviendras qui tu es ».

Tags : interview · journaliste · télévision