Pourquoi le vieillissement est-il devenu une question de classe sociale

26 septembre 2024 · ELLE Rédaction

Du Botox aux injections, en passant par les gadgets de bien-être et les trackers de santé: la quête de la jeunesse éternelle devient toujours plus l’apanage des classes aisées, exacerbant ainsi les inégalités sociales.

Sur les réseaux sociaux et dans les médias, un débat persistant oppose ceux qui louent les célébrités pour leur beauté malgré le passage du temps – souvent grâce à des interventions esthétiques plus ou moins invasives – et ceux qui rejettent la quête acharnée de la jeunesse à tout prix.

Les critiques se concentrent souvent sur les jeunes femmes, dont le visage, encore peu marqué par les signes du vieillissement, a néanmoins subi des injections de Botox ou de produits de comblement, leur donnant parfois l’air plus âgé que leur âge réel. « Il y a plus de pression que jamais pour lutter contre le vieillissement », observe Anita Bhagwandas, autrice de Ugly: Giving Us Back Our Beauty Standards (2023).

Cette industrie, en pleine expansion, a créé tellement de nouveaux produits et services que les attentes sur l’apparence à chaque âge sont désormais déformées.

Anita Bhagwandas, autrice

Beauté et argent: comment se créent les inégalités sociales

Autrefois, se teindre les cheveux et appliquer une crème de nuit pouvaient suffire. Aujourd’hui, une version perpétuellement fraîche de nous-mêmes nous poursuit, alimentée par une industrie qui promet une jeunesse éternelle… à condition d’en payer le prix. « L’argent investi dans la quête de la jeunesse fait une différence énorme », explique Anita Bhagwandas. « Les meilleurs chirurgiens et professionnels de la santé visent à rendre leur travail imperceptible, mais tout le monde n’a pas accès à ces services. »

Les injections sont devenues plus abordables et accessibles, notamment parce que, selon une étude récente de l’University College London, plus des deux tiers des praticiens ne sont pas des professionnels de la santé. Cette démocratisation a créé de nouvelles classes de « travail » esthétique, et nos visages sont désormais des reflets visibles et semi-permanents de nos moyens financiers.

Au fur et à mesure que ces interventions se sont banalisées, les standards esthétiques sont devenus plus stricts, rendant la lutte contre le vieillissement encore plus complexe. Le filler a d’ailleurs été la première technique à tomber en disgrâce. Début 2023, de nombreux titres de presse ont annoncé la fin du visage repulpé, soulignant qu’un visage « trop refait » pouvait donner l’impression d’être plus âgé, et non plus jeune.

Or, plutôt que de rendre les standards de beauté plus accessibles, l’abandon des anciens traitements a simplement laissé place à de nouvelles interventions, tout aussi coûteuses que le Botox ou les produits de comblement. Une multitude de lasers, injections, suppléments et autres procédures sont venus creuser encore davantage l’écart entre ceux qui peuvent se permettre de conserver une apparence éternellement jeune et ceux qui, faute de moyens, sont voués à vieillir.

« Tu n’es pas moche, tu es juste pauvre »

Bien entendu, ce phénomène n’a rien de nouveau. Il y a quelques années, un mème viral montrait des photos « avant » et « après » de célébrités accompagnées de la phrase: « tu n’es pas moche, tu es juste pauvre ». Ce slogan moquait la culture de la beauté, soulignant que seuls ceux disposant de moyens financiers conséquents pouvaient continuer à courir après le mythe de la jeunesse éternelle. Quelques années plus tard, peu de choses ont changé : la quête frénétique de produits cultes et de soins promettant de freiner le temps reste inchangée.

Selon les données de l’Observatoire Agorà, publiées lors du Congrès de Médecine Esthétique à Milan en octobre 2023, les dépenses des Italiens pour les traitements médico-esthétiques du visage et du corps ont considérablement augmenté: la dépense minimale moyenne a bondi de 42 % par rapport à 2022, tandis que la dépense maximale a crû de 20 %. Un patient fidèle débourse désormais entre 1000 et 3000 euros par an.

À l’échelle mondiale, l’industrie anti-âge devrait atteindre 93 milliards de dollars d’ici 2027, avec des femmes toujours plus jeunes séduites par la promesse de ne jamais vieillir — mais à un coût de plus en plus élevé.

Autrices: Luana Rosato et Alexandra Jones
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur
elle.com/it. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.

Tags : Suisse · femmes · analyse

Du Botox aux injections, en passant par les gadgets de bien-être et les trackers de santé: la quête de la jeunesse éternelle devient toujours plus l’apanage des classes aisées, exacerbant ainsi les inégalités sociales.

Sur les réseaux sociaux et dans les médias, un débat persistant oppose ceux qui louent les célébrités pour leur beauté malgré le passage du temps – souvent grâce à des interventions esthétiques plus ou moins invasives – et ceux qui rejettent la quête acharnée de la jeunesse à tout prix.

Les critiques se concentrent souvent sur les jeunes femmes, dont le visage, encore peu marqué par les signes du vieillissement, a néanmoins subi des injections de Botox ou de produits de comblement, leur donnant parfois l’air plus âgé que leur âge réel. « Il y a plus de pression que jamais pour lutter contre le vieillissement », observe Anita Bhagwandas, autrice de Ugly: Giving Us Back Our Beauty Standards (2023).

Cette industrie, en pleine expansion, a créé tellement de nouveaux produits et services que les attentes sur l’apparence à chaque âge sont désormais déformées.

Anita Bhagwandas, autrice

Beauté et argent: comment se créent les inégalités sociales

Autrefois, se teindre les cheveux et appliquer une crème de nuit pouvaient suffire. Aujourd’hui, une version perpétuellement fraîche de nous-mêmes nous poursuit, alimentée par une industrie qui promet une jeunesse éternelle… à condition d’en payer le prix. « L’argent investi dans la quête de la jeunesse fait une différence énorme », explique Anita Bhagwandas. « Les meilleurs chirurgiens et professionnels de la santé visent à rendre leur travail imperceptible, mais tout le monde n’a pas accès à ces services. »

Les injections sont devenues plus abordables et accessibles, notamment parce que, selon une étude récente de l’University College London, plus des deux tiers des praticiens ne sont pas des professionnels de la santé. Cette démocratisation a créé de nouvelles classes de « travail » esthétique, et nos visages sont désormais des reflets visibles et semi-permanents de nos moyens financiers.

Au fur et à mesure que ces interventions se sont banalisées, les standards esthétiques sont devenus plus stricts, rendant la lutte contre le vieillissement encore plus complexe. Le filler a d’ailleurs été la première technique à tomber en disgrâce. Début 2023, de nombreux titres de presse ont annoncé la fin du visage repulpé, soulignant qu’un visage « trop refait » pouvait donner l’impression d’être plus âgé, et non plus jeune.

Or, plutôt que de rendre les standards de beauté plus accessibles, l’abandon des anciens traitements a simplement laissé place à de nouvelles interventions, tout aussi coûteuses que le Botox ou les produits de comblement. Une multitude de lasers, injections, suppléments et autres procédures sont venus creuser encore davantage l’écart entre ceux qui peuvent se permettre de conserver une apparence éternellement jeune et ceux qui, faute de moyens, sont voués à vieillir.

« Tu n’es pas moche, tu es juste pauvre »

Bien entendu, ce phénomène n’a rien de nouveau. Il y a quelques années, un mème viral montrait des photos « avant » et « après » de célébrités accompagnées de la phrase: « tu n’es pas moche, tu es juste pauvre ». Ce slogan moquait la culture de la beauté, soulignant que seuls ceux disposant de moyens financiers conséquents pouvaient continuer à courir après le mythe de la jeunesse éternelle. Quelques années plus tard, peu de choses ont changé : la quête frénétique de produits cultes et de soins promettant de freiner le temps reste inchangée.

Selon les données de l’Observatoire Agorà, publiées lors du Congrès de Médecine Esthétique à Milan en octobre 2023, les dépenses des Italiens pour les traitements médico-esthétiques du visage et du corps ont considérablement augmenté: la dépense minimale moyenne a bondi de 42 % par rapport à 2022, tandis que la dépense maximale a crû de 20 %. Un patient fidèle débourse désormais entre 1000 et 3000 euros par an.

À l’échelle mondiale, l’industrie anti-âge devrait atteindre 93 milliards de dollars d’ici 2027, avec des femmes toujours plus jeunes séduites par la promesse de ne jamais vieillir — mais à un coût de plus en plus élevé.

Autrices: Luana Rosato et Alexandra Jones
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur
elle.com/it. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.

Tags : Suisse · femmes · analyse