Demi Moore, « exceptionnelle » dans The Substance (2024), se confie

Avec The Substance (2024) de la Française Coralie Fargeat, Demi Moore tient le rôle le plus fort et le plus insolite de sa carrière. Mise à nu, au sens propre et figuré, l’actrice y affronte sa propre peur de vieillir. Elle confie ce que l’expérience lui a enseigné.

Argent, gloire et beauté: l’ex-star de cinéma Elisabeth Sparkle, reconvertie en icône de l’aérobic à la télévision, a encore tout ce dont elle rêve. Jusqu’au jour de son 50e  anniversaire: son producteur (Dennis Quaid) lui assène, telle une vérité absolue, qu’elle a atteint l’âge « où ça s’arrête pour les femmes » et qu’elle doit quitter son poste. Comme un pied-de-nez au diktat de l’âge, la jeune quinquagénaire est incarnée par Demi Moore, qui fêtait ses… 62 ans ce lundi 11 novembre.

Ce licenciement brutal pose les bases de The Substance (2024), actuellement en salles. Le long-métrage dénonce avec brio les exigences de beauté et de jeunesse imposées aux femmes, à travers le prisme de Hollywood où les actrices sont encore et toujours invisibilisées passé la quarantaine. Dans les films américains sortis en 2023, seules 28 % d’entre elles avaient plus de 40 ans. Alors que chez les hommes, ils étaient 52 % à avoir passé ce cap, selon l’étude It’s a Man’s (Celluloid) World, qui analyse depuis plus de vingt ans la place accordée aux femmes dans le 7e  art. « Hollywood symbolise l’image qui est ancrée dans nos esprits: si tu es jeune, belle, sexy et souriante, tu seras heureuse, les gens te regarderont, tu seras aimée et tu réussiras, détaille la réalisatrice Coralie Fargeat. Mais en réalité, c’est le monde entier qui a été construit sur ce modèle qui a façonné l’image des femmes à travers le regard des hommes, qui leur disaient: « Ça, on aime, ça, on n’aime pas. Ça, on trouve sexy, ça, pas du tout. » Je pense que cela a encore un impact immense sur la manière dont nous nous voyons et les attentes que nous avons. Quand cette pression est systémique, s’en libérer est extrêmement difficile.»

Hollywood symbolise l’image qui est ancrée dans nos esprits: si tu es jeune, belle, sexy et souriante, tu seras heureuse, les gens te regarderont, tu seras aimée et tu réussiras. […] Quand cette pression est systémique, s’en libérer est extrêmement difficile.

Coralie Fargeat, réalisatrice de The Substance (2024)

Demi Moore, actrice la mieux payée dans les années 1990, et pionnière de la lutte pour l’égalité salariale à Hollywood, avait, elle, été reléguée au second plan avant même la fin de la trentaine. Jusqu’à son retour en force dans The Substance, exploration féministe du «body horror» (sous-genre de l’horreur) que la Française Coralie Fargeat enrichit de références à des classiques comme La Mouche (1986), The Thing (1982) et Carrie (1976). Belle surprise pour le public romand: la bande-son met en vedette le remix de « Pump It Up », le tube planétaire composé en 1998 par le DJ montreusien Djaimin et son complice Mr Mike.

Un accouchement par le dos

« Ce qui m’a convaincu d’accepter ce rôle, explique Demi Moore, c’est d’abord la manière unique dont The Substance aborde le vieillissement, me forçant à sortir de ma zone de confort. Elisabeth est un personnage d’une richesse et d’une complexité rares, qu’on ne m’avait encore jamais proposé. Ce film explore aussi la violence qu’on peut s’infliger à soi-même en se voyant vieillir et je crois que c’est un problème universel. » Suite à son licenciement, Elisabeth Sparkle, dont le nom signifie «étincelle», se voit en effet proposer, au marché noir, de quoi lui rendre l’éclat qu’elle croit avoir perdu: une substance expérimentale qui la transformera en «une meilleure version d’elle-même, plus jeune, plus belle, plus parfaite». Après avoir longuement toisé son corps nu dans la glace, l’ex-vedette se décide à s’injecter le produit. Elle donne alors naissance (par le dos!) à une version idéalisée d’elle-même. Baptisée Sue (Margaret Qualley), cette incarnation des standards de perfection dictés par les hommes est bien déterminée à reconquérir la place sous les projecteurs qu’ils lui ont volée. Mais les instructions de la substance doivent être suivies à la lettre: Elisabeth et Sue ne doivent jamais oublier qu’elles ne sont qu’une seule et même personne et s’alterner tous les sept jours. Pendant que l’une est inconsciente, l’autre profite de la vie, tout en veillant sur sa moitié.

Ce film explore aussi la violence qu’on peut s’infliger à soi-même en se voyant vieillir et je crois que c’est un problème universel. […] Au final, ce n’est pas ce que les autres nous imposent, mais bien ce que nous nous infligeons à nous-mêmes qui façonne notre expérience et notre réalité.

Demi Moore, actrice de The Substance (2024)

Combien de temps Sue acceptera-t-elle de cohabiter avec l’image de sa future vieillesse? Elisabeth peut-elle faire confiance à son jeune moi? Et qu’est-elle prête à sacrifier à sa soif de reconnaissance? «Le film demande pourquoi nous sommes si critiques envers nous-mêmes», poursuit Demi Moore, qui a toujours refusé de commenter les rumeurs sur son recours à la chirurgie esthétique. «Au final, ce n’est pas ce que les autres nous imposent, mais bien ce que nous nous infligeons à nous-mêmes qui façonne notre expérience et notre réalité. Je pense que le changement commence d’abord en nous, et que cela se reflète ensuite à l’extérieur. Aujourd’hui, nous, les femmes, redécouvrons notre valeur, quel que soit notre âge, notre taille, notre origine ou notre culture. Et plus nous nous approprions notre valeur, plus le monde s’ouvre et notre place nous est rendue. Qui a décidé qu’à 50 ans, nous devenions moins désirables? Remettre cela en question, c’est déjà, à mon avis, ouvrir la voie au changement.»

Du sang et de la chaire torturée

La quête d’Elisabeth et Sue pour être aimées et reconnues s’intensifie, accentuée par des cadrages de plus en plus oppressants, traduisant l’obsession des personnages pour chaque détail de leur corps. Leur déconnexion avec la réalité se reflète dans une narration de plus en plus déjantée, jusqu’à un final grand- guignolesque, rappelant l’absurdité des carcans dans lesquels sont piégées les femmes. «Être une femme, c’est déjà du body horror! sourit Coralie Fargeat quand on l’interroge sur le choix de ce genre pour son deuxième long-métrage. Je voulais exprimer la relation particulière que les femmes entretiennent avec leur corps, un corps qui n’est jamais neutre dans l’espace public, qui influence notre façon d’interagir avec le monde. Un corps dont nous devons sans cesse nous préoccuper, qui est constamment observé et disséqué.» La torture de la chaire se devait donc d’être excessive pour représenter l’ampleur de cette souffrance qui altère la perception de soi: «Dans le miroir, Elisabeth voit un monstre, quelqu’un qu’elle ne reconnaît pas et à qui tout le monde a fait sentir qu’elle n’était plus assez bien.»

Je voulais exprimer la relation particulière que les femmes entretiennent avec leur corps. […] Un corps dont nous devons sans cesse nous préoccuper, qui est constamment observé et disséqué.

Coralie Fargeat, réalisatrice de The Substance (2024)

Avec une réalisation, des décors et une palette de couleurs à l’esthétisme léché, un scénario d’une grande originalité et des performances d’acteurs irréprochables, The Substance est, malgré quelques longueurs, une satire à ne pas manquer. Un film extrême en tout point, jusque dans son utilisation, ou son abus plutôt, de la sursexualisation pour dénoncer le male gaze. Souvent seule avec elle-même, Demi Moore y livre une performance exceptionnelle qui pourrait bien lui valoir son premier Oscar. Toutefois, elle reconnaît: «Je ne sais pas si cela a changé mon point de vue sur les standards de beauté. Je pense plutôt que cela a approfondi ma réflexion sur la manière dont ces normes sont appliquées, à Hollywood et dans la société dans son ensemble. Je pense que, en grande partie, nous, les femmes, avons aussi en quelque sorte accepté cette idée que, en vieillissant, on est mises de côté, considérées comme moins désirables, moins estimées. Le film m’a permis de regarder comment je me jugeais, les standards irréalistes auxquels je m’efforçais de me conformer, et de célébrer tout ce que je suis, plutôt que de me concentrer sur ce que je ne suis pas. Pour moi, c’était l’un des aspects les plus puissants de cette expérience. Et j’en ressors un peu plus libérée intérieurement.»

Je pense que, en grande partie, nous, les femmes, avons aussi en quelque sorte accepté cette idée que, en vieillissant, on est mises de côté, considérées comme moins désirables, moins estimées.

Demi Moore, actrice de The Substance (2024)

Dennis Quaid, 70 ans, et Margaret Qualley, 30 ans, brillent également dans cette critique cinglante de notre société du paraître. L’actrice de Kinds of Kindness (2024) est déjà familière avec ces attentes: «J’ai été danseuse, puis mannequin, avant de devenir actrice. À chaque étape, j’ai ressenti une pression énorme pour être parfaite, surtout dans le monde de la danse. Je vis heureusement une époque où ces normes de beauté sont peu à peu déconstruites. La situation est meilleure qu’il y a dix ans, et j’espère qu’elle continuera à s’améliorer, mais ce sont encore des problématiques avec lesquelles femmes et hommes doivent sans cesse composer.»

Un casting difficile

Sélectionné à Cannes en mai dernier, The Substance y avait fait sensation et remporté le prix du Meilleur scenario, bien que certains spectateurs aient quitté la salle face aux effusions de sang et gros plans sur les plaies purulentes. Depuis sa sortie aux États- Unis, le film — au budget, modeste comparé aux superproductions américaines, de 17,5 millions de dollars — a déjà rapporté plus de 47 millions au box-office. Il a inspiré de nombreux déguisements pour Halloween, notamment le manteau jaune soleil qu’Elisabeth Sparkle enfile tout au long de l’aventure comme une armure contre l’horreur, ou la robe de princesse bleue qui marque les esprits dans les dernières scènes. The Substance est aussi en compétition pour les European Film Awards, qui se tiendront à Lucerne, le samedi 7 décembre.

Le tournage a duré cinq mois en raison de l’impressionnant nombre de prothèses utilisées sur les deux actrices, principalement pour enlaidir Demi Moore, obligée de passer certains jours plus de 9 heures au maquillage. Cependant, le plus grand défi pour Coralie Fargeat s’est présenté bien avant le début des prises: «Je voulais une actrice iconique, qui symboliserait le thème du film. Ce qui impliquait de la confronter à sa pire phobie. Plusieurs ont refusé le rôle, ce que je comprenais. J’étais persuadée que Demi Moore n’accepterait pas de jouer avec son image de cette manière, mais on lui a quand même envoyé le scénario.» Contre toute attente, l’actrice de Ghost (1990) réagit immédiatement. De longues discussions s’ensuivent pour s’assurer que l’Américaine mesure pleinement les exigences du rôle, entre un tournage de longue haleine, l’utilisation intensive de prothèses et les scènes de nudité. La cinéaste découvre alors une personnalité bien différente de celle qu’elle imaginait: « Demi s’est construite seule, elle a pris de nombreux risques dans sa vie et n’a jamais choisi la voie de la conformité. C’est une femme très audacieuse, vraiment rock and roll. Elle a exactement l’état d’esprit dont ce projet risqué avait besoin. »

Avec The Substance (2024) de la Française Coralie Fargeat, Demi Moore tient le rôle le plus fort et le plus insolite de sa carrière. Mise à nu, au sens propre et figuré, l’actrice y affronte sa propre peur de vieillir. Elle confie ce que l’expérience lui a enseigné.

Argent, gloire et beauté: l’ex-star de cinéma Elisabeth Sparkle, reconvertie en icône de l’aérobic à la télévision, a encore tout ce dont elle rêve. Jusqu’au jour de son 50e  anniversaire: son producteur (Dennis Quaid) lui assène, telle une vérité absolue, qu’elle a atteint l’âge « où ça s’arrête pour les femmes » et qu’elle doit quitter son poste. Comme un pied-de-nez au diktat de l’âge, la jeune quinquagénaire est incarnée par Demi Moore, qui fêtait ses… 62 ans ce lundi 11 novembre.

Ce licenciement brutal pose les bases de The Substance (2024), actuellement en salles. Le long-métrage dénonce avec brio les exigences de beauté et de jeunesse imposées aux femmes, à travers le prisme de Hollywood où les actrices sont encore et toujours invisibilisées passé la quarantaine. Dans les films américains sortis en 2023, seules 28 % d’entre elles avaient plus de 40 ans. Alors que chez les hommes, ils étaient 52 % à avoir passé ce cap, selon l’étude It’s a Man’s (Celluloid) World, qui analyse depuis plus de vingt ans la place accordée aux femmes dans le 7e  art. « Hollywood symbolise l’image qui est ancrée dans nos esprits: si tu es jeune, belle, sexy et souriante, tu seras heureuse, les gens te regarderont, tu seras aimée et tu réussiras, détaille la réalisatrice Coralie Fargeat. Mais en réalité, c’est le monde entier qui a été construit sur ce modèle qui a façonné l’image des femmes à travers le regard des hommes, qui leur disaient: « Ça, on aime, ça, on n’aime pas. Ça, on trouve sexy, ça, pas du tout. » Je pense que cela a encore un impact immense sur la manière dont nous nous voyons et les attentes que nous avons. Quand cette pression est systémique, s’en libérer est extrêmement difficile.»

Hollywood symbolise l’image qui est ancrée dans nos esprits: si tu es jeune, belle, sexy et souriante, tu seras heureuse, les gens te regarderont, tu seras aimée et tu réussiras. […] Quand cette pression est systémique, s’en libérer est extrêmement difficile.

Coralie Fargeat, réalisatrice de The Substance (2024)

Demi Moore, actrice la mieux payée dans les années 1990, et pionnière de la lutte pour l’égalité salariale à Hollywood, avait, elle, été reléguée au second plan avant même la fin de la trentaine. Jusqu’à son retour en force dans The Substance, exploration féministe du «body horror» (sous-genre de l’horreur) que la Française Coralie Fargeat enrichit de références à des classiques comme La Mouche (1986), The Thing (1982) et Carrie (1976). Belle surprise pour le public romand: la bande-son met en vedette le remix de « Pump It Up », le tube planétaire composé en 1998 par le DJ montreusien Djaimin et son complice Mr Mike.

Un accouchement par le dos

« Ce qui m’a convaincu d’accepter ce rôle, explique Demi Moore, c’est d’abord la manière unique dont The Substance aborde le vieillissement, me forçant à sortir de ma zone de confort. Elisabeth est un personnage d’une richesse et d’une complexité rares, qu’on ne m’avait encore jamais proposé. Ce film explore aussi la violence qu’on peut s’infliger à soi-même en se voyant vieillir et je crois que c’est un problème universel. » Suite à son licenciement, Elisabeth Sparkle, dont le nom signifie «étincelle», se voit en effet proposer, au marché noir, de quoi lui rendre l’éclat qu’elle croit avoir perdu: une substance expérimentale qui la transformera en «une meilleure version d’elle-même, plus jeune, plus belle, plus parfaite». Après avoir longuement toisé son corps nu dans la glace, l’ex-vedette se décide à s’injecter le produit. Elle donne alors naissance (par le dos!) à une version idéalisée d’elle-même. Baptisée Sue (Margaret Qualley), cette incarnation des standards de perfection dictés par les hommes est bien déterminée à reconquérir la place sous les projecteurs qu’ils lui ont volée. Mais les instructions de la substance doivent être suivies à la lettre: Elisabeth et Sue ne doivent jamais oublier qu’elles ne sont qu’une seule et même personne et s’alterner tous les sept jours. Pendant que l’une est inconsciente, l’autre profite de la vie, tout en veillant sur sa moitié.

Ce film explore aussi la violence qu’on peut s’infliger à soi-même en se voyant vieillir et je crois que c’est un problème universel. […] Au final, ce n’est pas ce que les autres nous imposent, mais bien ce que nous nous infligeons à nous-mêmes qui façonne notre expérience et notre réalité.

Demi Moore, actrice de The Substance (2024)

Combien de temps Sue acceptera-t-elle de cohabiter avec l’image de sa future vieillesse? Elisabeth peut-elle faire confiance à son jeune moi? Et qu’est-elle prête à sacrifier à sa soif de reconnaissance? «Le film demande pourquoi nous sommes si critiques envers nous-mêmes», poursuit Demi Moore, qui a toujours refusé de commenter les rumeurs sur son recours à la chirurgie esthétique. «Au final, ce n’est pas ce que les autres nous imposent, mais bien ce que nous nous infligeons à nous-mêmes qui façonne notre expérience et notre réalité. Je pense que le changement commence d’abord en nous, et que cela se reflète ensuite à l’extérieur. Aujourd’hui, nous, les femmes, redécouvrons notre valeur, quel que soit notre âge, notre taille, notre origine ou notre culture. Et plus nous nous approprions notre valeur, plus le monde s’ouvre et notre place nous est rendue. Qui a décidé qu’à 50 ans, nous devenions moins désirables? Remettre cela en question, c’est déjà, à mon avis, ouvrir la voie au changement.»

Du sang et de la chaire torturée

La quête d’Elisabeth et Sue pour être aimées et reconnues s’intensifie, accentuée par des cadrages de plus en plus oppressants, traduisant l’obsession des personnages pour chaque détail de leur corps. Leur déconnexion avec la réalité se reflète dans une narration de plus en plus déjantée, jusqu’à un final grand- guignolesque, rappelant l’absurdité des carcans dans lesquels sont piégées les femmes. «Être une femme, c’est déjà du body horror! sourit Coralie Fargeat quand on l’interroge sur le choix de ce genre pour son deuxième long-métrage. Je voulais exprimer la relation particulière que les femmes entretiennent avec leur corps, un corps qui n’est jamais neutre dans l’espace public, qui influence notre façon d’interagir avec le monde. Un corps dont nous devons sans cesse nous préoccuper, qui est constamment observé et disséqué.» La torture de la chaire se devait donc d’être excessive pour représenter l’ampleur de cette souffrance qui altère la perception de soi: «Dans le miroir, Elisabeth voit un monstre, quelqu’un qu’elle ne reconnaît pas et à qui tout le monde a fait sentir qu’elle n’était plus assez bien.»

Je voulais exprimer la relation particulière que les femmes entretiennent avec leur corps. […] Un corps dont nous devons sans cesse nous préoccuper, qui est constamment observé et disséqué.

Coralie Fargeat, réalisatrice de The Substance (2024)

Avec une réalisation, des décors et une palette de couleurs à l’esthétisme léché, un scénario d’une grande originalité et des performances d’acteurs irréprochables, The Substance est, malgré quelques longueurs, une satire à ne pas manquer. Un film extrême en tout point, jusque dans son utilisation, ou son abus plutôt, de la sursexualisation pour dénoncer le male gaze. Souvent seule avec elle-même, Demi Moore y livre une performance exceptionnelle qui pourrait bien lui valoir son premier Oscar. Toutefois, elle reconnaît: «Je ne sais pas si cela a changé mon point de vue sur les standards de beauté. Je pense plutôt que cela a approfondi ma réflexion sur la manière dont ces normes sont appliquées, à Hollywood et dans la société dans son ensemble. Je pense que, en grande partie, nous, les femmes, avons aussi en quelque sorte accepté cette idée que, en vieillissant, on est mises de côté, considérées comme moins désirables, moins estimées. Le film m’a permis de regarder comment je me jugeais, les standards irréalistes auxquels je m’efforçais de me conformer, et de célébrer tout ce que je suis, plutôt que de me concentrer sur ce que je ne suis pas. Pour moi, c’était l’un des aspects les plus puissants de cette expérience. Et j’en ressors un peu plus libérée intérieurement.»

Je pense que, en grande partie, nous, les femmes, avons aussi en quelque sorte accepté cette idée que, en vieillissant, on est mises de côté, considérées comme moins désirables, moins estimées.

Demi Moore, actrice de The Substance (2024)

Dennis Quaid, 70 ans, et Margaret Qualley, 30 ans, brillent également dans cette critique cinglante de notre société du paraître. L’actrice de Kinds of Kindness (2024) est déjà familière avec ces attentes: «J’ai été danseuse, puis mannequin, avant de devenir actrice. À chaque étape, j’ai ressenti une pression énorme pour être parfaite, surtout dans le monde de la danse. Je vis heureusement une époque où ces normes de beauté sont peu à peu déconstruites. La situation est meilleure qu’il y a dix ans, et j’espère qu’elle continuera à s’améliorer, mais ce sont encore des problématiques avec lesquelles femmes et hommes doivent sans cesse composer.»

Un casting difficile

Sélectionné à Cannes en mai dernier, The Substance y avait fait sensation et remporté le prix du Meilleur scenario, bien que certains spectateurs aient quitté la salle face aux effusions de sang et gros plans sur les plaies purulentes. Depuis sa sortie aux États- Unis, le film — au budget, modeste comparé aux superproductions américaines, de 17,5 millions de dollars — a déjà rapporté plus de 47 millions au box-office. Il a inspiré de nombreux déguisements pour Halloween, notamment le manteau jaune soleil qu’Elisabeth Sparkle enfile tout au long de l’aventure comme une armure contre l’horreur, ou la robe de princesse bleue qui marque les esprits dans les dernières scènes. The Substance est aussi en compétition pour les European Film Awards, qui se tiendront à Lucerne, le samedi 7 décembre.

Le tournage a duré cinq mois en raison de l’impressionnant nombre de prothèses utilisées sur les deux actrices, principalement pour enlaidir Demi Moore, obligée de passer certains jours plus de 9 heures au maquillage. Cependant, le plus grand défi pour Coralie Fargeat s’est présenté bien avant le début des prises: «Je voulais une actrice iconique, qui symboliserait le thème du film. Ce qui impliquait de la confronter à sa pire phobie. Plusieurs ont refusé le rôle, ce que je comprenais. J’étais persuadée que Demi Moore n’accepterait pas de jouer avec son image de cette manière, mais on lui a quand même envoyé le scénario.» Contre toute attente, l’actrice de Ghost (1990) réagit immédiatement. De longues discussions s’ensuivent pour s’assurer que l’Américaine mesure pleinement les exigences du rôle, entre un tournage de longue haleine, l’utilisation intensive de prothèses et les scènes de nudité. La cinéaste découvre alors une personnalité bien différente de celle qu’elle imaginait: « Demi s’est construite seule, elle a pris de nombreux risques dans sa vie et n’a jamais choisi la voie de la conformité. C’est une femme très audacieuse, vraiment rock and roll. Elle a exactement l’état d’esprit dont ce projet risqué avait besoin. »