De beaux yeux verts vous percent. Nabila contient pudiquement un rire enjoué mais sa joie de vivre, telle un bouquet de tournesols, est communicative. Le lien éclot spontanément.

35 ans, déterminée et accomplie, Nabila Harfi cueille la vie joyeusement. Petite fille déjà, elle s’adonnait aux joies du jardinage. A 20 ans, elle a été engagée au célèbre Ritz à Paris où elle a exercé son talent auprès d’un des plus grands créateurs d’émotions florales : Djordje Varda. Aujourd’hui, elle co-dirige l’entreprise Rémy Jaggi à Lausanne, metteur en scène de fleurs, de terrasses et de jardins. La jeune femme avoue une préférence pour les fleurs sauvages et les fritillaires, qui éclatent dans différentes couleurs, orange, violet, noir et vert. « Très rigides de 40 à 50 cm de haut, elles se dressent fièrement dans tous les sens et se tortillent avec grâce. Tout, en elles, me fascine ».

ELLE Suisse: Il parait qu’on se construit à travers son enfance.  Comment définiriez-vous la vôtre ?
Nabila Harfi: Je suis née à Porrentruy (VD) et j’ai eu une enfance plutôt heureuse. Le divorce de mes parents aurait pu me perturber mais je n’avais qu’une année. Maman avait déjà deux garçons. J’ai donc grandi entourée de mes deux frères joueurs, taquins et aimants. Maman, très investie dans l’entreprise familiale, m’a sans doute transmis le goût du travail.

J’ai une philosophie, quand on croit à un projet, on s’en donne les moyens !

Nabila Harfi

Petite fille vous étiez déjà une amoureuse de fleurs et de nature ?
Le jardin était mon terrain de jeu ! A 5 ans déjà, je prenais plaisir à arroser les plantes. Et j’ai passé toute mon enfance à bricoler, je fréquentais les ateliers créatifs et m’adonnais à toutes sortes de disciplines, peintures sur soie, décorations florales… Mon frère est paysagiste. Pas de doute, nous avons la fibre verte dans la famille ! (rires). A 16 ans, j’ai quitté mon Jura natal pour rejoindre le Centre d’horticulture de Lullier (GE). Durant quatre ans, je me suis formée à ce métier que j’aime. Mon grand frère que j’idolâtrais, avait suivi cette école et je n’avais de cesse de l’imiter. Quand je me suis inscrite à Lullier pour faire la même école que lui, il m’a dit : paysagiste c’est un métier d’homme, tu devrais faire fleuriste « tu es une fille ». Plus tard, c’est à Londres que j’ai pu parfaire mon anglais et mon expérience florale. De retour en terres romandes, j’ai fait mes gammes au sein de l’entreprise Meylan. 
 
Comment a démarré l’aventure entrepreneuriale avec Rémy Jaggi ?
Très simplement. Son ancienne associée m’a proposé de racheter ses parts. Et l’aventure m’a immédiatement séduite.

C’est un sacré risque financier, vous êtes du genre « audacieuse » sur le plan professionnel ?
Je suis surtout fonceuse. Et j’ai une philosophie, quand on croit à un projet, on s’en donne les moyens !
 
Être associé, pas toujours évident, comment gérez-vous les tensions éventuelles ?
Il n’y a qu’un moyen pour éviter les tensions, le dialogue. Il faut communiquer pour se comprendre et bien poser les choses. Lorsque je travaillais à Trélex, c’était extrêmement lourd. Les commandes, le planning, l’équipe, la gestion du magasin de Lausanne à distance. Il fallait tout maitriser.

Avez-vous un jour claqué la porte ?
Bien sûr c’est arrivé ! Sur un coup de tête, on veut tout plaquer. Puis on se rend compte à quel point on a de la chance. Faire ce qu’on aime, vivre de sa passion, c’est un grand privilège.

Avez-vous un autre projet de développement d’entreprise qui vous tient à cœur ?
Aujourd’hui, j’ai surtout l’ambition de maitriser tous nos secteurs d’activité. Il ne faut pas se disperser. Et faire bien ce que l’on sait faire.

Faire ce qu’on aime, vivre de sa passion, c’est un grand privilège.

Nabila Harfi

L’équilibre est toujours fragile … entre le privé et le professionnel, avez-vous trouvé une belle harmonie ?
Depuis trois ans, je vis une belle relation avec un garçon plus posé que moi. Il est mon équilibre. Il canalise mes fougues et mes excès. Il me modère. Sinon, j’aurais tendance à travailler sans discontinuer. Partir à l’aube et revenir tard le soir. Il m’encourage à prendre du temps pour moi.
 
Vous avez des projets communs ?
Je ne veux ni mariage, ni enfant ! Et mon compagnon non plus.

Ma maman m’a transmis sa force et son côté battant.

Nabila Harfi

Quelle a été la plus dure épreuve de votre vie ?
Quand j’ai perdu pied. Je pense à une forme de burn-out. Le travail m’a noyée, entraînée vers le fond. C’est l’époque où je travaillais chez Rémy Jaggi à Trélex et je gérais en même temps la boutique de Lausanne. Ma vie tournait uniquement autour de mes responsabilités professionnelles. Et tout d’un coup, impossible d’avancer !  Mon homme m’a soutenue et m’a fait comprendre que tout ne tournait pas autour du travail. Il est la belle rencontre de ma vie, ma perle rare.
 
En amour, vous êtes d’un tempérament jaloux ou totalement confiante ?
Je suis totalement confiante. Grâce à lui aussi. Il est très blablateur mais annonce directement la couleur quand il discute avec une fille : « j’ai une copine ». Et de plus, on parle beaucoup, on se dit tout. C’est la force de notre couple.
 
Quelles sont les qualités dont vous pouvez vous féliciter ?
Je suis joyeuse et une incorrigible optimiste ! Je suis exigeante avec moi-même, comme avec les autres.
 
Et vos défauts… ceux qui pourraient vous déranger ?
J’ai mauvais caractère (dit-on) et je veux toujours avoir raison.
 
Quelle serait votre philosophie ?
Faire ce que l’on aime et à fond ! J’aime mon métier, évoluer comme fleuriste, servir les clients mais aussi faire les devis, les factures et gérer l’équipe. Tout me plait. C’est un challenge au quotidien.

Être femme, une force ?
Tout dépend avec qui on traite. D’une manière générale, on a plus à prouver. Mais au final, être une femme est une force.
 
Un dicton que vous pourriez faire vôtre ?
Croquons la vie à pleines dents.

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