Les acteurs et le créateur reviennent sur la dernière saison du phénomène sud-coréen. Et laissent planer un doute. (Attention, spoilers!)


Vendredi dernier, Netflix a dévoilé la troisième – et officiellement dernière – saison de Squid Game. Une salve de six épisodes époustouflants, encore plus sombres et sanglants que les précédents, poussant à l’extrême la formule qui a fait le succès de la série: une plongée sans filtre dans le pire de l’humain, aux côtés de candidats ruinés jouant leur vie pour décrocher une fortune, dans des jeux enfantins aussi cruels que magnifiquement mis en scène.

La saison 1 reste à ce jour la série la plus vue de l’histoire de Netflix. La saison 2 figure à la troisième place du classement. Qu’en sera-t-il de cette dernière saison? Et si Netflix n’était pas réellement prête à mettre fin à cette success story extrêmement lucrative? Les dernières minutes de la série – situées à Los Angeles, avec l’apparition surprise de Cate Blanchett en recruteuse pour un Squid Game local – ouvrent la porte à un spin-off américain. «Même si mon épisode final offre une véritable conclusion, il laisse aussi une forme de nostalgie, quelque chose qui continue. Peut-être qu’un jour, s’il y a une opportunité et que le moment est bien choisi, il y aura encore de la place pour d’autres histoires», admet le créateur de la série sud-coréenne Hwang Dong-hyuk, en conférence de presse.

D’abord pensée comme une série limitée, Squid Game avait déjà été «rallongée» suite à son succès planétaire en 2021. «J’étais frappé de voir à quel point les spectateurs du monde entier s’étaient identifiés aux émotions des personnages, malgré les différences culturelles», confie Lee Jung-jae, l’interprète du héros Gi-hun, alias le joueur 456. Un malentendu culturel avait pourtant surpris Hwang Dong-hyuk à l’époque: «Dans la saison 1, certains spectateurs étrangers avaient cru que Gi-hun prenait un bain relaxant avec de l’encens alors qu’il tentait de se suicider avec une briquette de charbon, une méthode tristement connue en Corée.»

Les saisons 2 et 3, tournées ensemble, avaient ensuite représenté un véritable défi: «La production était beaucoup plus ambitieuse, avec deux fois plus de personnages. Il fallait créer des intrigues secondaires crédibles tout en développant Gi-hun. J’ai réécrit le scénario chaque jour pour équilibrer cela», explique Hwang Dong-hyuk. La fin s’avère à la hauteur des débuts: les jeux ont conservé leur force dramatique, les épilogues des personnages sont bouleversants, le visuel est splendide et l’intrigue toujours haletante. Seuls bémols: l’histoire secondaire du policier à la recherche de l’île où le Front Man, son demi-frère, orchestre cette barbarie, s’enlise et les spectateurs VIP, très caricaturaux, finissent par lasser.

Un héros à terre

Un spin-off made in USA semble donc plus que probable. Comme si le jeu, devenu tentaculaire, ne pouvait plus être stoppé. Comme si rien ne pouvait venir à bout de la noirceur humaine. Depuis 2021, Hwang Dong-hyuk infusait d’ailleurs dans son œuvre une critique sociale féroce, qu’il a encore durcie dans les derniers épisodes. «Le monde se détériore sur les plans économique, politique et social, regrette-t-il. Cette dernière saison pose donc cette question: avons-nous encore en nous la force de protéger l’humanité, de croire en elle ?»

Ce questionnement est incarné par Gi-hun, que l’on retrouve brisé au début de la troisième saison, après l’échec de sa rébellion. «J’espère qu’en suivant son parcours, le public s’interrogera aussi: dans ce monde rongé par la cupidité et les conflits, avons-nous encore de l’espoir? Et pouvons-nous rendre ce monde meilleur pour les générations futures?», poursuit le créateur.

Lee Jung-jae, magistral dans l’interprétation de la vaste palette d’émotions traversées par son personnage, confie: «Gi-hun fait tout pour sauver les autres, pour arrêter les jeux, mais rien ne fonctionne. Ce sentiment d’échec, d’impuissance m’a vraiment collé à la peau tout au long du tournage et c’était très difficile pour moi.» Avant de sourire: «Mais le vrai défi, c’était le régime que j’ai suivi: que des légumes vapeur pendant plus d’un an. Plus jamais ça !»

Une once d’humanité

Dans cette troisième saison, deux femmes redonnent de l’espoir à Gi-hun: la joueuse 149 (Kang Ae-shim), figure maternelle, et la 222 (Jo Yu-ri), enceinte, qu’il protège comme un père. La naissance de la fille de 222, au cours d’une partie de cache- cache où la violence de la série atteint son paroxysme, bouleverse les règles: les VIP décident de la considérer comme candidate à part entière. La fillette devient alors la raison d’être de Gi-hun. Il la prend sous son aile après la mort de 222. Puis se sacrifie pour elle, afin d’en faire l’unique survivante d’un jeu qui ne couronne qu’un seul vainqueur.

L’enfant cristallise aussi l’affrontement du héros avec le Front Man (Lee Byung-hun), le maître du jeu qui, jusqu’au bout, tente de détruire sa foi en l’humanité. «Leurs convictions s’opposent frontalement, observe le réalisateur. Mais cette dernière saison explore aussi comment chacun a influencé l’autre.» Suite au sacrifice de 456, le Front Man retrouve une once d’humanité: il récupère la fillette, la confie à son demi-frère avec la fortune qu’elle a gagnée, puis s’envole pour Los Angeles où vit la fille de Gi-hun, à qui il remet les millions remportés par son père dans la saison 1. Hwang Dong-hyuk révèle pourtant avoir longtemps envisagé une fin à l’opposé de celle-ci pour Gi-hun: «Mais au fil de l’écriture, j’ai compris qu’il lui fallait une fin plus juste.»

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