Pourquoi les mannequins du défilé haute couture Maison Margiela portaient-ils tous un masque ?
Mercredi 9 juillet, sur le podium de Maison Margiela, un détail fait mouche : les silhouettes défilent sans visages. Un hommage qui fait écho à l’héritage mystérieux du fondateur.
C’était l’un des shows les plus attendus de cette Fashion Week haute couture à Paris. Mercredi 9 juillet, Glenn Martens signait sa toute première collection pour Maison Margiela, prenant la suite de John Galliano, dont le show l’an dernier marqué par des silhouettes à la peau de porcelaine, a gravé les mémoires. Pour le créateur belge qui prend la relève, c’est un défi de taille puisqu’il ne s’était jusqu’ici essayé à la haute couture que dans le cadre de la carte blanche offerte par Jean Paul Gaultier en 2022. Et pourtant, Glenn Martens a relevé le défi avec brio. Entre grâce dramatique, virtuosité technique, volumes sculptés et atmosphère théâtrale, tout sur le podium sonnait comme un hommage vibrant à l’héritage de la maison, avec un clin d’œil appuyé à son fondateur. Car ce soir-là, tous les mannequins portaient un masque : certains vaporeux, en tulle léger, d’autres entièrement brodés de strass ou moulé dans de l’or. Une signature esthétique directement empruntée à Martin Margiela, maître du mystère et de l’effacement.
Les masques, héritages silencieux de Maison Margiela
Dès son premier défilé, au printemps-été 1989, Martin Margiela faisait défiler des silhouettes masquées. Un geste radical, devenu signature, destiné à dépersonnaliser le mannequin pour mieux recentrer le regard sur le vêtement. Ici, l’attention ne se porte plus sur l’identité du modèle, mais bien sur la coupe, la matière, la collection en elle-même. Ce voile entre le public et le modèle, Margiela l’a décliné tout au long de sa carrière. Tulle, perles, textiles opaques : les visages disparaissent, et avec eux, le culte de la célébrité. Un parti pris qui faisait écho à sa propre posture : celle d’un créateur farouchement attaché à l’anonymat. Étiquettes blanches sans logo, communiqués signés « nous » plutôt que « je », refus d’interviews et de photos, absence en fin de défilé… Martin Margiela s’est effacé derrière son œuvre. Même au sein de l’industrie, rares sont ceux à l’avoir rencontré. Toute sa démarche reposait sur une conviction profonde : faire passer le collectif et l’œuvre avant l’ego.
Glenn Martens, en digne héritier, se saisit aujourd’hui de cette signature avec nuance. Dans une interview récente pour Vogue Business, il confie : « L’intégrité du vêtement est au cœur de tout, il doit parler de lui-même. C’est pourquoi Martin masquait ses modèles. Je trouve cela intéressant mais aussi contradictoire aujourd’hui. », avant d’ajouter : « En 2025, le succès d’un défilé repose aussi sur la visibilité des mannequins sur les réseaux sociaux. Ce qui me plaît, du moins pour l’instant, c’est que j’essaie vraiment de me concentrer sur les vêtements ; ils passent avant le reste. Et j’espère que ce sont eux qui généreront l’attention. Enfin… je l’espère. »
Autrice : Laura Londas
Cet article a été adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.fr. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.