Pourquoi la trentaine est le nouvel âge d’or de la mode

Dans un essai exclusif pour ELLE, l’influenceuse américaine Tinx défend le droit de porter ce qui lui plaît. Opinion en trois points.
Je suis récemment tombée sur un extrait d’Emily Ratajkowski dans une émission où elle disait que les millennials traversent une sorte de crise identitaire stylistique. « Je pense que notre génération est dans une position étrange », expliquait-elle. « On ne sait plus trop comment s’habiller. Avoir 35 ans aujourd’hui, ça ne veut plus dire la même chose. On se demande : ‘Est-ce qu’on peut encore porter un crop top ou c’est fini ?’ »
En tant que millennial fière et grande adepte du crop top, je dois dire que j’ai remarqué la même chose : beaucoup d’entre nous, enfants des années 1990, continuent de porter ce qu’elles veulent avec assurance — jeans taille basse, mini-robes, etc. C’est comme si on avait collectivement zappé l’étape où il fallait « s’habiller comme un adulte ». Pour nous, la mode reste avant tout une manière de s’exprimer. Et franchement, pourquoi notre âge devrait-il dicter ce qu’on a le droit de porter ? Cette idée semble dépassée — et franchement réductrice.
Plus canons que jamais
J’ai quelques hypothèses sur les raisons pour lesquelles on ne s’habille pas de manière plus « adulte » passées 30 ans. La principale ? On devient juste de plus en plus canons. Contrairement à la Gen Z, beaucoup d’entre nous n’ont pas atteint leur pic de confiance à l’adolescence. On a grandi avec des tutos maquillage flous sur YouTube et appris à appliquer le Dream Matte Mousse par tâtonnements (surtout des ratés, soyons honnêtes). On a cramé nos cheveux avec des lisseurs géants, sans jamais entendre parler de spray protecteur. Au gymnase, on ressemblait vraiment à des gymnasiennes. La plupart d’entre nous ont commencé à utiliser une crème contour des yeux seulement il y a quelques années. Comparées aux ados d’aujourd’hui, déjà clientes chez Sephora à 13 ans, on avait carrément l’air d’une autre espèce. Il m’arrive de faire des doubles prises dans les rues, choquée par à quel point certaines jeunes femmes sont sublimes et déjà si sophistiquées. Ce n’était tout simplement pas notre réalité.

TikTok a rapidement normalisé le Botox et d’autres interventions chez les jeunes. La génération d’aujourd’hui a plus ou moins évité la phase d’embarras – mais pas nous. Nous, on l’a bien vécue, plusieurs fois même. Alors pourquoi, maintenant qu’on commence enfin à maîtriser notre style et nos cheveux, on abandonnerait soudainement nos vêtements fun et tendances ? À 34 ans, je peux dire sans hésiter que c’est à cet âge-là que je suis la plus canon. Je n’ai commencé la musculation que depuis deux ans — et maintenant, on voudrait que je renonce à mes shorts ultra-courts pour cacher mon fessier ? Faut arrêter de déconner !
Question de survie
Et si s’accrocher à la mode « jeune » n’était pas tant un déni qu’une question de survie ? En tant que génération, nous avons traversé tellement d’épreuves. Du 11 septembre à la crise économique, en passant par la crise du logement, les guerres sans fin et le Covid, les millénials ont vu surgir une catastrophe mondiale tous les quelques années – souvent à des moments-clés de leur construction. Difficile de ne pas penser que ces chocs répétés ont mis sur pause notre processus de « devenir adulte ». Rien que la pandémie nous a volé plusieurs années précieuses de jeunesse. Alors franchement, n’aurait-on pas mérité quelques saisons de plus en minijupe, juste pour compenser ?

Certains disent que les millénials ont peur de grandir. Et moi je réponds : pourquoi ne le seraient-ils pas ? Au-delà de la succession ininterrompue de crises mondiales qui ont clairement freiné notre développement émotionnel, beaucoup de représentations de l’âge adulte qu’on connaît donnent l’image d’une vie dure, monotone, et — surtout pour les femmes — injustement pénible. Pensez aux films et séries qui ont marqué notre jeunesse — American Beauty (1999), Souvenirs d’un été (1995), ou même American Pie (1999). Ils tranchent entre enfants et adultes, montrant l’âge adulte comme une spirale déprimante vers la conformité banlieusarde. Pourquoi choisir une vie qui paraît si sérieuse et compliquée ? Si les vêtements reflètent qui nous sommes et qui nous voulons être, nos choix vestimentaires ont tout leur sens. On ne s’accroche pas à un passé révolu, on cherche la légèreté, l’autonomie et un sentiment de contrôle. On rejette les tenues qui suggèrent que la fête est finie, parce qu’en vérité, elle ne l’est pas.


Réinventer la vieillesse
Enfin, n’oublions pas : nous avons passé une bonne partie de notre jeunesse à croire que paraître adulte c’était s’habiller en « business casual ». Moi, je portais des blazers en boîte de nuit pendant dix ans, allez savoir pourquoi – mais d’une façon ou d’une autre, nous avons dépensé trop de temps et d’argent dans ce qu’on appelle aujourd’hui « l’officecore » (c’est-à-dire les « vêtements de travail »). Il n’est donc pas étonnant que, générationnellement, nous penchions maintenant vers un style beaucoup plus décontracté. On a fait notre temps dans les jupes crayon et les ballerines confortables.


Les millénials ont déjà réinventé des industries entières. Nous avons bousculé les codes et construit de nouvelles bases à partir de rien. Mais peut-être que notre plus grande réussite est encore à venir : redéfinir ce que vieillir veut dire. Pourquoi faudrait-il que le plaisir s’arrête ? Pourquoi devrions-nous limiter ce que nous portons ? Pourquoi fêter ses 40 ans signifierait-il se couvrir ? Pour ma part, je suis impatiente d’observer — et de participer à ce changement. Il faudra m’arracher mon crop top des mains, même mortes.
Autrice : Tinx
Cet article a été traduit et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.