
Les trouvailles exquises aux inspirations nineties de Teresa Fini ont récolté les faveurs de sa ville natale qui lui a remis le prestigieux Prix du commerce de l’économie genevoise fin 2023. Rare une boutique de seconde main s’était vue encensée à ce niveau en Romandie, légitimant ainsi une mode de plus en plus adoptée par une génération avide de styles aussi authentiques qu’écologiques. Entretien avec une passionnée élevant le vintage au rang de nouveau chic.
ELLE: Qu’est-ce que cela signifie pour Purple and Gold Rain de remporter le Prix du commerce de l’économie genevoise?
Teresa Fini: C’est le premier prix que ma marque remporte. C’est une belle reconnaissance pour ce projet qui a plus de dix ans maintenant. Cela me prouve que j’ai pris la bonne décision en le lançant.

Ce prix suit de peu l’ouverture officielle de votre première boutique physique survenue fin 2023. Pourquoi était-ce important de passer ce cap?
Il y a eu plusieurs facteurs. Cela faisait longtemps que j’observais qu’il est difficile pour une personne, qui n’a pas l’habitude de s’habiller avec des vêtements de seconde main, de trouver les bonnes tailles. Ces dernières sont souvent étrangères et ne correspondent en effet pas à ce que l’on connaît en Suisse. On ose alors moins commander si on ne l’a pas essayé au préalable. Et puis il y a aussi eu mes envies: depuis sa fondation, en 2012, Purple and Gold Rain a toujours vendu ses pièces dans des pop-up stores, des événements spécifiques ou en ligne, et ce qui m’a toujours plu est le contact avec les clients – de voir la joie sur leur visage lorsqu’ils trouvaient la pièce qui leur convenait. Cette envie a été renforcée durant la pandémie du Covid-19 durant lequel mon besoin d’échanger et de mettre davantage en avant l’offre locale a amplifié.
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Aviez-vous décelé une demande à Genève pour ce genre de boutique?
Oui, en tout cas auprès de ceux recherchant une boutique dans la ville à la fois vintage et tendance, lesquels me demandaient très souvent d’où venaient les vêtements que je portais. Je les trouve à Londres à Paris ou encore à Amsterdam, lieux dans lesquels de telles boutiques existent à profusion. A Genève, ces dernières sont relativement faibles alors que nous sommes énormément à avoir un attrait profond pour la mode.
Avec ma boutique Purple and Gold Rain, j’ai envie de bousculer les codes de la mode genevoise.
En plus de dix ans, l’offre de Purple and Gold Rain a particulièrement évolué… et sa clientèle aussi?
Totalement. Au fil des années, les consommateurs de la mode vintage sont devenus de plus en plus jeunes. Les valeurs pro-écologiques particulièrement portées par la génération Z durant la période Covid font que celle-ci est beaucoup plus encline à la mode de seconde main. Ce qui est d’autant plus réjouissant, c’est que ces jeunes ont fini par influer sur leur parents qui désormais viennent tout autant s’acheter des tenues dans ma boutique. C’est un point très important pour moi car je considère qu’un vêtement est fait pour tout le monde, quels que soient son âge, genre et sa classe sociale. Le plus important est simplement de laisser parler sa créativité.
Entre vous qui vous voyez applaudie par votre ville, La Fripe à Jo qui défile à Paris ou encore Germanier qui reçoit le soutien de LVMH, jamais la mode helvétique « qui récupère » n’a autant fait parler et touché le public national et étranger qu’au cours de l’année 2023. Comment vous l’expliquez?
Il y a un éveil de plus en plus conséquent au regard de l’urgence climatique et de l’impact de la fast-fashion dans cette problématique-là. La pandémie du Covid-19, qui a péjoré les finances d’une part importante de consommateurs, a permis à nombre d’entre eux de redécouvrir la mode de seconde main – qui s’est dans le même temps présentée comme une judicieuse alternative écologique.

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Ne pensez-vous pas que le succès de la mode vintage pourrait amener à plus long terme à une forme de saturation dans le marché?
Certes, la Suisse est un petit pays, mais les dénicheurs de vêtements de seconde main sont si rares qu’il y aura, même à long terme, encore de la place avant d’arriver à une forme de saturation. Et c’est une bonne nouvelle, car on entre enfin dans une ère où les Suisses se rendent compte que l’on peut révéler sa créativité, de manière durable et sans dépenser des sommes astronomiques.
Comment fait d’ailleurs Purple and Gold Rain pour fixer les prix de ses pièces en boutique?
Je me base tout d’abord sur des magasins financièrement accessibles à un.e étudiant.e, comme la fast-fashion (s’il est prêt à dépenser 80 francs pour un pull qui dure un an, il sera prêt à le faire pour un pull qui vivra encore 20 ans). Ensuite, je prends en compte tout le processus de dénichement: les gens pensent que récupérer signifie uniquement de trouver et vendre sans réflexion. Mais pas du tout. Les prix fixés dans ma boutique comprennent le déplacement – souvent dans un autre pays, voire un autre continent – le temps de recherche d’un tissu de qualité, le nettoyage en pressing et le repassage de la pièce. Maintenant que j’ai une boutique, il faut aussi compter les salaires à verser et le loyer à payer.
Même si j’offre de la mode de seconde main, pour moi, il est indispensable de proposer une expérience shopping aussi qualitative qu’un magasin de prêt-à-porter.
Alors que vous vous inspirez de la fast-fashion pour fixer vos prix, la fast-fashion s’inspire elle des boutiques de seconde-main pour lancer ses nouveaux vêtements. Craigniez-vous en ce sens que ce que vous vendez devienne mainstream?
C’est déjà un peu le cas et d’un côté, oui, cela me dérange. La mode vintage déniche des vêtements qui ont une histoire du fait d’être nés à une époque particulière et d’avoir traversé le temps. La fast-fashion ne vend que des réplicas qui annihile toute cette authenticité. Mais d’un autre côté, je me dis qu’au moins, l’intégration de la tendance vintage au sein de ce genre de magasins permettra au grand public de découvrir cet univers qui m’est si cher.
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Après avoir gagné le Prix du commerce genevois et ouvert une boutique physique, quels sont les prochains objectifs de Purple and Gold Rain?
J’en ai beaucoup. Parmi eux, il y a la mise en ligne de mon nouveau site internet, lequel proposera des pièces différentes de celles disponibles en boutique. Le but étant de faire découvrir Purple and Gold Rain à l’échelle internationale. Je pense également à lancer ma propre marque de vêtements d’upcycling. J’ai toujours fait de la customisation de pièces, mais l’idée serait de désormais développer cela à une plus grande échelle avec des collections entières.
… Dans l’idée de les faire défiler à la Fashion week?
Pourquoi pas (rires).
