Les bijoux de Frédérique Berman

Découvrons des marques qui débordent de créativité et des savoir-faire particuliers qui méritent d’être connus! Plus que jamais, en cette période extrêmement difficile, nous les soutenons.

ELLE SUISSE. Frédérique, où êtes-vous basée?

FRÉDÉRIQUE BERMAN. Après une première partie de vie passée à Paris, je suis installée et travaille à Genève, en Vieille-Ville, depuis 2013.

Quand avez-vous lancé votre marque de bijoux?

L’idée de la marque a commencé à germer en 2016. J’ai pris le temps d’étudier le projet sous tous ses aspects, de me former et les premiers prototypes sont apparus en juin 2018. En 2019, j’ai créé ma société.

Quelles ont été vos motivations?

Les bijoux ont toujours fait partie de mon univers, affectivement et culturellement. D’autre part, depuis l’enfance, j’ai le goût et l’habitude de dessiner. J’ai évolué dans un milieu professionnel et amical qui par chance me mettait souvent en contact avec de beaux bijoux anciens, des pièces de collection et de belles pierres. L’envie de créer ma marque m’aura pris du temps, mais elle est arrivée soudain comme une évidence. En regardant des pierres, j’ai vu des projets de bijoux, j’ai commencé à les dessiner et je n’arrête plus!

Que faisiez-vous avant?

Je suis diplômée en histoire de l’art et la première partie de ma carrière a été consacrée au négoce d’antiquités, d’objets d’art et de tableaux. Je continue d’être passionnée d’art et d’arts décoratifs, d’architecture et d’objets. Je considère que les bijoux sont des objets d’art. La transition était donc pour moi naturelle. Je garde de mon ancien métier une profonde imprégnation visuelle et culturelle qui m’inspire chaque jour.

Quel est l’esprit de votre marque?

La marque propose des pièces réellement précieuses et raffinées mais facilement portables au quotidien. Une élégance sans ostentation, du luxe sans logo et toujours une dose de second degré… Légèreté, préciosité, singularité et humour font partie de mes maîtres mots.

Quelles sont vos inspirations?

Tout m’inspire! J’ai une sorte de vigilance visuelle permanente et quelques grands thèmes reviennent souvent: le monde marin, la Méditerranée et ses civilisations, les symboles, les porte-bonheur, la spiritualité et les chakras. Je me nourris aussi beaucoup du glamour hollywoodien des années 30 à 50, de l’univers des maharajahs et des anciennes collections de bijoux des couronnes européennes.

Qui sont vos clientes?

Je n’aime pas trop parler de «clientes types» car chacune a ses propres spécificités. S’il fallait leur trouver un dénominateur commun, ce serait l’indépendance et le goût pour une singularité discrète mais affirmée. Mes clientes deviennent souvent mes amies. Elles aiment mon travail et se retrouvent dans mes valeurs. La relation se construit autour des projets. Je dois regarder la personne, l’écouter, la deviner pour savoir ce que je vais dessiner pour elle. Chaque projet est une belle aventure de co-création, car j’adore impliquer ma cliente ou mon client.

Quel est votre processus de création et fabrication?

Tout part d’un dessin ou plutôt de dizaines de dessins! Que la demande soit une pierre spéciale, une commande précise ou un projet de création pure, les dessins vont servir à chercher la bonne proportion, tester des options, éliminer les formes ratées pour arriver à un résultat portable et techniquement réalisable. Alors je refais le dessin, à l’échelle, sur papier millimétré, en essayant de montrer le bijou sous tous ses angles. C’est ce dessin que je vais donner à l’atelier de bijouterie. L’artisan, selon le projet, apporte parfois quelques adaptations techniques, suggestions ou améliorations. Nous faisons ensuite une maquette en cire ou en imagerie 3D. Viennent ensuite les étapes traditionnelles de la fonte, des finitions et du sertissage, opérations manuelles toujours réalisées dans les règles de l’art de la haute joaillerie.

Si vous deviez choisir une égérie, ce serait qui?

J’ai la chance d’avoir pour mannequin Eleonor Picciotto, fondatrice de «The Eye of Jewelry», une boutique en ligne. Elle est une femme d’influence qui incarne une beauté naturellement élégante et légèrement singulière, idéale à mes yeux. Dans mes rêves, je demanderais volontiers à Isabelle Huppert ou Julianne Moore de me représenter; des femmes très belles, indépendantes et créatives maîtrisant leur style. Je verrais aussi volontiers mes bijoux portés par des hommes. À l’Instar de Karl Lagerfeld qui portait avec grâce et masculinité des bijoux de Boivin et Belperron, j’adorerais que Viggo Mortensen ou Joaquin Phoenix posent pour moi avec un petit rang de perles sur leur tee-shirt ou une broche sur leur veste. Les hommes ont toujours porté des bijoux jusqu’à la fin du XVIIIe siècle et c’était si beau!

Qui sont vos icônes mode?

Chanel, sans hésiter et depuis toujours. Dès l’enfance, j’ai tout lu sur son histoire. Son style, qui est aussi une attitude a ceci de génial: tout le monde peut «s’habiller Chanel» sans jamais acheter de Chanel. Un style basé sur la juste proportion, un sens du confort, l’intégration d’éléments masculins et sportswear, une élégance précise, une palette, un sens du luxe des matières et toujours des poches aux jupes et robes pour l’attitude! J’admire aussi Monsieur Alaïa, immense artiste caché sous son masque d’humble artisan. Il ne cessera jamais de m’impressionner par son sens de la proportion, du confort et de la mise en valeur du corps.

Comment vivez-vous cette crise?

Je suis prise au dépourvu, comme la plupart d’entre nous. Je me sens freinée dans mon élan, interrompue dans mes efforts de développement. Les ateliers ne travaillent plus, je ne peux plus rencontrer mes clientes pour m’occuper de leurs commandes, les magasins dépositaires de mes bijoux sont fermés et le salon Jewels Basel auquel je devais participer fin avril est annulé. À première vue, c’est une catastrophe. Cependant, les signes d’espoir sont forts. Je garde le lien avec ma clientèle; plusieurs événements, dont le superbe salon GemGenève, sont en préparation pour une seconde partie d’année qui devrait voir l’activité reprendre progressivement…

Comment imaginez-vous l’après Covid-19?

Je suis consciente du changement radical que cette crise va imprimer sur notre société, en termes de consommation notamment. Le bijou n’est pas un bien de première nécessité, mais il existe depuis la nuit des temps. Sa valeur esthétique et symbolique demeure. Son attractivité reviendra quand les gens reprendront confiance et quand l’envie de plaisir, de beauté et de légèreté aidera à réparer le traumatisme de cette pénible période.

Quelle est votre devise?

En temps normal, je prêche pour «des bijoux précieux, mais pas sérieux». À l’heure actuelle, j’ai envie d’ajouter: Courage… Sourions!

www.frederiqueberman.com