Rencontre avec Natacha Koutchoumov

17 mars 2021 · Modifié · Anne-Marie Philippe

L’actrice, metteur en scène et codirectrice de la Comédie de Genève, farouche et éclatante, se dit heureuse avec et malgré tout! La vie n’a pas toujours été clémente. Elle est, cependant, pour elle, un moteur puissant pour se dépasser.

Natacha Koutchoumov garde dans mon cœur de petite fille une rencontre étonnante. Dans son immeuble, une voisine, Marguerite, jouait du piano quatre à cinq heures par jour. Dès sa naissance, Natacha était bercée par sa musique. Et la belle connivence a grandi avec elle. Cette dame de qualité lui a transmis la passion de la musique et du théâtre. À l’époque, elle avait déjà un âge avancé et avait connu la troupe de Georges Pitoëff dont le théâtre de Genève porte le nom. Elle avait confiance et croyait en Natacha. «Quand certains affirment que les personnes âgées bloquent l’économie, ça m’interpelle. Même avec un âge conséquent, cette femme a influencé le cours de ma vie», confie la comédienne.

ELLE SUISSE. Quels sont vos rêves aujourd’hui?

NATACHA KOUTCHOUMOV. Je rêve que la Comédie de Genève ouvre ses portes! C’était le chantier du siècle, mais avec la crise sanitaire l’ouverture se profile plutôt en septembre. Le monde de la culture connaît une crise majeure et je rêve d’en voir le bout.

ELLE SUISSE. Réussir dans la vie, ce n’est pas réussir sa vie… et justement votre vie, qu’en pensez-vous?

N.K. Ma vie? Elle est passionnante, intense! Pour certains, elle pourrait être perçue comme difficile parce que mon enfant aîné de 13 ans souffre d’un autisme sévère. Cette épreuve, je la ressens comme une opportunité de me mesurer ainsi aux évènements difficiles de la vie. Il faut en accepter ses douleurs pour progresser. Et bizarrement, se surprendre soi-même. J’ai dû me remettre en question et accepter de ne pas être compatible avec un monde qui évolue à toute vitesse.  Aujourd’hui, je me réjouis de petits riens, un miniprogrès de mon fils autiste devient un exploit. Mon mari, père de mon deuxième enfant, l’élève et l’aime comme son fils. Nous avons vécu des émotions très fortes. Notre couple en est d’autant plus solide. Lorsque j’ai dû vivre la séparation avec le père de mon enfant aîné, j’étais prise de court. Mon modèle familial était bien loin de cela.

ELLE SUISSE. Aujourd’hui, êtes-vous une femme accomplie, en harmonie avec votre être profond?

N.K. L’art est la plus belle manière de se poser des questions. Il nous permet d’accéder au plus beau moyen de transformation et de connexion à notre être profond. C’est une quête assez passionnante.

ELLE SUISSE. Quelle a été la plus dure épreuve de votre vie?

N.K. Lorsque le diagnostic de mon fils est tombé. Une épreuve terrible. J’ai transformé ma colère en détermination. Je l’utilise pour faire bouger les choses. C’est un réflexe de survivant.

ELLE SUISSE. Vous enfermez-vous dans votre coquille ou avez-vous besoin de tous les êtres aimés pour surmonter votre chagrin?

N.K. Je m’enferme dans ma grotte. Je suis solitaire dans le chagrin.

ELLE SUISSE. Racontez-nous un grand bonheur inattendu.

N.K. Celui d’avoir pu fonder une famille harmonieuse. Mon deuxième enfant est un bonheur inattendu. Je peux m’émerveiller des concepts merveilleux de l’être humain en bonne santé, comme marcher, parler, faire de l’humour. Tout me semble miraculeux.

ELLE SUISSE. Quel serait pour vous le plus beau des cadeaux?

N.K. Connaître de réelles perspectives médicales pour mon fils aîné.

Et revoir le public! Se rencontrer, être ensemble, voir les gens se serrer dans les bras, se réunir au restaurant…

ELLE SUISSE. Votre plus belle histoire d’amour a un nom…

N.K. Il s’appelle Gabor! Et c’est l’homme de ma vie.

ELLE SUISSE. Êtes-vous jalouse ou vous évoluez dans l’amour avec une confiance aveugle?

N.K. Laissez libre cours à la jalousie, à quoi bon? Mon mari est une personne magnifique et pourtant je suis en confiance. La jalouse n’étant pas un trait de mon caractère, par chance, je n’ai pas à lutter.

ELLE SUISSE. Qu’est-ce qui pourrait vous interpeller ou révolter au quotidien?

N.K. Il y a tellement de choses!  La vulnérabilité n’est pas assez protégée. Je dois me battre au quotidien. Il existe une forme de révoltante maltraitance institutionnelle que j’ai pu constater à l’égard de mon fils. Il faudrait encadrer mieux les personnes en situation de handicap et nos aînés.

ELLE SUISSE. Avouez-nous vos plus belles qualités, les forces dont vous êtes fière.

N.K. Ma détermination et mon humour. Quand on me fait un reproche, j’y réfléchis et je me remets en question. Je suis passionnée, je fais mille choses en même temps, je suis infatigable dans mes passions.

ELLE SUISSE. Et vos défauts, ceux que vous aimeriez faire disparaître d’un coup de baguette magique…

N.K. Je devrais apprendre à me canaliser. Le défaut que J’aimerais vraiment corriger? Améliorer mes compétences sociales. Les contextes de sociabilité peuvent m’intimider énormément. J’aimerais être meilleure en amitié.

ELLE SUISSE. Les psychologues et les analystes, vous les fréquentez?

N.K. J’exploite différents accompagnements régulièrement, d’une manière ou d’une autre. Être un humain n’est pas toujours facile, l’expérience peut s’avérer compliquée.

ELLE SUISSE. La scène, le théâtre, c’est une thérapie?

N.K. Bien sûr. On peut exprimer ses émotions avec force et c’est libérateur. Sans compter que cela donne l’accès à une partie de soi différente. C’est passionnant car on peut oser.

ELLE SUISSE. La beauté, une arme fatale?

N.K. Je ne l’ai jamais ressenti comme tel. Être une jolie fille n’est pas une fin en soi.

C’est déjà heureux d’avoir deux jambes, deux bras et d’être en bonne santé. Voilà le vrai cadeau!

ELLE SUISSE. Avez-vous peur de vieillir?

N.K. C’est en cours! Donc trop tard pour la peur, j’assume!

ELLE SUISSE. Pourriez-vous dire que vous êtes une femme heureuse malgré et contre tout?

N.K. Je me sens une femme heureuse malgré et AVEC tout!

ELLE SUISSE. Une devise que vous feriez vôtre?

N.K. «Quand même…». C’est la devise que Sarah Bernhardt adopte alors que toute jeune comédienne elle doit surmonter un trac catastrophique qui menace son premier rôle. Ces deux mots deviennent par la suite le «mantra de force» de tous ses dépassements et de toutes ses confrontations à l’adversité. Elle refuse de se laisser déposséder du pouvoir de vaincre l’obstacle ou de laisser ses peurs gagner.

L’actrice, metteur en scène et codirectrice de la Comédie de Genève, farouche et éclatante, se dit heureuse avec et malgré tout! La vie n’a pas toujours été clémente. Elle est, cependant, pour elle, un moteur puissant pour se dépasser.

Natacha Koutchoumov garde dans mon cœur de petite fille une rencontre étonnante. Dans son immeuble, une voisine, Marguerite, jouait du piano quatre à cinq heures par jour. Dès sa naissance, Natacha était bercée par sa musique. Et la belle connivence a grandi avec elle. Cette dame de qualité lui a transmis la passion de la musique et du théâtre. À l’époque, elle avait déjà un âge avancé et avait connu la troupe de Georges Pitoëff dont le théâtre de Genève porte le nom. Elle avait confiance et croyait en Natacha. «Quand certains affirment que les personnes âgées bloquent l’économie, ça m’interpelle. Même avec un âge conséquent, cette femme a influencé le cours de ma vie», confie la comédienne.

ELLE SUISSE. Quels sont vos rêves aujourd’hui?

NATACHA KOUTCHOUMOV. Je rêve que la Comédie de Genève ouvre ses portes! C’était le chantier du siècle, mais avec la crise sanitaire l’ouverture se profile plutôt en septembre. Le monde de la culture connaît une crise majeure et je rêve d’en voir le bout.

ELLE SUISSE. Réussir dans la vie, ce n’est pas réussir sa vie… et justement votre vie, qu’en pensez-vous?

N.K. Ma vie? Elle est passionnante, intense! Pour certains, elle pourrait être perçue comme difficile parce que mon enfant aîné de 13 ans souffre d’un autisme sévère. Cette épreuve, je la ressens comme une opportunité de me mesurer ainsi aux évènements difficiles de la vie. Il faut en accepter ses douleurs pour progresser. Et bizarrement, se surprendre soi-même. J’ai dû me remettre en question et accepter de ne pas être compatible avec un monde qui évolue à toute vitesse.  Aujourd’hui, je me réjouis de petits riens, un miniprogrès de mon fils autiste devient un exploit. Mon mari, père de mon deuxième enfant, l’élève et l’aime comme son fils. Nous avons vécu des émotions très fortes. Notre couple en est d’autant plus solide. Lorsque j’ai dû vivre la séparation avec le père de mon enfant aîné, j’étais prise de court. Mon modèle familial était bien loin de cela.

ELLE SUISSE. Aujourd’hui, êtes-vous une femme accomplie, en harmonie avec votre être profond?

N.K. L’art est la plus belle manière de se poser des questions. Il nous permet d’accéder au plus beau moyen de transformation et de connexion à notre être profond. C’est une quête assez passionnante.

ELLE SUISSE. Quelle a été la plus dure épreuve de votre vie?

N.K. Lorsque le diagnostic de mon fils est tombé. Une épreuve terrible. J’ai transformé ma colère en détermination. Je l’utilise pour faire bouger les choses. C’est un réflexe de survivant.

ELLE SUISSE. Vous enfermez-vous dans votre coquille ou avez-vous besoin de tous les êtres aimés pour surmonter votre chagrin?

N.K. Je m’enferme dans ma grotte. Je suis solitaire dans le chagrin.

ELLE SUISSE. Racontez-nous un grand bonheur inattendu.

N.K. Celui d’avoir pu fonder une famille harmonieuse. Mon deuxième enfant est un bonheur inattendu. Je peux m’émerveiller des concepts merveilleux de l’être humain en bonne santé, comme marcher, parler, faire de l’humour. Tout me semble miraculeux.

ELLE SUISSE. Quel serait pour vous le plus beau des cadeaux?

N.K. Connaître de réelles perspectives médicales pour mon fils aîné.

Et revoir le public! Se rencontrer, être ensemble, voir les gens se serrer dans les bras, se réunir au restaurant…

ELLE SUISSE. Votre plus belle histoire d’amour a un nom…

N.K. Il s’appelle Gabor! Et c’est l’homme de ma vie.

ELLE SUISSE. Êtes-vous jalouse ou vous évoluez dans l’amour avec une confiance aveugle?

N.K. Laissez libre cours à la jalousie, à quoi bon? Mon mari est une personne magnifique et pourtant je suis en confiance. La jalouse n’étant pas un trait de mon caractère, par chance, je n’ai pas à lutter.

ELLE SUISSE. Qu’est-ce qui pourrait vous interpeller ou révolter au quotidien?

N.K. Il y a tellement de choses!  La vulnérabilité n’est pas assez protégée. Je dois me battre au quotidien. Il existe une forme de révoltante maltraitance institutionnelle que j’ai pu constater à l’égard de mon fils. Il faudrait encadrer mieux les personnes en situation de handicap et nos aînés.

ELLE SUISSE. Avouez-nous vos plus belles qualités, les forces dont vous êtes fière.

N.K. Ma détermination et mon humour. Quand on me fait un reproche, j’y réfléchis et je me remets en question. Je suis passionnée, je fais mille choses en même temps, je suis infatigable dans mes passions.

ELLE SUISSE. Et vos défauts, ceux que vous aimeriez faire disparaître d’un coup de baguette magique…

N.K. Je devrais apprendre à me canaliser. Le défaut que J’aimerais vraiment corriger? Améliorer mes compétences sociales. Les contextes de sociabilité peuvent m’intimider énormément. J’aimerais être meilleure en amitié.

ELLE SUISSE. Les psychologues et les analystes, vous les fréquentez?

N.K. J’exploite différents accompagnements régulièrement, d’une manière ou d’une autre. Être un humain n’est pas toujours facile, l’expérience peut s’avérer compliquée.

ELLE SUISSE. La scène, le théâtre, c’est une thérapie?

N.K. Bien sûr. On peut exprimer ses émotions avec force et c’est libérateur. Sans compter que cela donne l’accès à une partie de soi différente. C’est passionnant car on peut oser.

ELLE SUISSE. La beauté, une arme fatale?

N.K. Je ne l’ai jamais ressenti comme tel. Être une jolie fille n’est pas une fin en soi.

C’est déjà heureux d’avoir deux jambes, deux bras et d’être en bonne santé. Voilà le vrai cadeau!

ELLE SUISSE. Avez-vous peur de vieillir?

N.K. C’est en cours! Donc trop tard pour la peur, j’assume!

ELLE SUISSE. Pourriez-vous dire que vous êtes une femme heureuse malgré et contre tout?

N.K. Je me sens une femme heureuse malgré et AVEC tout!

ELLE SUISSE. Une devise que vous feriez vôtre?

N.K. «Quand même…». C’est la devise que Sarah Bernhardt adopte alors que toute jeune comédienne elle doit surmonter un trac catastrophique qui menace son premier rôle. Ces deux mots deviennent par la suite le «mantra de force» de tous ses dépassements et de toutes ses confrontations à l’adversité. Elle refuse de se laisser déposséder du pouvoir de vaincre l’obstacle ou de laisser ses peurs gagner.