Le 1er novembre prochain, la cantatrice bulgare se produira au victoria hall, à Genève, pour un récital intimiste. Un retour aux sources pour la star de l’opéra dont la carrière a débuté dans la cité de Calvin au début des années 2000.

Pour Sonya Yoncheva, tout a commencé à Genève. À l’âge de 19 ans, elle décidait de quitter sa ville natale de Plovdiv, sur les conseils de sa professeure de chant, pour s’inscrire au Conservatoire. Quatre ans plus tard, elle interprétait son premier rôle sur la scène du Grand Théâtre: Isabelle dans «L’inganno felice» de Rossini. Depuis, la Suisse est devenue son pays d’adoption, sa base arrière. Là où la star de l’opéra se ressource avec son mari, le chef d’orchestre Domingo Hindoyan, et ses deux enfants, Mateo et Sophia. Là où elle a traversé la crise sanitaire…

ELLE SUISSE. Votre nouvel album s’appelle «Rebirth». Pourquoi ce titre?

SONYA YONCHEVA. Ce disque, je rêvais de l’enregistrer depuis plus de dix ans. J’ai toujours été fascinée par la Renaissance: sa musique me fait vibrer, par sa sonorité simple, mais chargée d’harmonies et de dissonances. L’occasion ne s’était jamais présentée jusque-là, il fallait d’abord sortir d’autres albums pour me faire connaître d’un plus large public. On s’est finalement lancé en juin 2020, dès que la première fenêtre s’est ouverte. Comme on ne pouvait pas voyager, on a décidé de produire un album 100% suisse. Et la première personne que j’ai contactée, c’est Leonardo Garcia Alarcón, un ami depuis vingt ans, avec lequel j’avais travaillé alors que j’étais encore étudiante au Conservatoire de Genève. Nous avons enregistré dans cette salle mythique à La Chaux-de-Fonds, où Freddie Mercury, Montserrat Caballé et Luciano Pavarotti sont aussi passés. 

ELLE SUISSE Comment avez-vous traversé cette pandémie en tant qu’artiste?

S.Y. J’ai été attristée par tout ce qui se passait. De mon côté, je me suis sentie privilégiée. Quand les théâtres ont pu rouvrir, l’été dernier, j’ai fait partie des artistes qu’on a appelés en premier. Malheureusement, plusieurs de mes amis n’ont pas eu cette chance, certains ont même vécu des moments tragiques dans leur vie privée. J’ai donc décidé de créer quelque chose, avec Rolex, pour les soutenir. Un projet baptisé «Perpetual Music» qui nous a permis d’organiser trois concerts et de donner du travail à une centaine de personnes.

ELLE SUISSE. Quel bilan tirez-vous de cette opération?

S.Y. Avec ces trois concerts, on a pu verser une compensation à chaque artiste, la même pour tout le monde. Surtout, on a pu faire de la musique. Il n’y avait pas que des chanteurs d’opéra, il y avait des violoncellistes, des clarinettistes, des pianistes, des gens dont j’apprécie le talent et à qui je souhaitais tendre la main. Je ne parle pas que d’argent, le simple fait d’être ensemble sur scène était important. Aider, c’est une manière de rester unis!

ELLE SUISSE. Beaucoup de spectacles et d’opéras se sont déroulés en streaming. Quel regard portez-vous sur ce phénomène?

S.Y. C’est un exercice compliqué, car le public fait partie intégrante du spectacle vivant. Ne pas l’avoir dans la salle et donner la même émotion sur scène, ce n’était pas facile. Au départ, on était juste heureux de faire notre métier. Mais, avec les mois, les choses ont commencé à peser. J’ai aussi vu qu’on partait dans une direction dangereuse. Les spectacles devenaient trop facilement accessibles sur le Net, je pensais que cela ne nous aiderait pas à faire revenir les spectateurs dans les salles. Aujourd’hui, je suis rassurée, les gens achètent toujours leurs billets…

ELLE SUISSE. Vous allez chanter au Victoria Hall le 1er novembre. Une salle que vous connaissez bien…

S.Y. Oui, j’y ai fait pas mal de choses. L’acoustique est merveilleuse, et malgré sa capacité de 1500 places, cette salle reste très intime.

ELLE SUISSE. Dans quel exercice êtes-vous le plus à l’aise: l’opéra ou le récital?

S.Y. Les deux, je pense… Lorsqu’on donne des récitals, le public est autorisé à ne voir que l’artiste, et non plus le personnage que l’on interprète. Quand on se glisse dans le costume d’une autre femme, on a toujours l’option de se cacher derrière. Un récital, c’est plus intime, parce qu’on a un contact direct avec les spectateurs. Énergiquement et émotionnellement, on s’offre plus.

ELLE SUISSE. Quels souvenirs gardez-vous de vos premières années à Genève?

S.Y. J’ai été étonnée de voir combien la Suisse est différente de la Bulgarie. La Bulgarie, c’est un chaos, il y a des bruits partout, les gens sont exubérants, tout est exagéré et multiplié par dix. On arrive ici et on a le sentiment que tout est bien ordonné, les gens sont respectueux, et je me suis tout de suite sentie à ma place. J’ai beaucoup aimé cette différence. Peut-être parce que je suis Capricorne et que l’ordre est important pour moi.

ELLE SUISSE. Ces premières années ont pourtant été difficiles. Vous n’aviez pas grand-chose…

S.Y. Je n’avais rien du tout. J’ai d’abord dû me reconstruire. À un moment, j’ai pensé que je ne réussirai pas, tout me semblait interminable. J’ai dû m’adapter, apprendre la langue française, j’ai un peu oublié que j’étais venue ici pour chanter. Je devais commencer par survivre avant de pouvoir penser à ma voix… Et puis, j’ai eu un déclic, je me suis concentrée sur ce que je suis venue faire en Suisse et, à ce moment-là, j’ai rencontré des gens d’une grande valeur humaine.

ELLE SUISSE. Êtes-vous active en Bulgarie pour soutenir les jeunes talents?

S.Y. L’an dernier, en pleine crise sanitaire, je suis rentrée chez moi pour organiser un concert dans ma ville natale, à Plovdiv. Là, j’ai eu envie de promouvoir les nouveaux talents en Bulgarie. J’ai donc mis sur pied un concours, j’ai reçu des dizaines de candidatures, c’était fascinant. J’ai fini par sélectionner un garçon d’une vingtaine d’années, une basse, que j’ai invité à me rejoindre sur scène pour chanter avec moi. J’ai appris récemment qu’il avait été choisi par la Scala de Milan pour entrer dans l’académie.