Rencontre avec Ajla Del Ponte

10 décembre 2021 · Modifié · Bertrand Monnard

Ajla Del Ponte a été en 2020 la révélation du sport suisse en prenant une exceptionnelle 5e place sur 100 mètres aux JO de Tokyo. Elle nous parle de tout, de cet exploit, de son Tessin natal, de ses études et de l’amour aussi…

À 25 ans, Ajla Del Ponte, la sprinteuse tessinoise, vient de réussir une saison hors du commun qui l’a propulsée au sommet du sport mondial. Sa 5e place sur 100 mètres aux JO de Tokyo, la discipline reine de l’athlétisme, a fait chavirer tout le pays. Elle a aussi battu le record suisse dans le temps supersonique de 10’90, en crevant le plafond mythique des 11 secondes. Et particularité pour une athlète de ce niveau, elle continue à mener parallèlement des brillantes études de lettres à l’Uni de Lausanne. La tête et les jambes, comme une évidence.

ELLE SUISSE. À QUOI AVEZ-VOUS PENSÉ JUSTE APRÈS VOTRE EXPLOIT DE TOKYO?

AJLA DEL PONTE. Être en finale était déjà énorme. Alors quand j’ai regardé le tableau lumineux et que j’ai vu que j’étais 5e juste derrière les Jamaïcaines, je n’ai pas trouvé les mots. Je me suis juste dit: «Waouh!»

ELLE SUISSE. LA 4E PLACE, AU PIED DU PODIUM, AVEC LE RELAIS A, EN REVANCHE, ÉTÉ UNE DÉCEPTION?

A. D. P. Oui. Cela fait cinq ans qu’on y travaillait. On avait déjà fini 4e aux Mondiaux de Doha en 2019. Cette médaille, nous avions la capacité, le talent pour l’obtenir.

ELLE SUISSE. AUJOURD’HUI, VOUS ÊTES LA PLUS GRANDE STAR DU SPORT FÉMININ SUISSE AVEC LARA GUT, UNE AUTRE TESSINOISE. VOTRE VIE A DÛ CHANGER?

A. D. P. Oui énormément. Au Tessin notamment, en me croisant, il y a plein de gens qui se retournent en se disant: «Mais c’est Ajla.» Mais ceux qui me connaissent depuis toute petite savent qu’au fond je n’ai pas changé.

ELLE SUISSE. DANS SON HISTOIRE, LE SPORT SUISSE A ÉTÉ MARQUÉ PAR DES GRANDS DUELS: KÜBLER-KOBLET EN CYCLISME, RUSSI-COLLOMBIN À SKI ET MAINTENANT VOUS ET MUJINGA KAMBUNDJI EN SPRINT. QUELLES SONT VOS RELATIONS?

A. D. P. Il faut distinguer la piste et la vie en dehors. Sur la piste, on est amies avec personne, on est là pour gagner et c’est tout. Avec Mujinga, on dispute le relais ensemble depuis 2016. Il nous arrive souvent d’aller boire des cafés toutes les deux, il n’y a aucun problème entre nous. Et puis en sport, les rivalités poussent à devenir meilleurs, à grandir.

ELLE SUISSE. QUAND VOTRE ENTRAÎNEUR LAURENT MEUWLY A ÉTÉ NOMMÉ EN HOLLANDE VOUS L’AVEZ SUIVI SUR PLACE, QUITTE À MULTIPLIER LES DEPLACEMENTS. IL EST L’HOMME CLÉ DE VOTRE CARRIÈRE?

A. D. P. En 2015, quand, encore totalement inconnue, je lui ai demandé de pouvoir travailler avec lui, il m’a regardé avec étonnement, du genre «mais t’es qui toi?» Mais il a accepté. Sans lui, je n’aurais jamais atteint cette finale olympique. Après Tokyo, je lui ai d’ailleurs écrit une lettre pour le remercier.

ELLE SUISSE. ET QUE VOUS APPORTE VOTRE COACH MENTAL?

A. D. P. Pendant longtemps, j’ai été trop gentille. Il m’a appris à être plus incisive sur la piste. Au départ du 100 mètres à Tokyo, il a vu dans mon regard que j’étais prête. Je vais poursuivre avec lui au moins jusqu’aux JO de Paris en 2024.

ELLE SUISSE. CONTRAIREMENT À QUASI TOUTES VOS CONCURRENTES QUI SONT PROS À 100%, VOUS POURSUIVEZ DES ÉTUDES DE LETTRES À L’UNI DE LAUSANNE.

A. D. P. J’en ai toujours eu besoin pour mon équilibre. Mais une fois que j’aurai mon master en poche au printemps prochain, en principe, je me consacrerai totalement à l’athlétisme pendant quelque temps.

ELLE SUISSE. VOTRE MASTER, VOUS LE CONSACREZ À UN SUJET TRÈS POINTU: LA POÉSIE ITALIENNE AU XVIE SIÈCLE.

A. D. P. C’est un directeur de mémoire qui me l’a proposé et j’ai tout de suite croché. On travaille notamment sur les manuscrits de la famille Farnese, en essayant de les replacer dans leur contexte. Je suis totalement passionnée.

ELLE SUISSE. VOS CAMARADES DE L’UNI VOUS SOUTIENNENT-ILS?

A. D. P. Oui et ce qu’ils écrivent sur les réseaux sociaux m’apportent toujours un petit supplément d’énergie. Lors du dernier meeting de la saison à Bellinzone, ils étaient nombreux à avoir fait le déplacement pour me soutenir, j’étais très touchée.

ELLE SUISSE. AUJOURD’HUI, VOUS ÊTES L’AMBASSADRICE DE LA RÉGION ASCONA-LOCARNO, CELLE DE VOTRE ENFANCE.

A. D. P. Oui et j’en suis très fière, car j’y reste très attachée. J’adore notamment me promener sur la Piazza d’Ascona avec tous ses restaurants longeant le lac. Dès que je le peux, je retourne à la maison chez mes parents et ça me fait du bien. J’aime aussi aller à Bignasco ce tout petit village de 300 habitants de la vallée Maggia où j’ai passé mon enfance. Et la polenta reste mon plat préféré. Surtout celle dont je me régale chaque fois que je me rends chez mes grands-parents.

ELLE SUISSE. VOTRE MAMAN MÉDECIN EST ORIGINAIRE DE BOSNIE. COMME LES FOOTBALLEURS DE LA NATI, VOUS SYMBOLISEZ UNE SUISSE MULTICULTURELLE?

A. D. P. Ma langue maternelle est le bosnien. Je suis très fière de mes origines, de représenter cette Suisse si diverse. Malheureusement, avec mon agenda, je n’ai plus pu retourner en Bosnie depuis 2019.

ELLE SUISSE. PRÉCISEMENT, DANS CET AGENDA SURCHARGÉ, Y A-T-IL UNE PLACE POUR L’AMOUR?

A. D. P. Dante écrit dans «Paradiso» que «l’amour est le moteur de l’univers» et j’y souscris totalement. Ce thème occupe une large place la poésie italienne. Il n’y a rien de plus beau que d’être avec quelqu’un qu’on aime. L’amour aura toujours sa place dans ma vie.

Ajla Del Ponte a été en 2020 la révélation du sport suisse en prenant une exceptionnelle 5e place sur 100 mètres aux JO de Tokyo. Elle nous parle de tout, de cet exploit, de son Tessin natal, de ses études et de l’amour aussi…

À 25 ans, Ajla Del Ponte, la sprinteuse tessinoise, vient de réussir une saison hors du commun qui l’a propulsée au sommet du sport mondial. Sa 5e place sur 100 mètres aux JO de Tokyo, la discipline reine de l’athlétisme, a fait chavirer tout le pays. Elle a aussi battu le record suisse dans le temps supersonique de 10’90, en crevant le plafond mythique des 11 secondes. Et particularité pour une athlète de ce niveau, elle continue à mener parallèlement des brillantes études de lettres à l’Uni de Lausanne. La tête et les jambes, comme une évidence.

ELLE SUISSE. À QUOI AVEZ-VOUS PENSÉ JUSTE APRÈS VOTRE EXPLOIT DE TOKYO?

AJLA DEL PONTE. Être en finale était déjà énorme. Alors quand j’ai regardé le tableau lumineux et que j’ai vu que j’étais 5e juste derrière les Jamaïcaines, je n’ai pas trouvé les mots. Je me suis juste dit: «Waouh!»

ELLE SUISSE. LA 4E PLACE, AU PIED DU PODIUM, AVEC LE RELAIS A, EN REVANCHE, ÉTÉ UNE DÉCEPTION?

A. D. P. Oui. Cela fait cinq ans qu’on y travaillait. On avait déjà fini 4e aux Mondiaux de Doha en 2019. Cette médaille, nous avions la capacité, le talent pour l’obtenir.

ELLE SUISSE. AUJOURD’HUI, VOUS ÊTES LA PLUS GRANDE STAR DU SPORT FÉMININ SUISSE AVEC LARA GUT, UNE AUTRE TESSINOISE. VOTRE VIE A DÛ CHANGER?

A. D. P. Oui énormément. Au Tessin notamment, en me croisant, il y a plein de gens qui se retournent en se disant: «Mais c’est Ajla.» Mais ceux qui me connaissent depuis toute petite savent qu’au fond je n’ai pas changé.

ELLE SUISSE. DANS SON HISTOIRE, LE SPORT SUISSE A ÉTÉ MARQUÉ PAR DES GRANDS DUELS: KÜBLER-KOBLET EN CYCLISME, RUSSI-COLLOMBIN À SKI ET MAINTENANT VOUS ET MUJINGA KAMBUNDJI EN SPRINT. QUELLES SONT VOS RELATIONS?

A. D. P. Il faut distinguer la piste et la vie en dehors. Sur la piste, on est amies avec personne, on est là pour gagner et c’est tout. Avec Mujinga, on dispute le relais ensemble depuis 2016. Il nous arrive souvent d’aller boire des cafés toutes les deux, il n’y a aucun problème entre nous. Et puis en sport, les rivalités poussent à devenir meilleurs, à grandir.

ELLE SUISSE. QUAND VOTRE ENTRAÎNEUR LAURENT MEUWLY A ÉTÉ NOMMÉ EN HOLLANDE VOUS L’AVEZ SUIVI SUR PLACE, QUITTE À MULTIPLIER LES DEPLACEMENTS. IL EST L’HOMME CLÉ DE VOTRE CARRIÈRE?

A. D. P. En 2015, quand, encore totalement inconnue, je lui ai demandé de pouvoir travailler avec lui, il m’a regardé avec étonnement, du genre «mais t’es qui toi?» Mais il a accepté. Sans lui, je n’aurais jamais atteint cette finale olympique. Après Tokyo, je lui ai d’ailleurs écrit une lettre pour le remercier.

ELLE SUISSE. ET QUE VOUS APPORTE VOTRE COACH MENTAL?

A. D. P. Pendant longtemps, j’ai été trop gentille. Il m’a appris à être plus incisive sur la piste. Au départ du 100 mètres à Tokyo, il a vu dans mon regard que j’étais prête. Je vais poursuivre avec lui au moins jusqu’aux JO de Paris en 2024.

ELLE SUISSE. CONTRAIREMENT À QUASI TOUTES VOS CONCURRENTES QUI SONT PROS À 100%, VOUS POURSUIVEZ DES ÉTUDES DE LETTRES À L’UNI DE LAUSANNE.

A. D. P. J’en ai toujours eu besoin pour mon équilibre. Mais une fois que j’aurai mon master en poche au printemps prochain, en principe, je me consacrerai totalement à l’athlétisme pendant quelque temps.

ELLE SUISSE. VOTRE MASTER, VOUS LE CONSACREZ À UN SUJET TRÈS POINTU: LA POÉSIE ITALIENNE AU XVIE SIÈCLE.

A. D. P. C’est un directeur de mémoire qui me l’a proposé et j’ai tout de suite croché. On travaille notamment sur les manuscrits de la famille Farnese, en essayant de les replacer dans leur contexte. Je suis totalement passionnée.

ELLE SUISSE. VOS CAMARADES DE L’UNI VOUS SOUTIENNENT-ILS?

A. D. P. Oui et ce qu’ils écrivent sur les réseaux sociaux m’apportent toujours un petit supplément d’énergie. Lors du dernier meeting de la saison à Bellinzone, ils étaient nombreux à avoir fait le déplacement pour me soutenir, j’étais très touchée.

ELLE SUISSE. AUJOURD’HUI, VOUS ÊTES L’AMBASSADRICE DE LA RÉGION ASCONA-LOCARNO, CELLE DE VOTRE ENFANCE.

A. D. P. Oui et j’en suis très fière, car j’y reste très attachée. J’adore notamment me promener sur la Piazza d’Ascona avec tous ses restaurants longeant le lac. Dès que je le peux, je retourne à la maison chez mes parents et ça me fait du bien. J’aime aussi aller à Bignasco ce tout petit village de 300 habitants de la vallée Maggia où j’ai passé mon enfance. Et la polenta reste mon plat préféré. Surtout celle dont je me régale chaque fois que je me rends chez mes grands-parents.

ELLE SUISSE. VOTRE MAMAN MÉDECIN EST ORIGINAIRE DE BOSNIE. COMME LES FOOTBALLEURS DE LA NATI, VOUS SYMBOLISEZ UNE SUISSE MULTICULTURELLE?

A. D. P. Ma langue maternelle est le bosnien. Je suis très fière de mes origines, de représenter cette Suisse si diverse. Malheureusement, avec mon agenda, je n’ai plus pu retourner en Bosnie depuis 2019.

ELLE SUISSE. PRÉCISEMENT, DANS CET AGENDA SURCHARGÉ, Y A-T-IL UNE PLACE POUR L’AMOUR?

A. D. P. Dante écrit dans «Paradiso» que «l’amour est le moteur de l’univers» et j’y souscris totalement. Ce thème occupe une large place la poésie italienne. Il n’y a rien de plus beau que d’être avec quelqu’un qu’on aime. L’amour aura toujours sa place dans ma vie.