Créatrice de haute couture française, elle signe la co-création d’une montre Vacheron Constantin, dans la collection Egérie.
Elle s’est affranchie d’une éducation stricte, militaire, comme un garçon confie-t-elle, pour laisser fleurir une féminité exacerbée, à l’opposé de sa culture. Yiqing Yin sait poser son esprit et regarder le monde qui l’entoure, pour en tirer une certaine philosophie, empreinte d’une rare sagesse. Elle prône l’audace de se perdre un temps pour mieux se retrouver, et la quête perpétuelle d’un moi profond. Depuis quatre ans, elle est l’un des talents de la prestigieuse Maison horlogère Vacheron Constantin, un challenge qu’elle a accepté parce qu’elle admire tout ce qui porte l’émotion de la main humaine.
Réussir dans la vie, ce n’est pas réussir sa vie… Êtes-vous d’accord avec cela?
On passe beaucoup de temps à chasser des chimères, comme la réussite professionnelle, la richesse matérielle, une renommée… Alors que la vraie réussite réside selon moi dans la capacité à vivre en accord avec nos valeurs profondes, à cultiver des relations authentiques et épanouissantes, à trouver une satisfaction intérieure …
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Et justement êtes-vous toujours en accord avec cela?
J’essaie! Cela implique d’embrasser la responsabilité de ses choix, de ses comportements, de cultiver cette conscience pour naviguer avec un esprit libre, particulièrement dans la création. Ma vie a été assez nomade, inscrite dans une exploration constante, j’ai choisi de m’éloigner de chemins pré tracés, pour exploiter des horizons nouveaux.
Quelles qualités vous ont permis de réussir?
Pour rester créatif, il faut avoir un esprit mobile et entretenir une certaine distance avec les choses.
Se plonger dans un espace transitoire qui n’est ni avant, ni après, où l’on va lorsque l’on est vraiment affranchi de son passé, de son avenir, que l’identité peut se révéler librement. C’est ce qui me permet de rester curieuse, de me remettre en question, d’être impactée positivement par des choses que je ne connais pas encore, et d’être perméable à l’inspiration.
Que vous apprend le travail avec la maison Vacheron Constantin?
La haute horlogerie est dans sa technicité beaucoup moins fluide et intuitive, que la haute couture qui est abstraite. Là c’est un monde de rigueur, on a travaillé main dans la main, ils m’ont fait découvrir tout un métier, la minutie, la délicatesse de créer une montre, de trouver les solutions autour des contraintes, pour réussir à raconter l’histoire que je voulais, tout en préservant leurs codes et ceux de la collection égérie. C’est agréable de travailler avec des gens qui ont l’audace de soutenir des idées pionnières, qui font appel à des savoir faire et expertises différentes…
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Parlez-nous de votre dernière co-création, la montre The Pleats of Time, a concept watch, dans la collection égérie de Vacheron Constantin.
Je voulais décrire un rapport intime au temps et une expérience sensorielle. Il me tenait à cœur d’épurer de sa linéarité le cadran, pour laisser place à un mouvement, un rythme, avec des couleurs évanescentes. Le bracelet est orné d’une fine broderie d’art, où des éclats de nacre s’incrustent entre les fils de soie. Je trouvais également très poétique d’imprégner le temps d’une dimension olfactive, alors nous avons créé un bracelet micro encapsulé avec le maître parfumeur Dominique Ropion.
Qu’est-ce qui vous inspire?
La nature, ses formes, les éléments en transformation permanente, la luminosité, les reflets, la magie de la nature, son pouls, les mouvements de l’air de l’eau, la fluidité…
Aujourd’hui, êtes-vous une femme en harmonie avec votre être profond?
Plus qu’hier… Je travaille activement à créer les outils qui me permettent de m’approcher de cette harmonie. C’est le travail d’une vie, c’est passionnant et c’est vertigineux comme quête!
Quelle a été l’épreuve la plus difficile de votre vie?
Tous les grands abondants de la vie, qu’ils aient été volontaires, familiaux, circonstanciels. Je pense notamment à la perte d’un être cher… Lorsqu’il faut cultiver la résilience et trouver un endroit où regarder qui puisse dépasser la douleur, et donner à nouveau de l’espérance.
Ce sont des moments comme ceux-ci qui m’ont amenée à trouver quelque chose en moi que je ne connaissais pas, une force, une foi…
Votre plus grande fierté?
Ma fille qui a 5 ans! Elle a une capacité extraordinaire à s’émerveiller de toute chose, à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Elle est mon petit-maître, j’apprends beaucoup en l’observant. Avant de devenir parent, on vit avec une certaine forme d’égoïsme et puis tout à coup, on est au service de quelque chose de plus grand que nous, qui donne un sens, une espérance, beaucoup de courage. On vit plus grand!
Quel serait pour vous le plus beau des cadeaux?
Le pardon, parce que c’est peut-être le plus difficile, le courage de pardonner à quelqu’un qui a fait du mal, de se pardonner à soi-même… c’est se libérer.
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Qu’est-ce qui vous interpelle ou vous révolte au quotidien?
L’injustice de façon générale, l’écrasement des plus faibles par les plus forts en toute impunité…
Le travail, c’est une thérapie?
Ça l’a été. Souvent les métiers créatifs amènent à ces états d’«over concentration», c’est une annulation de tout ce qu’il y a autour. Le travail peut nous permettre de grandir à condition de tenir une certaine distance, pour ne pas que cela devienne toxique!
Pourriez-vous dire que vous êtes une femme heureuse envers et contre tout?
Heureuse mais toujours insatisfaite… c’est propre aux créateurs!
Une devise que vous feriez vôtre?
Il faut croire aux accidents de la vie, il faut même les investir pour espérer découvrir quelque chose qui pourrait nous dépasser!