Vingt ans plus tard, les choses semblent un peu familières dans quasiment tous les domaines. Edito.
Quand vous êtes-vous sentie « vieille » pour la première fois? Laissez-nous deviner: ce n’est ni en découvrant les douleurs lancinantes du dos, ni en cédant aux charmes des injections esthétiques, ni même en voyant votre jeune sœur embrasser la maternité. Ce n’est pas non plus lorsque vous avez enfin compris que les cartes de crédit n’étaient pas des distributeurs de billets magiques. Non, le véritable coup de vieux s’est très certainement manifesté lorsque vous avez commencé à vous dire: « Je me souviens comme si c’était la première fois » avec une régularité déconcertante. Cette phrase évoque les multiples tendances des années 2000 qui, comme un boomerang, reviennent en force aujourd’hui.
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L’année 2024 ressemble étrangement à 2004: cette année, le tube des Killers est devenu la chanson la plus vendue au Royaume-Uni sans jamais atteindre la première place ; l’examen minutieux de la relation entre J-Lo et Ben Affleck refait surface ; ou remplacez encore John Kerry par Joe Biden. Vous en voulez encore? Que dire de la programmation de Glastonbury cette année (Coldplay, Shania Twain, Avril Lavigne, Keane, Faithless) qui évoque des souvenirs familiers pour ceux qui ont délaissé les tendances musicales des deux dernières décennies? Pour les autres, le « Brat Girl Summer » (2024), écrit par Charli XCX, n’est-il pas une revanche des it-girls « sexy » des années 2000? Et avez-vous vu Ellie Bamber incarnant Kate Moss lors de sa légendaire fête de 30 ans dans un prochain biopic sur l’icône de Croydon? Pour quelque chose de toujours plus nostalgique, que dire de la photo de Lindsay Lohan et Jaime Lee Curtis sur le tournage de Freaky Friday 2, 21 ans après l’original?
Reste que c’est dans le domaine de la mode que les parallèles entre hier et aujourd’hui sont les plus flagrants. Malgré un cycle de tendances qui défile à une vitesse vertigineuse, le retour des années 2000 persiste avec une constance étonnante depuis quelques saisons. Cette résurgence adopte néanmoins souvent une approche très ironique, avec des pièces iconiques comme les survêtements Juicy, les casquettes Von Dutch et les strings apparents.
Aujourd’hui, une interprétation plus douce de cette époque émerge, reflétant sans doute la réalité de ceux d’entre nous qui ont vraiment vécu cette période et s’habillaient de cette façon. C’est une vision des années 2000 vue à travers les yeux d’une personne ordinaire, bien loin des extravagances des soirées relayées par Perez Hilton. On parle ici de sacs Mulberry et Balenciaga City, de jeans skinny (merci Miu Miu et Celine), de ballerines et, toujours prisé par les milléniaux, du style bohème de retour.
Les goûts pour l’été 2024 pourraient presque être interchangeables avec ceux de 2004. À l’époque, ou l’on portait des blouses amples, des lunettes de soleil énormes, de larges ceintures inutiles et des poignées de bracelets. Aujourd’hui, c’est toujours la même chose. On envie à nouveau les créations de Nicolas Ghesquière pour Balenciaga, Phoebe Philo pour Chloé et Tom Ford pour Gucci, et ces mêmes noms continuent de fasciner celles et ceux qui approchent pourtant de la quarantaine.
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Point idéal de nostalgie
Pourquoi alors cet engouement persistant pour cette tranche bien précise des années 2000? Voici une théorie, bien qu’elle concerne spécifiquement les femmes dans la trentaine et la quarantaine. Pour elles, c’est l’occasion de revisiter leur jeunesse, mais avec cette fois-ci l’accès à des finances et une carte d’identité. Elles enfilent ces J Brands et les accompagnent d’un Smirnoff Ice. Deuxièmement, d’une manière plus générale, cette période a quelque chose de particulièrement fascinant. Grâce à Internet, le monde semblait à la fois vaste et intime. Avant l’ère des réseaux sociaux tels que nous les connaissons aujourd’hui (Facebook n’a été lancé qu’en 2004), c’était un moment idéal pour communiquer, mais sans le partage excessif et les risques qui en découlent.
La technologie et Internet de cette époque rappellent un peu la cigarette dans les années 1960… Délicieux, à savourer sans crainte des conséquences, diront certains. Nous faisions des achats en ligne, mais sans la possibilité de tout commander depuis nos canapés, ce qui nous incitait à adopter un style plus personnel. Nous avions des téléphones et pouvions flirter et discuter via des SMS, avec une limite de caractères strictement rationnée selon les crédits restants, mais nous n’étions pas encore confrontés aux photos indésirables, au spam ou aux groupes WhatsApp épuisants.
Être une adolescente ou une jeune femme a toujours été une expérience profondément inconfortable, et nous n’en étions guère exemptes à l’époque (rappelez-vous: la tyrannie de la taille zéro, les magazines de célébrités qui épinglaient la cellulite et dressaient les femmes les unes contre les autres). Cependant, le début des années 2000 a – semble-t-il – été une période particulièrement propice pour être jeune ; si peu de conséquences, tant de possibilités. En 2004, si quelqu’un nous avait dit que Donald Trump deviendrait président dans quelques années, cela aurait été considéré comme une blague étrange et tout juste surréaliste.
Je suis peut-être en train de voir les choses à travers des lunettes roses. Mais c’est précisément pourquoi un écart de 20 ans est en quelque sorte un point idéal pour la nostalgie ; suffisamment proche pour avoir été vécu de première main, suffisamment éloigné pour être romancé. C’est comme regarder en arrière sur un ex avec une affection consolidée par le temps plutôt qu’une véritable affection: il est plus facile de repenser à celles d’il y a quelques relations que les plus récentes. Et c’est peut-être simplement le rythme inévitable des tendances. Aujourd’hui, on m’a rappelé que lors de ma fête de 18 ans en 2003, je portais une tenue inspirée des années 1980, soit un écart d’âge similaire de 20 ans. Comme le disait ma mère à une personne qui me connaissait bien à l’époque: « Je m’en souviens comme si c’était la première fois ».
Autrice: Laura Antonia Jordan
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com/uk. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.