Qui est derrière Augmented Weaving, le prix suisse de design 2024

17 juillet · Modifié · Melissa N'Dila

Un projet de recherche s’est vu récompensé en juin par la Confédération pour l’une de ses collections novatrices, entre tissage et technologie. Derrière cette croisée de plus en plus adoptée par les designers helvétiques, Anita Michaluszko et Flavia Bon, qui prônent l’union entre les domaines et les créatifs de tout bord. Rencontre.

En 2021, alors que l’ensemble de l’industrie de la mode – des maisons de luxe, aux titans de la fast fashion en passant par les marques indépendantes – se remettait en question suite aux changements induits par la pandémie de Covid-19, une audacieuse signature helvétique, pleine d’ambitions, voyait le jour: Augmented Weaving. Comprenez en français, « Tissage augmenté ». Initié par Anita Michaluszko et Flavia Bon, le duo de créatives est clair: il ne s’agit pas d’une marque, « c’est un projet de recherche visant à sublimer le textile par l’informatique ».

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À travers des outils physiques, numériques et virtuels, les Saint-Galloises d’origine s’emploient à créer des matières et des formes révolutionnaires, de la mode à l’ameublement. Savamment fonctionnelles sans sacrifier une esthétique furieusement désirable, une de leurs œuvres à quatre mains a récemment été couronnée par le prestigieux Prix suisse d’art et de design décerné par la Confédération le 10 juin 2024: « On the Fraying Edge ». Cette distinction s’ajoute à une reconnaissance grandissante aussi bien nationale qu’à l’international, de Francfort, à Berlin, jusqu’aux Pays-Bas, contrée dans laquelle les designeuses sont désormais établies.

Plus heureuses que jamais, Anita Michaluszko et Flavia Bon parviennent pourtant à garder une concentration inébranlable. Car malgré le succès fulgurant de leur projet, les deux créatrices, respectivement âgées de 50 et 40 ans, évoluent elles dans le monde du textile depuis bien plus d’années, chacune ayant tracé sa route dans des domaines distincts de la mode. Flavia, formée en tant que tailleuse, a acquis des compétences en outils technologiques, tandis qu’Anita, bien que passionnée par la tech’, a été formée en profondeur dans le textile. « Et c’est cela qui fait notre force », s’enthousiasme cette dernière auprès de ELLE. « Le tissage est le centre névralgique de notre expertise et de ce que nous voulons mettre en avant: tisser ensemble une histoire et entrelacer deux mondes – l’artisanat et la technologie – qui, contrairement à ce que beaucoup pensent, ne sont pas si éloignés l’un de l’autre. »

Redéfinition des frontières de la mode

C’est le renouveau que connaît ces dernières années la mode: intégrer toujours mieux les programmes informatiques à ce que la pensée artistique humaine à de plus inspirant à offrir. En Suisse, à l’image des robes autonomes de la Zurichoise Ying Gao ou des œuvres rétrofuturistes de la Lausannoise Sarah Bounab, Augmented Weaving se fait le garant d’un spectre novateur qui, s’il semble échapper à l’ancienne génération, bouscule étonnamment la nouvelle. C’est ce que remarque Flavia dans sa qualité d’enseignante au sein de l’Estonian Academy of Arts: « En plus de la couture, les jeunes designers de mode doivent désormais faire face à des techniques et des outils technologiques complexes, bien plus sophistiqués que les simples objets de consommation que sont leurs smartphones. » Et les deux fondatrices les comprennent.

Elles-mêmes avouent s’être senties submergées par la pléthore de nouveautés numériques durant leurs études. Une solution, notamment trouvée lors du lancement de leur projet: se concentrer sur une niche. La leur, c’est la 3D: « Il est important d’explorer, et de se renouveler. Mais aussi de se limiter, car on ne peut pas tout faire. C’est d’ailleurs souvent lorsque l’on rencontre des freins, que l’on trouve l’inspiration pour les surmonter et ainsi créer des choses merveilleuses. Il faut simplement avancer pas à pas, l’apprentissage d’un outil menant vers le suivant. »

C’est ainsi que la collection primée par la Suisse a vu le jour. Chaque tenue y est construite sur des techniques traditionnelles telles que la couture et le tissage, mais est transformée par projection numérique, créant des vêtements qui défient les contraintes de la gravité, tout en se voulant portables. Un autre travail d’Augmented Weaving est exposé jusqu’au 1er décembre 2024 au Museum für Gestaltung de Zurich dans le cadre du projet « Collection insights: Sieben Perspektiven ». L’œuvre présentée consiste en une reconstruction numérique du Balenciaga One Seam Coat et deux animations 3D. Pour Anita, « c’est réjouissant de se dire que l’on peut donner vie à des pièces que l’on n’aurait pas pu réaliser physiquement ».

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Une approche imaginative qui ouvre ainsi la voie à une redéfinition des frontières de la mode, où les mondes physique et numérique semblent coexister harmonieusement. Cela signifie-t-il alors que les créateurs de demain devront nécessairement posséder des compétences technologiques pour briller dans l’industrie désormais? Anita et Flavia rassérènent: « Nous pensons que l’alliance de ces deux univers favorisera plutôt la communication entre les acteurs de différents mouvements et encouragera les créateurs de mode notamment à collaborer avec des personnes démontrant d’autres expertises que les leurs. C’est, encore une fois, tout ce que nous prônons à travers Augmented Weaving: de l’union au service d’un nouveau genre de création. »

Tags : Suisse · technologie · prix · Design

Un projet de recherche s’est vu récompensé en juin par la Confédération pour l’une de ses collections novatrices, entre tissage et technologie. Derrière cette croisée de plus en plus adoptée par les designers helvétiques, Anita Michaluszko et Flavia Bon, qui prônent l’union entre les domaines et les créatifs de tout bord. Rencontre.

En 2021, alors que l’ensemble de l’industrie de la mode – des maisons de luxe, aux titans de la fast fashion en passant par les marques indépendantes – se remettait en question suite aux changements induits par la pandémie de Covid-19, une audacieuse signature helvétique, pleine d’ambitions, voyait le jour: Augmented Weaving. Comprenez en français, « Tissage augmenté ». Initié par Anita Michaluszko et Flavia Bon, le duo de créatives est clair: il ne s’agit pas d’une marque, « c’est un projet de recherche visant à sublimer le textile par l’informatique ».

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À travers des outils physiques, numériques et virtuels, les Saint-Galloises d’origine s’emploient à créer des matières et des formes révolutionnaires, de la mode à l’ameublement. Savamment fonctionnelles sans sacrifier une esthétique furieusement désirable, une de leurs œuvres à quatre mains a récemment été couronnée par le prestigieux Prix suisse d’art et de design décerné par la Confédération le 10 juin 2024: « On the Fraying Edge ». Cette distinction s’ajoute à une reconnaissance grandissante aussi bien nationale qu’à l’international, de Francfort, à Berlin, jusqu’aux Pays-Bas, contrée dans laquelle les designeuses sont désormais établies.

Plus heureuses que jamais, Anita Michaluszko et Flavia Bon parviennent pourtant à garder une concentration inébranlable. Car malgré le succès fulgurant de leur projet, les deux créatrices, respectivement âgées de 50 et 40 ans, évoluent elles dans le monde du textile depuis bien plus d’années, chacune ayant tracé sa route dans des domaines distincts de la mode. Flavia, formée en tant que tailleuse, a acquis des compétences en outils technologiques, tandis qu’Anita, bien que passionnée par la tech’, a été formée en profondeur dans le textile. « Et c’est cela qui fait notre force », s’enthousiasme cette dernière auprès de ELLE. « Le tissage est le centre névralgique de notre expertise et de ce que nous voulons mettre en avant: tisser ensemble une histoire et entrelacer deux mondes – l’artisanat et la technologie – qui, contrairement à ce que beaucoup pensent, ne sont pas si éloignés l’un de l’autre. »

Redéfinition des frontières de la mode

C’est le renouveau que connaît ces dernières années la mode: intégrer toujours mieux les programmes informatiques à ce que la pensée artistique humaine à de plus inspirant à offrir. En Suisse, à l’image des robes autonomes de la Zurichoise Ying Gao ou des œuvres rétrofuturistes de la Lausannoise Sarah Bounab, Augmented Weaving se fait le garant d’un spectre novateur qui, s’il semble échapper à l’ancienne génération, bouscule étonnamment la nouvelle. C’est ce que remarque Flavia dans sa qualité d’enseignante au sein de l’Estonian Academy of Arts: « En plus de la couture, les jeunes designers de mode doivent désormais faire face à des techniques et des outils technologiques complexes, bien plus sophistiqués que les simples objets de consommation que sont leurs smartphones. » Et les deux fondatrices les comprennent.

Elles-mêmes avouent s’être senties submergées par la pléthore de nouveautés numériques durant leurs études. Une solution, notamment trouvée lors du lancement de leur projet: se concentrer sur une niche. La leur, c’est la 3D: « Il est important d’explorer, et de se renouveler. Mais aussi de se limiter, car on ne peut pas tout faire. C’est d’ailleurs souvent lorsque l’on rencontre des freins, que l’on trouve l’inspiration pour les surmonter et ainsi créer des choses merveilleuses. Il faut simplement avancer pas à pas, l’apprentissage d’un outil menant vers le suivant. »

C’est ainsi que la collection primée par la Suisse a vu le jour. Chaque tenue y est construite sur des techniques traditionnelles telles que la couture et le tissage, mais est transformée par projection numérique, créant des vêtements qui défient les contraintes de la gravité, tout en se voulant portables. Un autre travail d’Augmented Weaving est exposé jusqu’au 1er décembre 2024 au Museum für Gestaltung de Zurich dans le cadre du projet « Collection insights: Sieben Perspektiven ». L’œuvre présentée consiste en une reconstruction numérique du Balenciaga One Seam Coat et deux animations 3D. Pour Anita, « c’est réjouissant de se dire que l’on peut donner vie à des pièces que l’on n’aurait pas pu réaliser physiquement ».

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Une approche imaginative qui ouvre ainsi la voie à une redéfinition des frontières de la mode, où les mondes physique et numérique semblent coexister harmonieusement. Cela signifie-t-il alors que les créateurs de demain devront nécessairement posséder des compétences technologiques pour briller dans l’industrie désormais? Anita et Flavia rassérènent: « Nous pensons que l’alliance de ces deux univers favorisera plutôt la communication entre les acteurs de différents mouvements et encouragera les créateurs de mode notamment à collaborer avec des personnes démontrant d’autres expertises que les leurs. C’est, encore une fois, tout ce que nous prônons à travers Augmented Weaving: de l’union au service d’un nouveau genre de création. »

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