En politique, l’habit est bien plus qu’un simple vêtement ; il est un symbole, un terrain miné où chaque choix vestimentaire est scruté, analysé, interprété. La vice-présidente américaine a pris ce défi à bras-le-corps, bousculant les codes établis avec une audace subtile et maîtrisée. Commentaire.
La soirée de la Convention nationale démocrate à Chicago s’est achevée jeudi 22 août. Kamala Harris y a fait une entrée remarquée dans un costume beige sur mesure. Un choix à la fois sophistiqué et relativement modeste qui a pourtant fait sensation. Chaque détail, chaque coupe et nuance s’est vu scruté par l’opinion publique comme on dissèque un texte codé: « Quel message voulait-elle transmettre? » « Quelle signification cachée se dissimulait derrière ce look? »
Praticité
Certains y ont vu un clin d’œil au fameux costume bronzé de Barack Obama en 2014, un pied de nez aux critiques d’antan, ou encore un hommage à la créatrice Chemena Kamali de la maison Chloé. D’autres y ont perçu une volonté de se fondre dans la masse, tout en se distinguant par son élégance. Mais peut-être que la réponse la plus simple est aussi la plus juste: la politicienne de 59 ans a choisi ce costume beige parce qu’il la faisait se sentir bien, prête à affronter les enjeux de l’instant. Une autre explication semble aussi toucher juste: sa taille. Fait souvent méconnu: les célébrités paraissent plus grandes à l’écran qu’elles ne le sont réellement. Avec ses 1,63 m, Kamala Harris en est un exemple frappant.
Bouclier
Kamala Harris maîtrise l’art de choisir des vêtements qui lui ressemblent. À travers son style, elle réconcilie son identité personnelle avec les exigences impitoyables de la sphère publique. La protégée de Joe Biden a trouvé son uniforme, et cela lui donne une assurance inébranlable. Dans ses mémoires, What Happened (2017), Hillary Clinton confie que ses emblématiques tailleurs-pantalons lui ont apporté un sentiment d’appartenance et de professionnalisme. Mais elle révèle également une autre raison derrière ce choix vestimentaire: « L’uniforme était aussi une technique anti-distraction: puisqu’il n’y avait pas grand-chose à dire ou à critiquer sur ce que je portais, peut-être que les gens se concentreraient davantage sur ce que je disais ». Tout comme l’ancienne candidate à la présidentielle avant elle, Kamala Harris a compris que l’uniformité dans le style pouvait devenir un bouclier, une manière d’éviter les distractions et de recentrer l’attention sur ce qui compte vraiment: le message.
Liberté
La cohérence est également essentielle pour elle en ce moment ; les gens ont besoin de connaître leur potentielle future présidente, et la familiarité contribue à y parvenir. Cette constance vestimentaire est donc une stratégie hors pair: en voyant des itérations du même look encore et encore, ces derniers peuvent se sentir plus proches de la comprendre. La politicienne construit une image de confiance et de fiabilité, indispensable dans un monde où l’apparence peut souvent éclipser le contenu. Ses choix, qu’il s’agisse de marques luxueuses comme Altuzarra ou Valentino, ou de créateurs issus de minorités comme Christopher John Rogers, révèlent une femme qui sait ce qu’elle veut. Elle incarne une nouvelle ère où les frontières entre mode et pouvoir s’entremêlent pour créer une expression de liberté.
Homologues masculins
Alors, comment Kamala Harris s’en sort-elle avec tout cela? Plutôt bien, il faut le dire. S’habiller en tant que femme en politique est un véritable exercice d’équilibriste. Comment oublier les critiques acerbes contre Theresa May pour avoir osé porter un pantalon en cuir, ou encore la défaite du parti travailliste aux élections partielles de Hartlepool en 2021, que certains avaient attribuée au choix d’Angela Rayner de porter des bottes à semelles compensées et un pantalon à imprimé léopard. Trop se soucier de son apparence, et vous voilà taxée de frivole ; s’en soucier trop peu, et vous passez pour négligée. Cela doit être extrêment épuisant.
On entend souvent que les tenues des femmes en politique ne sont pas scrutées comme celles de leurs homologues masculins. Or, ces dernières devraient l’être tout autant. Prenez les bottes Red Wing et les vestes Carhartt de Tim Walz, qui projettent l’image d’un gouverneur du Minnesota fiable, modeste et intègre. À l’opposé, la cravate trop longue de Donald Trump est un symbole flagrant de son décalage chronique avec la réalité, incapable de supporter la moindre critique, au point de s’entourer d’hommes qui acquiescent sans jamais oser suggérer le moindre conseil vestimentaire. En revanche, la garde-robe de Kamala Harris révèle une femme qui évolue avec classe et cohérence.
Le style de Kamala Harris est une déclaration en soi, un écho de son message politique: une liberté revendiquée, assumée, et inaliénable. Elle s’habille pour elle-même, pour ce qui lui convient, et c’est précisément ce qui la rend si puissante. En repensant aux mots d’Hillary Clinton: « Vous ne pouvez pas plaire à tout le monde, alors autant porter ce qui vous convient. » C’est exactement ce que fait Kamala Harris, avec une élégance imparable.
Autrice: Laura Antonia Jordan
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.