Pourquoi un Noël sans cadeaux peut tout aussi être enrichissant

24 décembre 2024 · ELLE Rédaction

Dans les colonnes de ELLE, Nell Frizzell évoque les plaisirs de se passer de présents les 24 et/ou 25 décembre. La journaliste propose des alternatives pour en offrir autrement.

Au risque de provoquer la colère des Rois mages : les cadeaux, c’est du grand n’importe quoi.

Depuis une bonne décennie, ma famille a tiré un trait sur l’échange de cadeaux à Noël. Et cette année, pour mon anniversaire, je n’ai rien réclamé non plus. Tout ça a commencé à une époque où ma sœur et moi avions déjà quitté le cocon familial. Moi, dans la vingtaine, elle, bien installée dans la trentaine. On avait déjà nos casseroles, nos pyjamas, et un compte en banque suffisamment décent pour s’offrir un paquet de petits chocolats After Eights dès qu’on en avait envie – le comble du luxe pour quiconque a connu les années 1990.

Dans ce tableau, imaginer nos proches passer le mois de décembre à errer dans des centres commerciaux surchauffés, embaumés de cannelle et saturés de plastique, pour dilapider leur salaire durement gagné en babioles importées dont personne n’avait ni besoin ni envie, relevait du grotesque. Pire encore, c’était presque insultant. Financièrement, écologiquement, humainement, c’était une absurdité à laquelle nous sommes bien contents d’avoir mis un terme.

Quand j’ai enfin avoué le poids de la culpabilité que je traînais, face à tout cet argent, ce temps et cette énergie engloutis dans cette orgie imposée de consumérisme, la décision s’est imposée d’elle-même : réduire, puis abandonner totalement, les cadeaux.

La vraie vie

Aujourd’hui, j’ai un fils de sept ans qui croit encore – ou presque – au Père Noël. Il y a toujours un peu de magie dans nos Noëls, évidemment. Je parsème les escaliers de noix de coco râpée pour imiter la neige, j’y laisse mes empreintes de bottes jusqu’à une table garnie de tartelettes à la viande hachée. On grignote une carotte censée être pour le renne, et une chaussette pleine de petites surprises attend sagement au pied de son lit.

Mais ce qui est surprenant, c’est que ce bonhomme-là ne s’intéresse pas vraiment aux cadeaux. Ce qu’il veut, c’est tenir un serpent ou, pourquoi pas, un caméléon. Il veut cuisiner un festin. Il rêve d’une soirée pyjama avec ses grands-mères. Je n’ai jamais eu l’ambition d’élever un petit ascète, mais je ne peux m’empêcher de ressentir une certaine fierté. Ce gamin préfère les animaux et les aventures aux morceaux de plastique scellés sous vide, expédiés à l’autre bout du globe par des travailleurs précaires sous-payés. Ça, c’est un cadeau.

Cette année, au lieu de courir les magasins le week-end pour acheter des cadeaux dont personne n’a vraiment besoin, mon mari a organisé une sortie à vélo un peu spéciale dans notre ville. Le but ? Faire le tour de différents commerces pour collecter de la nourriture à offrir à notre banque alimentaire locale. Il a même dessiné une carte, invité la classe de notre fils, et transformé l’idée en une vraie petite aventure. Inutile de dire que notre fils a adoré.

Le voir pédaler dans les rues, son sac à dos rempli d’huile de cuisine, de pâtes, de légumes en conserve et de chocolat, c’était quelque chose. Il rayonnait de fierté, non seulement pour l’effort physique qu’il fournissait, mais aussi pour le geste solidaire qu’il accomplissait. Je suis convaincue que les enfants, par nature, ont ce côté profondément altruiste. Ils aiment prendre soin des choses et des gens qu’ils sentent en besoin, et ils adorent faire ce qui est juste. Demandez à n’importe quelle maman qui a un jour dû sourire en dégustant un petit-déjeuner « spécial » de fête des mères – toast carbonisé et trois centimètres de jus d’orange dans un verre – servi au lit avec la fierté du chef en herbe.

Fête de l’humanité avant tout

En famille, nous sommes aussi hôtes d’urgence pour l’association Refugees at Home. Au Royaume-Uni, ils appellent ça de « l’accueil d’urgence » parce que nous ne pouvons héberger les gens que pour de courtes périodes. Pourtant, ces dernières années, plusieurs personnes venues du Soudan ou d’Afghanistan ont dormi sur notre canapé-lit ou dans mon bureau de jardin, parfois une semaine, parfois deux, pour éviter la rue. Nous ne sommes qu’une alternative temporaire au sans-abrisme, un plan B, rien de plus. Et pourtant, chaque fois, l’expérience a été extraordinaire.

Des jeunes hommes de 18 ans, loin de leur propre famille, ont joué au foot avec mon fils. D’autres, calmes et réfléchis, ont prié pieds nus dans notre jardin glacé. Certains ont gardé le contact, et on a fêté ensemble leurs réussites : un examen passé, un diplôme obtenu, ou même une célébration qui leur tenait à cœur.

Cette semaine, en m’asseyant sur un petit banc à l’école de mon fils pour assister à une pièce sur une famille de réfugiés du Moyen-Orient rejetée par les habitants d’un village – la nativité étant, après tout, une histoire de tyrannie politique, de migration et de quête de soins de santé (sans oublier les bergers, l’âne et cette fameuse myrrhe, bien sûr) – j’ai réalisé que le message de Noël, c’est peut-être ça : mettre l’humanité avant tout. Bien avant les chaussettes en acrylique, les montres connectées ou les crèmes pour le visage à 80 francs. Et ça m’a rempli de gratitude de savoir que des initiatives comme Refugees at Home existent.

Comme tout le monde, je pourrais en faire beaucoup plus, bien sûr. Je connais des associations locales qui livrent chaque semaine des fournitures essentielles aux sans-abri ; des centres d’aide pour les victimes de viol qui ont besoin de bénévoles ; des amis qui organisent des ateliers de musique pour les migrants vulnérables ; d’autres mamans qui mettent en place des banques de vêtements et de jouets pour bébés ; des voisins qui ramassent les déchets, creusent des fossés et protègent nos espaces naturels ; des associations caritatives pour la santé mentale qui recherchent des bénévoles pour appeler les gens, des hospices qui ont besoin de collectes de fonds, et des magasins de charité qui cherchent du personnel. Il y a sûrement aussi ce genre d’initiatives près de chez vous. Et nous aurions tous plus de temps pour y contribuer si nous arrêtions de passer notre vie à cliquer sur des sites de shopping ou à déambuler dans les rues commerçantes, noyés sous les sons de Slade et Wham ! à chaque coin de rue pour acheter des objets.

Je ne cherche pas à donner des leçons, ni à prétendre être un modèle. Mais ce Noël, je choisis simplement de me reposer, de savourer la joie et la légèreté. Et cela me suffit amplement.

Autrice: Nell Frizzell
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com/uk. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.

Tags : cadeaux · famille · fête · couple · analyse

Dans les colonnes de ELLE, Nell Frizzell évoque les plaisirs de se passer de présents les 24 et/ou 25 décembre. La journaliste propose des alternatives pour en offrir autrement.

Au risque de provoquer la colère des Rois mages : les cadeaux, c’est du grand n’importe quoi.

Depuis une bonne décennie, ma famille a tiré un trait sur l’échange de cadeaux à Noël. Et cette année, pour mon anniversaire, je n’ai rien réclamé non plus. Tout ça a commencé à une époque où ma sœur et moi avions déjà quitté le cocon familial. Moi, dans la vingtaine, elle, bien installée dans la trentaine. On avait déjà nos casseroles, nos pyjamas, et un compte en banque suffisamment décent pour s’offrir un paquet de petits chocolats After Eights dès qu’on en avait envie – le comble du luxe pour quiconque a connu les années 1990.

Dans ce tableau, imaginer nos proches passer le mois de décembre à errer dans des centres commerciaux surchauffés, embaumés de cannelle et saturés de plastique, pour dilapider leur salaire durement gagné en babioles importées dont personne n’avait ni besoin ni envie, relevait du grotesque. Pire encore, c’était presque insultant. Financièrement, écologiquement, humainement, c’était une absurdité à laquelle nous sommes bien contents d’avoir mis un terme.

Quand j’ai enfin avoué le poids de la culpabilité que je traînais, face à tout cet argent, ce temps et cette énergie engloutis dans cette orgie imposée de consumérisme, la décision s’est imposée d’elle-même : réduire, puis abandonner totalement, les cadeaux.

La vraie vie

Aujourd’hui, j’ai un fils de sept ans qui croit encore – ou presque – au Père Noël. Il y a toujours un peu de magie dans nos Noëls, évidemment. Je parsème les escaliers de noix de coco râpée pour imiter la neige, j’y laisse mes empreintes de bottes jusqu’à une table garnie de tartelettes à la viande hachée. On grignote une carotte censée être pour le renne, et une chaussette pleine de petites surprises attend sagement au pied de son lit.

Mais ce qui est surprenant, c’est que ce bonhomme-là ne s’intéresse pas vraiment aux cadeaux. Ce qu’il veut, c’est tenir un serpent ou, pourquoi pas, un caméléon. Il veut cuisiner un festin. Il rêve d’une soirée pyjama avec ses grands-mères. Je n’ai jamais eu l’ambition d’élever un petit ascète, mais je ne peux m’empêcher de ressentir une certaine fierté. Ce gamin préfère les animaux et les aventures aux morceaux de plastique scellés sous vide, expédiés à l’autre bout du globe par des travailleurs précaires sous-payés. Ça, c’est un cadeau.

Cette année, au lieu de courir les magasins le week-end pour acheter des cadeaux dont personne n’a vraiment besoin, mon mari a organisé une sortie à vélo un peu spéciale dans notre ville. Le but ? Faire le tour de différents commerces pour collecter de la nourriture à offrir à notre banque alimentaire locale. Il a même dessiné une carte, invité la classe de notre fils, et transformé l’idée en une vraie petite aventure. Inutile de dire que notre fils a adoré.

Le voir pédaler dans les rues, son sac à dos rempli d’huile de cuisine, de pâtes, de légumes en conserve et de chocolat, c’était quelque chose. Il rayonnait de fierté, non seulement pour l’effort physique qu’il fournissait, mais aussi pour le geste solidaire qu’il accomplissait. Je suis convaincue que les enfants, par nature, ont ce côté profondément altruiste. Ils aiment prendre soin des choses et des gens qu’ils sentent en besoin, et ils adorent faire ce qui est juste. Demandez à n’importe quelle maman qui a un jour dû sourire en dégustant un petit-déjeuner « spécial » de fête des mères – toast carbonisé et trois centimètres de jus d’orange dans un verre – servi au lit avec la fierté du chef en herbe.

Fête de l’humanité avant tout

En famille, nous sommes aussi hôtes d’urgence pour l’association Refugees at Home. Au Royaume-Uni, ils appellent ça de « l’accueil d’urgence » parce que nous ne pouvons héberger les gens que pour de courtes périodes. Pourtant, ces dernières années, plusieurs personnes venues du Soudan ou d’Afghanistan ont dormi sur notre canapé-lit ou dans mon bureau de jardin, parfois une semaine, parfois deux, pour éviter la rue. Nous ne sommes qu’une alternative temporaire au sans-abrisme, un plan B, rien de plus. Et pourtant, chaque fois, l’expérience a été extraordinaire.

Des jeunes hommes de 18 ans, loin de leur propre famille, ont joué au foot avec mon fils. D’autres, calmes et réfléchis, ont prié pieds nus dans notre jardin glacé. Certains ont gardé le contact, et on a fêté ensemble leurs réussites : un examen passé, un diplôme obtenu, ou même une célébration qui leur tenait à cœur.

Cette semaine, en m’asseyant sur un petit banc à l’école de mon fils pour assister à une pièce sur une famille de réfugiés du Moyen-Orient rejetée par les habitants d’un village – la nativité étant, après tout, une histoire de tyrannie politique, de migration et de quête de soins de santé (sans oublier les bergers, l’âne et cette fameuse myrrhe, bien sûr) – j’ai réalisé que le message de Noël, c’est peut-être ça : mettre l’humanité avant tout. Bien avant les chaussettes en acrylique, les montres connectées ou les crèmes pour le visage à 80 francs. Et ça m’a rempli de gratitude de savoir que des initiatives comme Refugees at Home existent.

Comme tout le monde, je pourrais en faire beaucoup plus, bien sûr. Je connais des associations locales qui livrent chaque semaine des fournitures essentielles aux sans-abri ; des centres d’aide pour les victimes de viol qui ont besoin de bénévoles ; des amis qui organisent des ateliers de musique pour les migrants vulnérables ; d’autres mamans qui mettent en place des banques de vêtements et de jouets pour bébés ; des voisins qui ramassent les déchets, creusent des fossés et protègent nos espaces naturels ; des associations caritatives pour la santé mentale qui recherchent des bénévoles pour appeler les gens, des hospices qui ont besoin de collectes de fonds, et des magasins de charité qui cherchent du personnel. Il y a sûrement aussi ce genre d’initiatives près de chez vous. Et nous aurions tous plus de temps pour y contribuer si nous arrêtions de passer notre vie à cliquer sur des sites de shopping ou à déambuler dans les rues commerçantes, noyés sous les sons de Slade et Wham ! à chaque coin de rue pour acheter des objets.

Je ne cherche pas à donner des leçons, ni à prétendre être un modèle. Mais ce Noël, je choisis simplement de me reposer, de savourer la joie et la légèreté. Et cela me suffit amplement.

Autrice: Nell Frizzell
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com/uk. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.

Tags : cadeaux · famille · fête · couple · analyse