La célèbre romancière française publie La Fugue (2025), roman qu’elle est venue présenter au Salon du livre de Genève.

C’est dans l’ancienne maison de Jane Birkin «Kachalou» qu’Aurélie Valognes a posé ses valises et dont elle s’est inspirée pour créer le lieu investi par son héroïne: une maison où reprendre en mains son destin, entourée de livres et de nouvelles amies précieuses. Une ode à la sororité!
ELLE. Première participation au Salon du livre de Genève, mais vous connaissiez déjà la Suisse?
Aurélie Valognes. J’ai effectivement vécu trois ans à Genève, pas loin des Pâquis. J’adorais longer le lac en sortant de chez moi. Et j’y ai encore quelques adresses!
Avez-vous le sentiment d’avoir acquis une plus grande liberté après dix années de publications?
Je dirais davantage de confiance en moi surtout. J’avais écrit mon premier roman Mémé dans les orties (2014) en toute naïveté. Je sais désormais que je ne suis pas seule lorsque je suis émue ou que je ressens une grande injustice. D’ailleurs, depuis mes trois derniers romans, je me suis autorisée le «je». C’est tellement beau lorsque des lecteurs me disent que j’ai posé des mots sur ce qu’ils ne parvenaient pas à exprimer!
Vous écrivez que la peur est une boussole nous montrant le chemin. Quelles sont vos peurs?
La mort surtout. Moi qui aime la vie et suis très curieuse, cela m’effraie. J’essaye de l’apprivoiser. J’appréhendais auparavant de décevoir les lecteurs mais ce n’est plus le cas.
C’est tellement beau lorsque des lecteurs me disent que j’ai posé des mots sur ce qu’ils ne parvenaient pas à exprimer!
Comment définiriez-vous Inès, votre héroïne qui décide de fuguer?
À 47 ans, elle n’est pas heureuse. Ses enfants sont partis étudier et elle décide de se remettre au centre, cesser de s’oublier, se contorsionner et laisser les autres décider pour elle. Elle veut surtout se prouver qu’elle vaut quelque chose. Je connaissais les derniers mots de mon roman en le commençant «Tout ira bien. Oui, tout ira bien». Elle voudrait y parvenir seule mais, en réalité, on a besoin des autres pour se trouver soi-même.
Avez-vous le sentiment que les femmes subissent de nombreux de diktats?
J’identifiais bien les injustices chez les autres et n’en décelais aucune à mon égard. Et puis, j’ai mis de nouvelles lunettes et regardé le monde du côté des femmes: j’ai alors réalisé toutes celles existantes liées à leur condition. Le monde est fait pour les hommes et nous y sommes potentiellement invitées! C’est en écrivant La lignée (2024) notamment que j’ai fait sortir beaucoup de démons de mon bureau. Des démons familiaux.
Je veux créer une maison pour accueillir deux fois par an des artistes et notamment des écrivaines qui auraient besoin d’un «lieu à elles».
Inès dispose d’une bibliothèque composée de livres uniquement écrits par des femmes et rangés par ordre alphabétique des prénoms. Pourquoi?
J’aimais l’idée que toutes ces écrivaines se tiennent par la main comme des sœurs, épaule contre épaule et puissent aider Inès dans son cheminement.
C’est aussi semble-t-il ce qui vous anime dans le projet d’ouvrir votre maison à d’autres écrivaines?
Tout à fait, mais ce sera d’abord artisanal. Je souhaite que cette maison soit là pour accueillir deux fois par an des artistes et notamment des écrivaines qui auraient besoin d’un «lieu à elles».