Médecin passionnée et présidente de la Maria Buchinger Foundation, elle est, à plus de 70 ans, une référence mondiale incontournable du jeûne et de l’autoguérison.

Il y a des femmes dont la voix porte, non par le bruit qu’elles font, mais par la profondeur de ce qu’elles transmettent. Dre Françoise Wilhelmi de Toledo est de celles-là. Guide, elle a su transmettre à ses fils sa passion pour l’hospitalité médicale dans la continuité des cliniques de jeûne Buchinger Wilhelmi. Femme de foi, elle considère la spiritualité comme un don qui se reçoit avec gratitude. Lorsqu’elle parle, on écoute. Chaque mot est pesé, nourri d’expérience et d’humanité. À travers elle, le jeûne devient bien plus qu’une pratique: une philosophie du vivant, un chemin vers soi et vers les autres. Une source d’inspiration inépuisable.
ELLE Suisse: Vous êtes reconnue comme l’une des plus grandes expertes du jeûne thérapeutique et auteure de nombreuses publications, dont «L’art de jeûner», un ouvrage traduit en quatre langues. Pourquoi avez-vous ressenti le besoin d’écrire ce livre?
Francoise Wilhelmi de Toledo: J’avais à cœur de transmettre une vision du jeûne qui ne soit ni extrême, ni dogmatique, mais accessible et fondée sur des bases scientifiques solides. Trop souvent, le jeûne est mal compris: on l’associe à une privation alors qu’il s’agit avant tout d’un processus naturel qui permet au corps de se régénérer.
Nous avons un client fidèle qui est venu plus de 100 fois dans nos cliniques. Il a commencé à jeûner à 40 ans et, aujourd’hui, à 95 ans, il a une mémoire exceptionnelle, une vitalité impressionnante et aucun problème physique majeur.
Vous avez été touchée par une maladie lourde très jeune. Comment cette épreuve a-t-elle façonné votre approche de la santé?
À 18 ans, un lymphome a bouleversé ma vision de la santé et m’a appris à soutenir mon corps autrement dans son effort de guérison. C’est ainsi que j’ai découvert le jeûne, qui est devenu un pilier essentiel de mon équilibre. Dès ma jeunesse, je le pratiquais, et encore aujourd’hui, j’adapte cette pratique aux besoins de mon corps, ne recourant aux traitements médicaux conventionnels que si les symptômes persistent. Le jeûne s’inscrit dans les six piliers de la santé: une bonne alimentation, un sommeil réparateur, une activité physique adaptée, un environnement sain, un bon équilibre émotionnel et le fitness spirituel. Mais ce qui donne tout son sens à mon parcours, c’est aussi l’engagement et la dimension communautaire qui donne leur sens à la vie.
Le jeûne a-t-il transformé votre rapport à l’alimentation?
Après un jeûne, le palais s’affine et on se tourne naturellement vers des saveurs plus simples. Il y a tout un processus cognitif à comprendre, notamment sur l’impact des produits ultra-transformés, souvent très addictifs. Mon goût a évolué avec le temps: autrefois plus attirée par les saveurs sucrées, je prends désormais autant de plaisir à savourer un muesli maison ou une salade fraîche.
Le jeûne n’est pas une privation, mais un rythme naturel à réintégrer dans nos vies.
Vos deux fils ont repris chacun une clinique, en Allemagne et en Espagne. Comment avez-vous préparé cette transmission?
Cette passation a été préparée avec soin. Pendant trois ans, nous avons structuré la transition avec une stratégie familiale pour assurer une transmission fluide et réfléchie. Pour mieux les accompagner, j’ai repris des études à 57 ans et suivi un master en entreprise familiale à la Zeppelin Université de Friedrichshafen. J’y ai appris combien il est essentiel d’établir une vision claire et des règles solides pour garantir la pérennité d’une entreprise familiale. C’est une grande joie de les voir faire évoluer cet héritage avec enthousiasme et compétence. Mais lâcher le contrôle n’est pas toujours facile. J’ai passé ma vie à prendre des décisions rapidement et aujourd’hui, je dois apprendre à leur laisser la place, même s’ils le font à leur manière. C’est un exercice d’humilité… et un bon travail sur l’ego!
Avez-vous une anecdote marquante sur un de vos clients?
Nous avons un client fidèle qui est venu plus de 100 fois dans nos cliniques. Il a commencé à jeûner à 40 ans et, aujourd’hui, à 95 ans, il a une mémoire exceptionnelle, une vitalité impressionnante et aucun problème physique majeur. Nous avons publié récemment une étude sur son cas, qui prouve que le jeûne n’est pas une privation, mais un rythme naturel à réintégrer dans nos vies.
Conquérir le monde n’a aucun sens si c’est au prix d’y perdre son âme.
De quoi êtes-vous la plus fière dans votre parcours?
Ce qui me remplit de gratitude, c’est d’avoir pu réaliser le potentiel qui m’a été donné à ma naissance. J’ai suivi un chemin qui me ressemblait, j’ai surmonté une maladie lourde, j’ai eu des enfants, je suis mariée depuis 45 ans avec le même homme, j’exerce une profession qui est ma vocation. Mais au-delà de tout, je suis restée fidèle à mes valeurs. Conquérir le monde n’a aucun sens si c’est au prix d’y perdre son âme. Je me suis toujours tenue là où je me sentais à ma place, et j’ai retrouvé une foi chrétienne et tolérante, ancrée dans une vision abrahamique du monde.
Que pensez-vous de la médecine/chirurgie esthétique?
Je n’ai rien contre une belle robe, un maquillage ou une jolie coiffure, mais quand la transformation touche à l’intégrité du corps et de l’esprit, cela devient risqué. L’insatisfaction avec son corps et sa vie est souvent alimentée par les médias et la pression sociale. Les femmes sont manipulées depuis toujours… et maintenant, les hommes aussi. Faire quelques ajustements pour se faire plaisir et se sentir bien, pourquoi pas, tant qu’on n’attend pas de miracle. Mais si le mal-être est profond, mieux vaut investir dans une psychothérapie ou une retraite spirituelle. L’estime de soi ne se construit pas avec une injection ou un scalpel.
Je n’ai rien contre une belle robe, un maquillage ou une jolie coiffure, mais quand la transformation touche à l’intégrité du corps et de l’esprit, cela devient risqué. […] L’estime de soi ne se construit pas avec une injection ou un scalpel.
Quel est pour vous un moment de pur bonheur?
Tenir mes trois petites-filles dans mes bras est un bonheur absolu. Mais si je devais choisir un instant inoubliable, ce serait la naissance de mes fils. Je pensais ne jamais pouvoir avoir d’enfant, alors cet instant a été une plénitude totale. J’ai aussi une passion pour les oiseaux et la nature. Je les soutiens autant que possible, tout comme mon Église, qui fait partie de mon chemin de vie.