Ils font le tour du monde, leur talent n’a d’égal que leur notoriété, 365 jours par an passés sur les routes, au nom d’une même passion circassienne. La troupe du Cirque du Soleil, née il y a 41 ans au Québec, s’est installée à Genève jusqu’au 29 juin avec son spectacle Kurios – Cabinet des curiosités. ELLE a eu l’immense chance de découvrir les coulisses d’un spectacle extraordinaire! Rencontres.
Vendredi 16 mai 2025, 12h45 plaine de Plainpalais. Nous étions une poignée de privilégiés réunis pour assister à la dernière étape d’un lever de chapiteau particulier, celui du célèbre Cirque du Soleil. Ce jour-là, la place a encore des airs de chantier, des tentes pleines de matériel, des tubes immenses, des engins en tous genres campent l’endroit au milieu du bitume recouvert de sable, qui dans un élan de grand vent se mêle à l’atmosphère.
David Constantineau, directeur du site, nous explique que la cinquantaine de personnes qui constitue l’équipe technique travaille déjà sur place depuis 3 semaines environ. « Le montage du chapiteau de 19 mètres de hauteur, qui accueillera 2500 personnes, dure 7 jours ». Une installation grandiose qui ne s’envisage pas à la légère. « Il faut d’abord s’assurer que l’endroit peut accueillir une structure comme celle-ci, puis un sol est coulé spécialement pour recevoir le chapiteau de 51 mètres de diamètre, dont la toile pèse 7 tonnes, 1200 encrages d’1m20 de profondeur chacun sont plantés dans le sol… ».


Le montage du chapiteau de 19 mètres de hauteur, qui accueillera 2500 personnes, dure 7 jours.
Nous pénétrons alors un à un à l’intérieur du chapiteau soutenus par 4 mâts d’acier de 26 m de haut. Reste à relever les 120 poteaux qui en maintiennent la circonférence. Et aussi surprenant que cela puisse paraître, cette dernière étape se fait « à la main » ! Comme une tradition, toute la troupe se mobilise, et à la seule force des bras, redresse les poteaux. Un (premier) spectacle haut en sonores et en force qui nous laisse admiratifs ! En quelques minutes l’affaire est bouclée ! Nous repartons pour mieux revenir une semaine plus tard.
L’histoire
Pour cette édition, c’est dans le monde de Kurios – Cabinet des curiosités, que nous avons plongé. Guy Laliberté et Jean-François Bouchard, les directeurs artistiques, aux côtés d’une équipe créative inspirante de 20 personnes, ont imaginé un chercheur dans son cabinet de curiosités, persuadé qu’il existe un monde invisible où sommeillent les idées les plus folles et les rêves les plus grandioses ! C’est alors que les curiosités qui peuplent son cabinet vont prendre vie une à une sous ses yeux, dans un monde poétique, bercé par cinq musiciens et la voix d’une chanteuse aussi belle que talentueuse, dont la ritournelle entêtante devient un hymne à la joie !

Les secrets des coulisses
Retour sur la plaine une semaine plus tard. Les coulisses ont pris formes, et nous savons qu’elles renferment des trésors. Nous pénétrons dans cet antre, comme des enfants émerveillés, avec une curiosité non dissimulée. Les artistes ont pris possession des lieux, ils vont et viennent, souriants, savamment maquillés, prêts à vendre du rêve. Nos yeux ne savent plus où regarder, tant ce qui s’ouvre à nous est fascinant. A gauche, les malles sont légions, leur mystère nous appelle. Becky Williams nous guide. Cette anglaise est Responsable des relations publiques pour le Cirque du soleil. Entrée dans la troupe en 2022, elle ne donnerait sa place pour rien au monde, « c’est un privilège de vivre cette expérience, et de parcourir le monde au sein de cette troupe. Nous sommes tous très différents, 120 personnes vous imaginez ! Près de 31 pays sont représentés ici, et cette mixité est notre richesse. J’apprends de chacun et je ne ressortirai pas la même de cette aventure c’est certain. Et puis j’y ai aussi trouvé l’amour ! ».

La lumière de son sourire couvre de sincérité chacune de ses confidences. Nous avançons vers les costumes, ils sont une centaine, alignés dans un ordre qui nous échappe, ils attirent l’oeil, colorés, dorés, grandioses, lourds ou spectaculaires. Ils semblent enchantés. Gaya Mugnaï, responsable des costumes, nous livre les détails de leur histoire. Elle est italienne, originaire de Rome. Son père était artiste, « je suis née dans l’univers de la création ». Elle a commencé sur les plateaux de cinéma et de théâtre en imaginant des costumes. En 2007, elle a rejoint la troupe, plus de 60 pays visités depuis et le monde entier est devenu sa maison. Elle déambule entre les portants, dans cet espace où chacun des 8000 accessoires reprennent vie entre les mains précieuses des couturières, qui tantôt reprisent une manche, arrangent une perruque ou repassent une moustache. « Les costumes sont créés à la main à Montréal. Pour coudre le pantalon de l’homme accordéon par exemple, la costumière a passé une semaine entière à l’intérieur, avec une lampe torche sur le front ! » Le costume de Monsieur Microcosmos quant à lui pèse près de dix kilos, une création qui représente 250 heures de travail !

Près de 31 pays sont représentés ici, et cette mixité est notre richesse.
Tout en nous parlant, Gaïa plonge son regard profond dans ces habits de lumière avec une admiration palpable « la même que le premier jour » nous confie-t-elle. « Tout au long de la tournée, nous en prenons soin. Après chacun des shows, les costumes sont lavés. Il faut vérifier qu’ils ne sont pas abîmés ou les recoudre si besoin. 52 personnes sur scène à chaque représentation ça fait du travail ! Il y a toujours quelque chose à faire. Je me souviens d’un soir où un costume s’est déchiré pendant le show. Il a fallu trouver une solution en quelques secondes ! Nous sommes tous acteurs de la réussite de ce spectacle. Chacun a son rôle, et il faut beaucoup de passion pour affronter tous les challenges du quotidien!».

En toile de fond de cette conversation, des artistes à la musculature saillante, ou plus frêle, des athlètes mais aussi des circassiens traditionnels. Ils répètent un numéro d’équilibristes, une pyramide humaine se forme et se défait sous nos yeux avec une facilité déconcertante. « 1h30 d’entraînement par jour, pour s’améliorer ou se corriger ». Benjamin Anikine fait partie des acrobates du cirque depuis trois ans. Il a 29 ans, et est originaire de Carpentras. « J’ai vu le Cirque du soleil lorsque j’avais 10 ans, je me souviens que j’ai dit à ma mère : un jour je ferai partie de cette troupe ! » Une promesse et rêve de gosse réalisé pour ce gymnaste, qui malgré une parfaite conjugaison de son art, a bien les pieds sur terre ! « Ce n’est pas donné à tout le monde d’entrer dans la troupe. Il faut des conditions physiques particulières et une bonne base athlétique pour tenir un rythme soutenu : entre huit et dix shows par semaine, et jusqu’à trois par jour ». Dans son numéro, cinq autres acrobates performent avec lui sur un immense filet. Leurs mouvements de jambes modulent l’amplitude des rebonds, les projetant par moments jusqu’au sommet du chapiteau ! Un élan collectif, comme une partition à plusieurs mains, animée par l’envie de donner du plaisir des spectateurs.
Après chacun des shows, les costumes sont lavés. […] Je me souviens d’un soir où un costume s’est déchiré pendant le show. Il a fallu trouver une solution en quelques secondes !

Sur scène
Alexandrine Burgaud est aussi sur la piste tous les soirs. « C’était mon dream job ! » nous lâche-t-elle dans un sourire immense. Cette pétillante Bretonne n’est pas acrobate mais technicienne de scène. Elle assure, avec d’autres, la valse des 464 accessoires qui s’animent durant spectacle. « Je suis passionnée de cirque traditionnel, dont est d’ailleurs inspiré ce spectacle Kurios. Je peux passer des heures à raconter les histoires de chaque objet. Je vous présente la première curiosité !». Dans la pénombre de l’arrière scène, nous découvrons un peu surpris une des stars du show : une main de 340 kilos sur plus de quatre mètres de long. Tout en fibre de verre, la main est un automate actionné par deux personnes à l’aide d’un pédalier. Alexandrine se faufile avec enthousiasme en dessous pour faire bouger les doigts. De l’autre côté, trône un objet volumineux non identifié « Le cadre russe hydraulique en acier est le plus gros accessoire du spectacle, une pièce unique de 5,5 tonnes, fabriquée sur mesure. Il s’ouvre et se ferme comme un livre… Il faut quatre techniciens pour le pousser!».
Ce n’est pas donné à tout le monde d’entrer dans la troupe. Il faut des conditions physiques particulières et une bonne base athlétique pour tenir un rythme soutenu : entre huit et dix shows par semaine, et jusqu’à trois par jour.

Dans le cabinet de curiosités, des objets fabriqués au siège du Cirque du Soleil à Montréal ou chiner dans le monde entier : vélos volants, machines à écrire, vieille valise, appareils photo, phonographes, aérobike, mégaphone, ou minuscule finger skate… Chaque accessoire a sa place, il est choyé, vérifié, nettoyé ou réparé si nécessaire. Il est déjà temps pour nous de quitter les acteurs de cette troupe si inspirante, quelques minutes avant la première à Genève. Ils ont déjà joué Kurios plus de 3000 fois ? Certes. Mais pour les artistes, chaque soir est une première ! L’effervescence et la concentration prennent place. Leur passion est leur moteur pour jouer ensemble un spectacle qui porte petits et grand dans le monde merveilleux de Kurios – Cabinet des curiosités. Ici tout est possible à qui y croit… comme s’il suffisait d’un brin de curiosité et d’imagination pour accéder au merveilleux ! Chuuut ! les lumières s’éteignent… le spectacle commence !
Réservation : cirquedusoleil.com