A l’heure où la mobilisation nationale des femmes approche à grand pas dans le pays, que pensent réellement les principales concernées du féminisme et de tout ce qui l’entoure en 2025 ? Réponses chiffrées (et quelque peu surprenantes).

Alors que la prochaine grève des femmes est agendée samedi 14 juin, ELLE Suisse a voulu mesurer l’impact réel de cette mobilisation sur la vie des Suissesses. La rédaction a ainsi mandaté l’institut MIS Trend – référence en matière d’enquête d’opinion en Suisse romande – afin de sonder les femmes sur leur perception des inégalités, leur rapport au féminisme et leur volonté d’agir.
Réalisée entre le 7 et le 18 mai 2025 auprès de 1385 femmes âgées de 18 ans et plus, tout bords politiques confondus, cette enquête livre un état des lieux lucide, si ce n’est interpellant : près de neuf femmes sur dix reconnaissent que les inégalités de genre perdurent. Mais derrière des chiffres en apparence consensuels émergent des fractures plus profondes : entre Romandes et Alémaniques, entre jeunes et aînées, entre convictions politiques et perceptions du féminisme. Voici les résultats de notre sondage.
87 % des femmes estiment qu’il existe toujours des inégalités entre les sexes
Près de neuf femmes sur dix estiment qu’il existe toujours des inégalités entre les sexes en Suisse. Et ce sont les Romandes qui se montrent particulièrement critiques puisqu’elles sont 93 % à le penser, contre 85 % côté alémanique. Les 30-44 ans sont les plus nombreuses à partager ce constat (89 %) contre les plus jeunes (18-29 ans) qui sont 85 % à le penser. Autre enseignement marquant : qu’elles soient de gauche (96 %), de droite/centre (82 %) ou sans orientation politique déclarée (85 %), les femmes s’accordent, toutes tendances confondues, sur la persistance des inégalités.

87 % des femmes identifient la vie professionnelle comme le principal secteur d’inégalité
Lorsqu’on leur demande où les inégalités entre les sexes se manifestent le plus, les femmes pointent massivement du doigt la sphère professionnelle. Elles sont 87 % à identifier le monde du travail comme le principal terrain des discriminations, un avis particulièrement prononcé chez les 30-44 ans et les 45-59 ans, générations souvent prises entre carrière et responsabilités familiales. Puis suivent la vie familiale (50 %), où les déséquilibres liés à la charge mentale et à la répartition des tâches restent criants, puis les retraites (45 %), reflet direct d’une carrière souvent hachée ou à temps partiel.

61 % des femmes ne se considèrent pas féministes
Malgré la prise de conscience largement partagée autour des inégalités, le mot « féministe » continue de diviser. 61 % des femmes interrogées ne se définissent pas comme telles. Un paradoxe apparent, d’autant plus frappant que les plus jeunes générations, souvent perçues comme plus engagées, ne sont que 47 % à se revendiquer féministes. Et ce chiffre ne fait que chuter plus l’âge augmente : 38 % chez les 30-44 ans, 32 % chez les 45-59 ans, avant de légèrement remonter à 39 % chez les 60 ans et plus – une génération qui, peut-être, a connu les grandes mobilisations féminines des années 1970 et 1980.
La fracture est également culturelle : les Suissesses romandes sont 51 % à se reconnaître dans le féminisme, contre seulement 33 % de leurs homologues alémaniques. Et bien sûr, le positionnement politique influe largement : 61 % des femmes de gauche se déclarent féministes, contre 29 % à droite et 22 % chez les femmes apolitiques.

54 % des femmes jugent le mouvement féministe « trop radical »
Parmi celles qui ne se considèrent pas féministes, plus de la moitié (54 %) expliquent leur position par une perception des mouvements féministes comme étant « trop radicaux ». Un ressenti particulièrement fort en Suisse romande, où 60 % des répondantes partagent cette opinion contre 52% côté alémanique. Contrairement à d’autres indicateurs, cette critique est relativement homogène selon les générations. En revanche, le clivage politique est marqué : 70 % des femmes se positionnant à droite pointent du doigt ce féminisme perçu comme excessif, contre une minorité plus partagé chez les femmes de gauche (40 %) ou apolitiques (54 %).

78 % des femmes n’ont jamais participé à la grève des femmes
La participation à la grève des femmes reste encore marginale : 78 % des femmes déclarent n’y avoir jamais pris part. Cette tendance est relativement homogène entre Romandes (74 %) et Suisses alémaniques (80 %), ainsi qu’entre les différentes tranches d’âge. Ce sont surtout les femmes de gauche qui se distinguent par leur engagement : 39 % d’entre elles ont déjà participé à au moins une mobilisation, contre seulement 13 % des femmes de droite ou du centre, et 15 % des femmes se disant apolitiques.

65 % des femmes connaissent peu ou pas du tout le mouvement de la grève féministe
Alors que la grève féministe s’impose comme un moment fort du calendrier militant, elle reste pourtant largement méconnue d’une majorité de femmes en Suisse : 65 % déclarent en avoir peu ou pas entendu parler. Ce déficit de visibilité est particulièrement marqué en Suisse alémanique, où 72 % des répondantes disent ne pas connaître le mouvement. Du côté des tranches d’âge, ce sont les 30-44 ans qui apparaissent comme les moins informées (71 %), tandis que les plus âgées – notamment les 60 ans et plus – se distinguent par une meilleure connaissance du sujet (43 %). Les plus jeunes (18-29 ans) restent également plus sensibilisées que la moyenne (36 %), tout comme les femmes se positionnant à gauche (45%) loin devant celles de droite/centre (28%) et les apolitiques (24 %).

57 % des femmes estiment que la grève des femmes n’est « pas efficace »
Malgré la visibilité croissante du mouvement dans le monde, 57 % des femmes en Suisse considèrent que la grève féministe n’est pas efficace. Un chiffre qui interpelle d’autant plus que 41 % de celles qui se disent féministes partagent cette opinion. Pour les 34 % qui estiment que la grève a un impact réel, les effets les plus fréquemment cités sont la prise de conscience collective et la visibilité des inégalités (37 %), suivies par la revalorisation salariale (25 %).

3 % des femmes prévoient de participer à la grève des femmes le 14 juin 2025
Seules 3 % des femmes interrogées prévoient de participer à la grève féministe cette année. Un chiffre particulièrement bas, même parmi les femmes se déclarant féministes, dont seulement 7 % comptent y prendre part. Si les Romandes se montrent un peu plus enclines à se mobiliser (22 %) que les Suissesses allemandes (16 %), la participation reste marginale. Ce sont les jeunes femmes de 18 à 29 ans qui se montrent les plus engagées (24 %), suivies des 30-44 ans (18 %). Parmi les principales raisons évoquées pour expliquer cette abstention massive : le scepticisme quant à l’efficacité du mouvement (17 %), un manque d’intérêt ou de motivation (15 %), ainsi que le manque de temps (12 %).
