Agnès B. inaugure son retour sous le signe de la nostalgie
La styliste française a signé un retour remarqué au cœur de la Fashion Week de Paris. Sa collection a célébré une liberté créative qui dure depuis cinq décennies.
Après six ans de silence, Agnès B. fait son grand retour sur les podiums parisiens ce lundi 6 octobre. Et quel retour. Le Collège des Bernardins vibre d’une émotion presque palpable, celle des retrouvailles entre une styliste et son public, fidèle depuis cinquante ans. Un jour important donc aussi parce qu’il signe un emblématique anniversaire pour la marque. Cette collection Printemps-été 2026 est ainsi pensée comme une rétrospective intime de sa carrière et déploie pour l’occasion un impressionnant parterre d’une nonantaine de silhouettes. Tout, dès les premières notes du ballet, respire la sincérité d’une maison qui ne cherche pas à suivre le tempo de la mode, mais à préserver sa propre cadence.


La nostalgie, fil rouge de la saison, trouve au sein de la maison française une traduction claire et assumée. Chaque look renvoie à une année charnière de la griffe. Les robes longues, légères comme des pétales, se parent de transparences subtiles, de coupes amples ou de tissus avec du caractère. Les silhouettes racontent une femme libre, rêveuse, ancrée dans l’authenticité de la nature. On y retrouve la main d’Agnès B. : discrète, humaniste, fidèle à la simplicité comme à la grâce. Mais à mesure que le défilé se déploie, la poésie se fige parfois dans une métaphore trop appuyée.


Elan freiné
Plus les looks se présentent, plus les références semblent en effet devenir littérales : des paysages de rivières, de nuages, d’horizons ou de champs s’impriment littéralement sur les tissus. Ce recours au motif figuratif, loin d’amplifier la poésie du propos, en affaiblit plutôt la portée happante. On comprend l’intention – évoquer la nature, le passage du temps, la sérénité -, mais on regrette que le message soit livré sans détour, là où la subtilité aurait pu ouvrir un espace d’émotion plus profond. Après six ans loin des podiums, l’attente n’était pas seulement celle de retrouver un manifeste nostalgique : elle portait aussi sur le regard neuf d’une créatrice capable de réinventer la simplicité sans la trahir.


Mais rien n’est tant figé en somme. De nombreux éclats rappellent en effet la vigueur intacte d’Agnès Troublé de son vrai nom. L’ensemble jaquette-short, rythmé par un patchwork de motifs picturaux presque en graffitis, apporte une respiration inattendue. Plus loin, la jupe noire à volants habillée de pois blancs accroche l’œil et redonne au mouvement toute sa grâce. Les hommages aux nombreux artistes qui accompagnent son parcours (de Futura 2000 à Harmony Korine jusqu’à Mel Bernstine) détonnent et suffisent à rappeler à quel point le partage est au cœur du travail d’Agnès B.




Ce que l’on retiendra est que ce retour réaffirme la force singulière de la maison : la fidélité à une parole douce, à contre-courant du vacarme de la mode. En 2026 comme en 1976, Agnès B. choisit la discrétion comme manifeste. Et c’est, peut-être, le geste le plus subversif de tous. Au plaisir de découvrir la prochaine collection qui inaugurera fondamentalement les nouvelles créations de la maison.