Rencontre avec Guillaume Gallienne, un comédien aux talents multiples

L’acteur et scénariste français était à Genève pour présenter et soutenir Lady Nazca (2025), le film réalisé par son ami, l’artiste suisse Damien Dorsaz. L’occasion de l’interroger également sur son livre Le buveur de brume.

Une enseignante à Lima croise la route d’un archéologue qui l’emmène dans le désert de Nazca où elle découvre un vestige millénaire qui va peu à peu devenir le combat de sa vie… Damien Dorsaz s’inspire de la vie de Maria Reiche pour son premier film, offrant un joli rôle à Guillaume Gallienne. Rencontre avec le talentueux sociétaire de la Comédie française.

ELLE : L’archéologue que vous incarnez à l’écran a-t-il été inventé ?
Guillaume Gallienne : Damien Dorsaz avait 22 ans lorsqu’il a rencontré Maria Reiche, sa vie en a été bouleversée. Il a décidé d’en faire un documentaire et s’est rendu compte que la fiction était nécessaire pour dépasser l’image d’héroïne qui en résultait. Mon personnage est inspiré d’un archéologue américain qu’elle avait rencontré et qui l’a effectivement emmenée sur les lignes de Nazca. Celui-ci symbolise les Occidentaux qui, se sentant supérieurs, sont venus en Amérique Latine et ont pillé les lieux. Maria ne s’est quant à elle jamais sentie supérieure à qui que ce soit. Elle est parvenue à dévoiler le plus grand site archéologique du monde en balayant le désert pendant cinquante ans. Elle est devenue une figure, au point de se retrouver sur les billets de banques au Pérou. C’est plutôt rare !

Selon vous, qu’incarne cette femme ?
La passion qui donne un sens à une vie. Maria lui a tout sacrifié, y compris son amour, son temps. Damien trouvait que le message était très important. Lui-même a mis 18 ans pour faire ce film.

Pour quelles raisons avoir décidé de rejoindre ce projet ?
Damien est mon meilleur ami depuis que j’ai 19 ans. J’ai donc suivi toute l’aventure : de son premier voyage au Pérou à son documentaire… Et puis j’adore raconter les grands destins de femmes. Maria a eu un parcours incroyable. Le film est une réussite : la qualité d’image est exceptionnelle, entièrement en décors et en lumière naturels. La musique est également sublime… J’aime son ADN.

Raconter des histoires, c’est ce qui m’anime.

Guillaume Gallienne, acteur et scénariste
ELLE Suisse

Archéologue est-il un métier qui aurait pu vous plaire ?
Effectivement, l’idée m’a tenté enfant. Découvrir quelque chose du passé, le transmettre au présent et voir ce qu’il va devenir dans le futur m’intéresse beaucoup. Je trouve assez émouvant que la civilisation Nazca ait laissé cette espèce de calendrier astral et solaire géant pour le reste de l’humanité, sachant que ces figures ne peuvent être vues que du ciel et qu’à l’époque, personne ne savait voler !

Dans quelle mesure le personnage que vous incarnez évolue au contact de Maria ?
Au départ, il pense avoir affaire à une tête brûlée, complètement folle. Rester seule dans le désert avec un balai, c’est absurde et il est normal qu’il tente de la dissuader. Et puis, par la suite, il la comprend, un peu tard mais mieux vaut tard que jamais !

Maria fonctionne à l’intuition. Est-ce votre cas ?
De plus en plus. Je fais confiance à mon instinct : un projet résonne en moi ou pas. Je ne fonctionne pratiquement que de cette manière.

J’ai dédié ce livre à mon fils afin de lui faire comprendre que les fois où j’ai pu monter dans les tours avec lui, ça n’était pas de sa faute : l’origine était ailleurs.

Guillaume Gallienne, acteur et scénariste
ELLE Suisse

Vous écrivez dans Le buveur de brume : « Je ne suis pas écrivain, je suis comédien ». Y a-t-il un domaine dans lequel vous vous sentez plus à l’aise ?
C’est drôle, je m’interroge à chaque fois que je me lance dans quelque chose de nouveau, mais j’ai de la chance. Je m’amuse autant avec l’écriture d’un ballet, d’un livre ou de la scène. Il s’agit toujours au fond de raconter des histoires et c’est ce qui m’anime.

Cette nuit passée seul dans un musée vous a-t-elle inspiré ?
J’étais tellement en colère que j’ai écrit 40 pages de rage pendant la nuit ! Le Musée national où je devais passer la nuit était en effet fermé, ce que j’ai découvert en arrivant sur place, et je me suis retrouvé à la Galerie nationale. J’ai continué à écrire en rentrant mais les 30 pages que j’ai ajoutées était pleines d’amertume et de tristesse : cela ne m’intéressait pas de livrer ce témoignage. J’ai mis 18 mois à finalement me rendre compte que cette colère était un point de départ intéressant et qu’il fallait tirer le fil. J’ai dédié ce livre à mon fils afin de lui faire comprendre que les fois où j’ai pu monter dans les tours avec lui, ça n’était pas de sa faute : l’origine était ailleurs.

Le choix du portrait de votre arrière-grand mère Babou comme point de départ du Buveur de brume a-t-il été une évidence ?
Oui, dès lors que j’ai finalement choisi la Géorgie, à défaut de pouvoir aller en Russie voir les Itinérants. Ce portrait avait été flanqué comme une potiche entre deux salles de la Galerie Nationale, assez dénudées. Elle le détestait d’ailleurs, et à juste titre : elle y est représentée avec une espèce de morgue un peu hautaine, chose qu’elle n’a jamais eu de sa vie. Cela m’a conduit à réfléchir à la façon dont les hommes peuvent caricaturer les femmes lorsqu’ils veulent raconter quelque chose d’intime chez elles et qu’ils n’y parviennent pas : ils réduisent cela soit à de la morgue, soit à de l’hystérie… Cette espèce de misogynie dans la représentation des femmes par certains hommes m’agace énormément.

Cette espèce de misogynie dans la représentation des femmes par certains hommes m’agace énormément.

Guillaume Gallienne, acteur et scénariste
ELLE Suisse

Comment avez-vous trouvé le joli titre de votre livre ?
C’est un ami photographe – Grégoire Eloy – qui me l’a donné. Il l’avait envisagé pour une photo réalisée en Géorgie. J’ai beaucoup pensé aux œuvres de James Turrell durant ma nuit au musée. J’avais l’impression d’être dans l’une d’entre elles : c’était ouateux, propice aux fantômes qui m’ont visité. On ne voyait pas la limite des choses entre la fatigue, la lumière : brume était le mot juste.

L’écriture de ce livre vous a-t-elle appris des choses sur vous ?
Que j’étais capable d’en écrire un. Et aussi que je pouvais être plus honnête que je ne le pensais.

Lady Nazca, de Damien Dorsaz, avec Devrim Lingnau, Guillaume Gallienne, Olivia Rosse ; Le Buveur de Brume, par Guillaume Gallienne, Stock, 2025.