Mélanie Tanner: « C’est comme si parler de l’autopalpation était un sujet tabou »

Mélanie Tanner
Mélanie Tanner

Grâce à la créativité et à la détermination de cette jeune Neuchâteloise, en ce mois d’octobre, le carac se pare de rose pour sauver des vies.

Quand Mélanie Tanner apprend à l’âge de 38 ans qu’elle est atteinte d’un cancer du sein, sa première réaction est « pourquoi moi »? À une période de sa vie extrêmement joyeuse où tout était ouvert, un nouvel amoureux, un nouveau super job et une forme physique incroyable, elle ressent un sentiment d’injustice. Après une année de traitements lourds, elle prend son bâton de pèlerin et a cette idée lumineuse d’utiliser la douceur de cette petite pâtisserie typique de Suisse romande pour que toutes les femmes se sentent concernées et puissent être accompagnées dans la maladie. Une manière légère et gourmande d’aborder un sujet grave, voire tabou.

ELLE: Comment est né ce carac rose?
Mélanie Tanner: En 2022, un an après l’arrêt de mes traitements, lors de mes actions de bénévolat au sein de l’association vaudoise OSE Thérapies, je me suis rendue compte qu’on parlait peu du cancer du sein et j’ai eu le sentiment qu’il fallait faire quelque chose. Je cherchais une idée pour faire de la prévention de manière légère, avec un minimum de moyens et qui touche beaucoup de personnes. Un jour, chez mon boulanger, en regardant un carac vert, je me suis dit qu’en rose en fait, c’était un sein.
 
En 2024, dans toute la Suisse romande, grâce à votre association, des caracs roses seront présents dans 350 points de vente (boulangeries, supermarchés, restaurants d’entreprises). Comment expliquez-vous un tel élan de solidarité en si peu de temps?
Ce carac rose est à la fois un outil de prévention à travers les messages qu’il véhicule: «Palpez vous autant que vous likez» et «palpez vos seins pour votre bien», mais aussi de formidable solidarité. En Suisse, on est très frileux de communiquer autour de la maladie. C’est comme si parler de l’autopalpation était un sujet tabou. C’était inédit de faire de la prévention de manière gourmande. Et puis très vite ce carac rose est devenu très instagrammable.

Quelles qualités vous ont servi dans ce projet?
J’ai une âme d’entrepreneuse et avec ce projet je coche un peu toutes les cases. On m’a dit que ma personnalité avait beaucoup joué. Ma détermination, ma curiosité et le fait que j’aime les challenges et que je sois très sociable. J’ai peut-être été le coup d’accélérateur dans une campagne globale.
 
Vous-même, avant le diagnostic, vous sentiez vous concernée par la maladie?
À aucun moment, je pensais qu’on pouvait avoir un cancer du sein à moins de 40 ans. Quand j’ai découvert ma tumeur, elle faisait déjà la taille d’une balle de ping-pong. En plus de sa routine beauté, sport, il faut se créer une routine anti-cancer. Si ma campagne peut sauver quelques personnes de traitements lourds, c’est déjà magique, parce que la chimiothérapie a des conséquences dévastatrices sur le corps et sur le mental.
 
Qu’est-ce que la maladie vous a enlevé?
J’ai dû renoncer à avoir un enfant. Les traitements rendent stériles. En Suisse, on congèle systématiquement les ovocytes des femmes de moins de 40 ans, mais les miens malheureusement n’ont pas survécu. Je ne peux plus travailler à 100%. J’avais un salaire plus que confortable et aujourd’hui en tant qu’indépendante, je peux juste payer les factures.

À l’annonce de votre maladie et des traitements à suivre, votre employeur vous a licenciée, racontez-nous.
Quand le diagnostic est tombé, je venais d’être recrutée deux mois avant par une grande entreprise. Un super job avec un statut de cadre. J’étais encore dans ma période d’essai. J’ai été très transparente avec eux. Avec le recul, je me dis que j’aurais pu attendre un mois de plus. J’ai été licenciée.
 
Qu’est-ce que la maladie vous a apporté?
Mon optimisme naturel a été renforcé par la maladie. Je suis allée à la dernière chimio avec mon amoureux, déguisée en Super Woman. Parce que c’est triste l’hôpital; je me suis dit: une dernière chimio, il faut célébrer, c’est une fête! Je suis arrivée avec 16 ballons qui représentaient les 16 traitements. J’ai mis une joie assez dingue dans l’hôpital.
 
Les associations vers lesquelles vont les fonds récoltés par les ventes des caracs roses soutiennent aussi les aidants. Comment ont été les vôtres?
J’ai eu la chance d’être très entourée par ma famille et mes amis. Mais j’ai aussi la grande chance d’avoir un amoureux extraordinaire, qui a toujours été là. Quand le diagnostic est tombé, ça ne faisait qu’un an que nous étions ensemble, dans cette période «honey moon». Je lui ai dit: Soit tu pars maintenant, parce que ça va être l’horreur, et c’est ok; soit tu restes et tu ne pars jamais. Il est resté.

Quelles émotions vous viennent à l’esprit quand vous pensez à la maladie?
C’est étrange parce qu’au début de notre entretien, les émotions du moment de l’annonce du diagnostic au téléphone dans le métro me sont revenues. Je les avais oubliées. Les pleurs toute seule sur un banc. J’avais décidé de ne pas me déplacer jusqu’à Genève pour les résultats. J’avance et j’oublie. Dès fois, je pourrais oublier que j’ai été malade, tellement j’avance.
 
Quels conseils donneriez-vous à une femme à l’approche du diagnostic?
Je lui conseillerais de s’entourer. De ne pas aller seule aux premiers rendez-vous, de ne pas affronter tout ça toute seule. À chaque traitement, je prenais une copine avec moi. Elles ne peuvent pas dire non. Ça me permettait d’avoir des moments privilégiés avec elles, mais aussi de les éduquer quelque part, de leur montrer ce qu’est une chimiothérapie. Personne ne vous demande jamais précisément comment ça se passe.
 
Quel avenir pour ce carac rose?
J’ai en tête d’envahir la Suisse alémanique.

Tags : femmes · hôpital · cancer

Grâce à la créativité et à la détermination de cette jeune Neuchâteloise, en ce mois d’octobre, le carac se pare de rose pour sauver des vies.

Quand Mélanie Tanner apprend à l’âge de 38 ans qu’elle est atteinte d’un cancer du sein, sa première réaction est « pourquoi moi »? À une période de sa vie extrêmement joyeuse où tout était ouvert, un nouvel amoureux, un nouveau super job et une forme physique incroyable, elle ressent un sentiment d’injustice. Après une année de traitements lourds, elle prend son bâton de pèlerin et a cette idée lumineuse d’utiliser la douceur de cette petite pâtisserie typique de Suisse romande pour que toutes les femmes se sentent concernées et puissent être accompagnées dans la maladie. Une manière légère et gourmande d’aborder un sujet grave, voire tabou.

ELLE: Comment est né ce carac rose?
Mélanie Tanner: En 2022, un an après l’arrêt de mes traitements, lors de mes actions de bénévolat au sein de l’association vaudoise OSE Thérapies, je me suis rendue compte qu’on parlait peu du cancer du sein et j’ai eu le sentiment qu’il fallait faire quelque chose. Je cherchais une idée pour faire de la prévention de manière légère, avec un minimum de moyens et qui touche beaucoup de personnes. Un jour, chez mon boulanger, en regardant un carac vert, je me suis dit qu’en rose en fait, c’était un sein.
 
En 2024, dans toute la Suisse romande, grâce à votre association, des caracs roses seront présents dans 350 points de vente (boulangeries, supermarchés, restaurants d’entreprises). Comment expliquez-vous un tel élan de solidarité en si peu de temps?
Ce carac rose est à la fois un outil de prévention à travers les messages qu’il véhicule: «Palpez vous autant que vous likez» et «palpez vos seins pour votre bien», mais aussi de formidable solidarité. En Suisse, on est très frileux de communiquer autour de la maladie. C’est comme si parler de l’autopalpation était un sujet tabou. C’était inédit de faire de la prévention de manière gourmande. Et puis très vite ce carac rose est devenu très instagrammable.

Quelles qualités vous ont servi dans ce projet?
J’ai une âme d’entrepreneuse et avec ce projet je coche un peu toutes les cases. On m’a dit que ma personnalité avait beaucoup joué. Ma détermination, ma curiosité et le fait que j’aime les challenges et que je sois très sociable. J’ai peut-être été le coup d’accélérateur dans une campagne globale.
 
Vous-même, avant le diagnostic, vous sentiez vous concernée par la maladie?
À aucun moment, je pensais qu’on pouvait avoir un cancer du sein à moins de 40 ans. Quand j’ai découvert ma tumeur, elle faisait déjà la taille d’une balle de ping-pong. En plus de sa routine beauté, sport, il faut se créer une routine anti-cancer. Si ma campagne peut sauver quelques personnes de traitements lourds, c’est déjà magique, parce que la chimiothérapie a des conséquences dévastatrices sur le corps et sur le mental.
 
Qu’est-ce que la maladie vous a enlevé?
J’ai dû renoncer à avoir un enfant. Les traitements rendent stériles. En Suisse, on congèle systématiquement les ovocytes des femmes de moins de 40 ans, mais les miens malheureusement n’ont pas survécu. Je ne peux plus travailler à 100%. J’avais un salaire plus que confortable et aujourd’hui en tant qu’indépendante, je peux juste payer les factures.

À l’annonce de votre maladie et des traitements à suivre, votre employeur vous a licenciée, racontez-nous.
Quand le diagnostic est tombé, je venais d’être recrutée deux mois avant par une grande entreprise. Un super job avec un statut de cadre. J’étais encore dans ma période d’essai. J’ai été très transparente avec eux. Avec le recul, je me dis que j’aurais pu attendre un mois de plus. J’ai été licenciée.
 
Qu’est-ce que la maladie vous a apporté?
Mon optimisme naturel a été renforcé par la maladie. Je suis allée à la dernière chimio avec mon amoureux, déguisée en Super Woman. Parce que c’est triste l’hôpital; je me suis dit: une dernière chimio, il faut célébrer, c’est une fête! Je suis arrivée avec 16 ballons qui représentaient les 16 traitements. J’ai mis une joie assez dingue dans l’hôpital.
 
Les associations vers lesquelles vont les fonds récoltés par les ventes des caracs roses soutiennent aussi les aidants. Comment ont été les vôtres?
J’ai eu la chance d’être très entourée par ma famille et mes amis. Mais j’ai aussi la grande chance d’avoir un amoureux extraordinaire, qui a toujours été là. Quand le diagnostic est tombé, ça ne faisait qu’un an que nous étions ensemble, dans cette période «honey moon». Je lui ai dit: Soit tu pars maintenant, parce que ça va être l’horreur, et c’est ok; soit tu restes et tu ne pars jamais. Il est resté.

Quelles émotions vous viennent à l’esprit quand vous pensez à la maladie?
C’est étrange parce qu’au début de notre entretien, les émotions du moment de l’annonce du diagnostic au téléphone dans le métro me sont revenues. Je les avais oubliées. Les pleurs toute seule sur un banc. J’avais décidé de ne pas me déplacer jusqu’à Genève pour les résultats. J’avance et j’oublie. Dès fois, je pourrais oublier que j’ai été malade, tellement j’avance.
 
Quels conseils donneriez-vous à une femme à l’approche du diagnostic?
Je lui conseillerais de s’entourer. De ne pas aller seule aux premiers rendez-vous, de ne pas affronter tout ça toute seule. À chaque traitement, je prenais une copine avec moi. Elles ne peuvent pas dire non. Ça me permettait d’avoir des moments privilégiés avec elles, mais aussi de les éduquer quelque part, de leur montrer ce qu’est une chimiothérapie. Personne ne vous demande jamais précisément comment ça se passe.
 
Quel avenir pour ce carac rose?
J’ai en tête d’envahir la Suisse alémanique.

Tags : femmes · hôpital · cancer