Depuis mercredi, l’héroïne chaotique préférée des milléniaux est de retour dans Bridget Jones: folle de lui (2025). A la manière du personnage principal, le film a également trouvé une nouvelle génération de fans. Analyse.

Nous sommes en 1995. Helen Fielding, alors écrivaine inconnue, vient de publier sa première chronique dans The Independent. Son pseudonyme? « Bridget Jones ». Le personnage est une trentenaire londonienne travaillant dans les médias et vivant seule à Notting Hill. Ses tentatives d’amélioration personnelle échouent systématiquement face aux aléas de la vie quotidienne. Trente ans plus tard, alors que l’on pourrait penser que le phénomène de cette anti-héroïne s’est essoufflé, les réseaux sociaux témoignent désormais du contraire : Bridget Jones est de retour plus populaire que jamais.

Sur TikTok, plateforme principalement fréquentée par des utilisateurs âgés de 18 à 24 ans – et par conséquent dont beaucoup sont nés après la sortie du premier film en 2001 – on recense plus de trois millions de publications liées à Bridget Jones, son style vestimentaire, son appartement ou encore son esthétique continuant sans équivoque d’inspirer. Helen Fielding elle-même a récemment confié que, lors de ses séances de dédicaces, « la moitié du public est composé de membres de la génération Z ». Et d’ajouter : « Je suis vraiment heureuse lorsque des jeunes de 18 ou 20 ans me disent qu’ils trouvent réconfortant de rire de ces situations ».
Cette popularité renouvelée coïncide avec la sortie du quatrième film de la franchise, Bridget Jones : Folle de lui (2025). Dévoilé dans les salles suisses romandes mercredi 12 février, cette suite suscite l’impatience d’une génération qui n’a pourtant pas grandi avec elle. Et cela s’explique.

Anti-héroïne par excellence
Bridget Jones conquiert désormais une nouvelle génération de fans sur les réseaux sociaux, cet univers qui incarne paradoxalement tout ce qu’elle n’est pas. Symbole de l’imperfection assumée, ce célèbre personnage des années 2000 est le contraire des standards idéalisés du monde numérique: ses plats improbables, comme une soupe bleue, une omelette ou de la marmelade, contrastent avec l’engouement actuel pour les dîners esthétiques, comme en témoigne le rapport 2024 Summer Trends de Pinterest qui observe une hausse de 6000 % des recherches liées aux « dinner party inspiration ».
Bridget Jones se maquille à la va-vite à l’arrière de voitures mal éclairées, alors que la génération Z poursuit sur Instagram inlassablement une mise en beauté parfaitement calibrée. Loin des standards imposés par les filtres et la quête de perfection des réseaux sociaux, elle fume, boit, commet des gaffes mémorables et affiche un look souvent imparfait, sans parler de ses coiffures désastreuses. Mais c’est précisément cette authenticité désarmante qui la rend si attachante. En regardant Bridget Jones, on se rappelle que, malgré tous les efforts pour contrôler son image, la vie échappe toujours à la perfection.
En ce sens, cette dernière s’impose comme l’anti-héroïne par excellence. C’est la rébellion subtile contre la pression des diktats de beauté numériques impeccablement calibrées. Elle illustre ainsi une bouffée d’air frais dans un monde de plus en plus obsédé par l’apparence.
Antidote au mal des réseaux sociaux
Dans Bridget Jones: folle de lui, inspiré du quatrième roman de Helen Fielding paru en 2013, Bridget Jones est désormais quinquagénaire, veuve et mère de deux enfants, Billy et Mabel. Le film aborde les thèmes du chagrin, de l’amour et de la résilience et rappelle que la vie, avec ses hauts et ses bas, reste à vivre pleinement. Hugh Grant (qui incarne le séduisant Daniel Cleaver dans la saga), a dernièrement résumé chez Vogue l’impact de Bridget Jones : « C’est l’antidote à Instagram. Quand Instagram vous pousse à penser que votre vie n’est pas à la hauteur, Bridget célèbre l’échec avec humour et légèreté ».

C’est l’antidote aux réseaux sociaux. Quand ils vous poussent à penser que votre vie n’est pas à la hauteur, Bridget Jones célèbre l’échec avec humour et légèreté.
Le retour de Bridget Jones s’inscrit dans une époque où la quête de perfection imposée par les réseaux sociaux suscite un rejet croissant. Un phénomène qui s’explique notamment par la « théorie des 30 ans », selon laquelle les tendances culturelles reviennent en vogue toutes les trois décennies. Les années 1990, bien que marquées par leurs imperfections, sont perçues avec nostalgie comme une période plus simple, avant l’ère numérique omniprésente. Il s’agissait de la dernière décennie avant que nous ne voyions nos vies à travers nos téléphones, lorsque nous pouvions fumer à l’intérieur, que l’économie était en plein essor et que nos options semblaient bien plus nombreuses. La résurgence d’icônes de cette époque – des groupes comme Oasis aux Tamagotchis, en passant par les remakes de séries cultes telles que Buffy contre les vampires, Sexe Intentions et Ghost – témoigne en effet de ce besoin de réconfort nostalgique.
De plus, le cinéma explore aujourd’hui des personnages féminins complexes et imparfaits, à l’image de Nicole Kidman dans Babygirl ou Demi Moore dans The Substance. Bridget Jones revient ainsi au bon moment, représentant depuis toujours cette femme désordonnée, drôle et humaine, loin des stéréotypes féminins lisses et parfaits.
Bridget Jones n’est pas seulement un personnage. C’est un symbole d’authenticité et d’imperfection assumée. Elle rappelle que la vie n’a pas à être parfaite pour être belle. Avec humour, amour et une touche de Sauvignon Blanc, ce personnage iconique symbolise en somme l’imperfection glorieuse d’une vie vécue pleinement.
Autrice: Naomi May
Cet article a été traduit en français et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com/uk. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.