La dépression périnatale peut se manifester par de l’anxiété, une perte d’appétit, des troubles du sommeil ou un sentiment d’inadéquation avec le fait de devenir mère. En Suisse, la proportion de femmes affectées par la dépression était entre 15 et 20% en 2024. La Journée mondiale de la santé mentale maternelle (le 7 mai) est l’occasion de dire un peu moins « quel miracle » et de demander un peu plus souvent « comment vas-tu ? »

Si l’on plonge dans l’océan de forums consacrés à la maternité, on tombe facilement sur des dizaines, voire des centaines de témoignages de femmes ordinaires, qui pendant des mois – parfois des années – ont espéré un enfant qui ne venait pas, jusqu’à ce que ce manque devienne presque une obsession. Puis, au moment où elles parviennent à tomber enceinte, alors que la peur de ne jamais devenir mère s’efface enfin, il arrive que ce ne soit pas la joie ou le soulagement espérés qui émergent… mais plutôt des pensées sombres, voire même inquiétantes. Et lorsque l’enfant naît, d’autres pensées surgissent à leur tour. D’une intensité extrême, épuisantes, parfois glaçantes.

Dans les forums, mais aussi dans les discussions entre amies ou sur les réseaux sociaux, se croisent des questions désespérées, des appels à l’aide surgis de solitudes profondes, et de nombreuses réponses pleines de bon sens, réconfortantes, de celles qui sont passées par là et s’en sont sorties. Avec ou sans l’aide de spécialistes ou d’un traitement, selon l’intensité du mal-être. Ce qui, en revanche, n’aide en rien, c’est ce cliché qui les veut rayonnantes simplement parce qu’elles ont donné la vie. Dans ce contexte d’idéalisation excessive à chaque étape de la maternité, certains ressentis, certaines pensées sombres, ne peuvent être exprimés sans provoquer méfiance ou incompréhension.

Baby blues et dépression post-partum

Devenir mère implique de nombreux bouleversements: la femme doit réorganiser ses habitudes familiales, professionnelles et conjugales en fonction des besoins constants du nouveau-né. Les jours qui suivent l’accouchement sont souvent marqués par une instabilité émotionnelle, une baisse de moral et des troubles du sommeil — un état considéré comme physiologique. C’est ce que l’on appelle le baby blues, une forme de mélancolie passagère. D’après la fondation suisse Pro Juventute qui vise à accompagner les parents et soutient les enfants, entre 40 et 80% des mères en font l’expérience, avec des symptômes qui s’estompent généralement en quelques jours, sans évoluer vers un trouble durable.

La dépression post-partum, en revanche, est un trouble psychologique à part entière, avec des symptômes spécifiques, souvent minimisés. Nombreuses sont les mères qui n’osent pas en parler ni consulter, par honte ou par peur d’être jugées. On parle parfois de « dépression silencieuse », tant elle est tue par celles qui en souffrent. Au cœur de ce silence, une crainte profonde : être perçue comme une mauvaise mère.

Baby blues et dépression post-partum
Crédits : Darina Belonogova

Quand la dépression commence dès la grossesse

La dépression ne survient pas uniquement après la naissance: elle peut également apparaître pendant la grossesse — et cela n’en fait pas un trouble moins grave ou moins difficile à vivre. Pourtant, ce sujet reste encore trop peu abordé, alors même que la dépression prénatale devient une réalité de plus en plus fréquente.

Selon une étude menée en 2018 par l’Université de Bristol et publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA), les femmes de la génération Millennial présentent un risque bien plus élevé de dépression pendant la grossesse que les générations précédentes. Dirigée par la Dre Rebecca Pearson, chercheuse au Centre for Academic Mental Health, cette étude a comparé les taux de dépression chez des femmes enceintes entre 1990 et 1992 avec ceux de femmes enceintes entre 2012 et 2016. Résultat : 25 % des femmes nées entre 1980 et 1994 ont signalé des symptômes dépressifs importants pendant leur grossesse — contre 17 % pour celles enceintes dans les années 90.

Les chiffres de la dépression périnatale en Suisse

La dépression périnatale peut se manifester de différentes manières : anxiété, perte d’appétit, insomnie, sentiment d’inadéquation… autant de symptômes qui varient d’une femme à l’autre. Environ 10 % des femmes enceintes souffrent de ces troubles pendant la grossesse, un chiffre en hausse ces dernières années. En Suisse, la proportion de femmes affectées par la dépression était entre 15 et 20% en 2024, d’après postpartale-depression.ch.

Selon les dernières données de l’Institut Supérieur de la Santé (ISS), il devient de plus en plus urgent de mettre en place des programmes de promotion du bien-être psychologique pendant la grossesse, notamment pour aider les femmes à reconnaître et à comprendre les signes de mal-être — des signaux souvent minimisés, voire ignorés, tant par les femmes elles-mêmes que par leur entourage.

Les chiffres de la dépression périnatale en Suisse
Crédits : Mart Production

L’importance du soutien à la santé mentale maternelle

À l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale maternelle le 7 mai, Alma Res – Centre de Médecine de la Reproduction (www.almares.it) – rappelle combien il est essentiel de soutenir la santé mentale des femmes, afin de renforcer leur résilience et les accompagner dans leur rôle de mère, dans les meilleures conditions possibles.

Depuis quelques années, on commence enfin à parler d’un sujet longtemps sous-estimé, mais qui mérite une large diffusion. La santé mentale maternelle a été trop peu prise en compte, enfermée dans des préjugés et des dogmes

Marco Callopoli – psychothérapeute chez Alma Res

« Devenir mère est encore trop souvent perçu comme « un miracle », « une chance », « un cadeau » — et à ce titre, il faudrait en être uniquement heureuse et reconnaissante. Cette injonction au bonheur peut pourtant engendrer un profond conflit intérieur chez de nombreuses jeunes mères : entre la joie d’accueillir un enfant tant désiré et l’angoisse face au bouleversement radical de leur vie. »

Ce tiraillement est d’autant plus intense dans nos sociétés occidentales, où l’individualisme est souvent valorisé — un modèle qui entre en contradiction avec les exigences d’altruisme et de disponibilité imposées par la maternité. Dans ce contexte, la naissance d’un enfant, puis les années qui suivent, deviennent des périodes particulièrement sensibles et éprouvantes, marquées par une multitude d’émotions parfois contradictoires.

Aujourd’hui, on estime qu’une mère sur cinq est à risque de développer un trouble psychique : anxiété, troubles obsessionnels, dépression post-partum. C’est pourquoi Alma Res accorde une attention particulière à la psychologie périnatale. Pour toutes les femmes qui traversent le parcours de la Procréation Médicalement Assistée, le centre propose un accompagnement psychologique gratuit, tout au long du processus thérapeutique. L’objectif : permettre aux patientes d’aborder la grossesse avec une plus grande conscience de soi, un lien plus solide avec leurs émotions, et une meilleure capacité à faire face aux fluctuations émotionnelles qui accompagnent l’arrivée d’un enfant.

Infertilité et santé mentale

Pour de nombreuses femmes, le bonheur de la grossesse n’est qu’une partie de l’histoire. L’actrice Anne Hathaway l’a exprimé publiquement fin juillet, en annonçant l’arrivée de son deuxième enfant : « À celles et ceux qui luttent contre l’infertilité, voyez en moi une sœur. Tomber enceinte ne tient pas de la baguette magique. Dans bien des cas, c’est un parcours difficile, douloureux, et loin d’être linéaire. »

Et les chiffres le confirment : dans les pays industrialisés, près d’un couple sur trois est concerné, à différents degrés, par des difficultés à concevoir. L’infertilité est une épreuve profondément stressante, qui fragilise l’identité : chez l’homme, elle peut être perçue comme une atteinte à la virilité ; chez la femme, comme un déni de l’expérience maternelle.

La psychothérapeute Ute Auhagen-Stephanos a même évoqué l’existence d’un syndrome spécifique : le “syndrome du désir d’enfant”, un cercle vicieux émotionnel proche de l’addiction. Il alterne phases d’euphorie (lors de l’ovulation) et de déception (à l’arrivée des règles), tandis que le reste de la vie semble figé — les amis, les liens affectifs, le travail passent à l’arrière-plan, comme des génériques en noir et blanc.

Une femme enceinte
Crédits : Erika Quirino

PMA, abandon du parcours et besoin d’écoute

Ceux qui sont passés par là le savent : il est difficile de penser à autre chose quand on est plongé dans un parcours de Procréation Médicalement Assistée (PMA). C’est un chemin exigeant, et cela se reflète dans un chiffre révélateur : environ 20 % des couples abandonnent dès le premier essai. Une personne sur cinq.

Le counselling peut offrir un soutien précieux, mais la souffrance d’un couple confronté à ces épreuves est souvent profonde, et nécessite parfois un accompagnement thérapeutique plus poussé. D’autant qu’il est difficile de mettre des mots sur certaines douleurs. De nombreuses femmes se sentent incomprises — par les médecins, mais aussi parfois par leur compagnon, qu’elles excluent de leur souffrance presque par réflexe. L’homme, lui, adopte parfois une posture de défense : il place le problème “à l’extérieur de lui”, le réduisant à une affaire strictement féminine.

C’est pourquoi il est essentiel de mieux faire connaître des services comme celui proposé par Alma Res : pour que celles et ceux qui naviguent en pleine tempête sachent qu’une embarcation existe — il suffit parfois de tourner le regard dans la bonne direction.

PMA, abandon du parcours et besoin d’écoute
Crédits : RDNE Stock project 

Autrice : Carlotta Sisti
Cet article a été traduit et adapté pour la Suisse après avoir initialement été publié sur elle.com/it. Retrouvez tous les autres articles de cette édition sur le site web officiel.

Tags : famille · enfant · parent